DEVELOPPER LE TRAVAIL EN PARTENARIAT DANS LA CITE. UN EXEMPLE SUR LE 14ème ARRONDISSEMENT DE PARIS. Docteur V. BOULICOT et Docteur MN. VACHERON, secteur 13, Hôpital Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris. Mme M. AUFFRAY, Adjointe au Maire chargée de la santé, des seniors et des personnes en situation de handicap. Mairie du 14ème arrondissement de Paris, 2 place Ferdinand Brunot, 75014 Paris. De la psychiatrie de secteur au partenariat. La politique de secteur en psychiatrie, instituée par la circulaire du 15 mars 1960 sous l’influence du mouvement désaliéniste d’après-guerre, pose le principe d’une action sanitaire « hors les murs ». Elle propose un dispositif de soins à double polarité, intra et extrahospitalière, privilégiant le maintien du malade dans le tissu social normal. Ses principes sont de traiter le malade de façon aussi précoce que possible, au plus près de sa famille et de son milieu, et d’assurer la continuité des soins (prévention, soins, post-cure) par l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire médico-sociale [1]. Le progrès des thérapeutiques et des connaissances en psychiatrie, qui devient une discipline médicale, l’évolution de son champ d’intervention avec la notion de santé mentale rendent nécessaires l’adaptation de la politique sectorielle au plus près des besoins de la population, en fonction de l’équipement sanitaire dont elle dispose et du panorama social, économique et socio-culuturel du secteur géographique qu’elle dessert [2-4]. Le partenariat avec les différents acteurs de la communauté concernés par la Santé mentale devient alors un outil du secteur psychiatrique. On peut définir le partenariat comme « la réunion volontaire d’acteurs et d’institutions qui souhaitent atteindre un même objectif, avec des stratégies et des moyens mis en commun » [5]. Le partenariat correspond ainsi à une action commune et négociée, dans une logique institutionnelle qui élabore des méthodologies d’intervention visant la transversalité des situations. Il est complémentaire du travail en réseau dont les finalités sont l’innovation, la complémentarité, la coordination et la réactivité [6]. L’organisation d’un travail partenarial territorialisé est une vocation déjà ancienne de la psychiatrie publique. Déjà, les circulaires du 12 décembre 1972, du 9 mai 1974 puis celle du 14 mars 1990, recommandaient la création de Conseils de Santé Mentale de secteur. Les plans Santé mentale de 2001 et 2005/2009 du Ministère de la Santé encourageaient également le développement « des partenariats locaux entre les acteurs concernés par la santé mentale » et « des réseaux en Santé mentale ». Partenariat en Santé Mentale sur le 14ème arrondissement de Paris. Le secteur du 14ème arrondissement de Paris (75G13) répond à une logique de secteur mais aussi d’arrondissement et dessert 140 000 habitants. Le pôle intra-hospitalier (Hôpital SaintAnne) est composé d’unités classiques d’hospitalisation et d’un hôpital de semaine. Les structures extra-hospitalières (CMP, hôpital de jour, CATTP, foyers de post-cure et appartements associatifs) sont également situées sur le 14ème arrondissement ou dans un secteur géographique proche. Plusieurs autres lieux de soins sont implantés sur le secteur. On retrouve ainsi, avec l’hôpital Sainte-Anne, plusieurs hôpitaux généraux, des maisons de retraite, ainsi qu’un certain nombre de partenaires impliqués dans la santé mentale : élus locaux, services sociaux, PMI, Cité Universitaire, bailleurs sociaux, commissariat, intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile, associations… Compte-tenu de ses particularités, le travail partenarial est une volonté ancienne du secteur, dont le développement reprend les principes du secteur : mieux dépister, mieux prévenir, maintenir le patient dans son milieu, favoriser l’accès aux soins et proposer un parcours de soins cohérent et coordonné. Les moyens du partenariat sont alors d’informer, de déstigmatiser auprès des différents acteurs de la communauté (bailleurs sociaux, maison de retraite, Cité Universitaire…), et de favoriser l’échange avec différents professionnels (services sociaux, PMI, intersecteur…). Le développement des partenariats permet alors d’envisager un travail de réseau pour mieux répondre aux spécificités, en fonction du terrain (adolescent, périnatalité, personnes âgées, précarité, ethnopsychiatrie), ou de la pathologie (addiction, réhabilitation…). Le Conseil local de santé mentale (CLSM) du 14ème arrondissement L’objectif du Conseil local de santé mentale est de permettre l’émergence d’une politique de santé mentale adaptée au territoire concerné, en s’appuyant sur les liens déjà existants. Le projet CLSM du 14ème arrondissement est né en 2006, à l’initiative de l’Atelier Santé Ville. Il a été réactivé sur la sollicitation du Centre Collaborateur de l’OMS à Lille par la nouvelle adjointe au Maire chargée de la Santé, de seniors et des personnes en situation de handicap Madame M. Auffret en 2009. Il s’organise autour de 2 séances plénières par an où sont définis les axes de travail. Deux commissions sont issues du CLSM : la première est centrée sur le logement (adaptation des logements aux personnes souffrant de handicap, prévention du risque d’expulsion…), la deuxième s’intéresse à la communication, aux actions de prévention et de déstigmatisation en santé mentale. La création d’une 3ème commission centrée sur le sujet âgé est en cours de discussion. Les partenaires impliqués sont le secteur de psychiatrie adulte et infanto-juvénile, le SMES (Service d’appui santé mentale et exclusion sociale), différents services publics (police, pompiers, Point Paris Emeraude), les services sociaux (CASVP, DASES, polyvalence de secteur, Education nationale), des associations (Aurore, Elan Retrouvé, Gefab, APASO, Tous sous un même toit), l’UNAFAM, et la Mairie du 14ème arrondissement. D’autres partenaires seraient à impliquer ou souhaiteraient s’impliquer (bailleurs sociaux, mission locale…). Des études et des projets associatifs ont été présentés, ainsi que des évènements à destination du grand public. Les applications concrètes du CLSM sont variées et encore à évaluer. On peut néanmoins évoquer l’intérêt des contacts et échanges au cours des séances, l’obtention d’une subvention sur le budget d’animation locale de la mairie du 14ème pour la subvention d’un évènement de prévention à destination des adolescents en collaboration avec la maison des usagers de Sainte-Anne, la définition d’un projet prioritaire de Maison Relais où l’accord du Maire a été obtenu. On peut également retenir l’implication des différents partenaires dans la Semaine d’information de la Santé Mentale (SISM) en 2010 avec l’organisation d’une conférence sur la prévention des troubles psychiques chez le jeune (Mairie, UNAFAM, secteur de psychiatrie adulte), la participation au Forum des associations avec l’équipe soins-précarité de l’hôpital Sainte-Anne. En 2011, un ciné-débat avec les jeunes sera organisé (UNAFAM, mairie, conseil de la jeunesse, service de pédopsychiatrie et de psychiatrie adulte), ainsi que la participation à la SISM. Une présentation des CLSM par Mme M. Auffret en tant que représentante des Elus Santé publique et Territoire a également pu être proposée lors d’une session du PACTE Européen de Santé Mentale en décembre 2010. … Les autres partenariats existant sur le 14ème arrondissement : D’autres partenariats existaient déjà sur le 14ème arrondissement. Ainsi le Réseau gérontologique du 14ème arrondissement regroupe les professionnels impliqués dans la gérontologie (généralistes, PPE/CLIC, services d’aide à domicile, services de gérontologie, service de psychiatrie adulte, services sociaux, APA…) dans le cadre de réunions de concertation mensuelles. Le Réseau périnatalité propose également des réunions de concertation tous les 2 mois associant les médecins de la PMI, de l’Institut de Puériculture de Paris, de l’intersecteur de psychiatrie infanto-juvénile, du CMPP et de psychiatrie adulte. Des vacations par des psychiatres du service de psychiatrie adulte sont effectuées sur des maisons de retraite du 14ème arrondissement et sur un CHRS, avec des facilités d’admission pour les patients du secteur. Des réunions de sensibilisation à la psychiatrie sont régulièrement organisées avec la Cité Universitaire et Paris-Habitat (bailleur social). Conclusion Le partenariat nécessite du temps et une certaine disponibilité des partenaires. Il se doit aussi de respecter le secret professionnel, en proposant une charte de confidentialité avec la notion d’un « secret partagé ». Il repose souvent sur l’engagement de personnes individuelles, avec le risque de voir s’éteindre ou se distendre des liens privilégiés au départ de ces personnes. Il s’agit d’un travail qui n’est jamais acquis, qu’il faut toujours construire et développer. Mais le partenariat permet aussi de gagner du temps, de travailler de manière plus cohérente. Il constitue un travail riche, créatif et dynamique qui permet l’échange de pratiques, de compétences, de points de vue et d’expériences. Bibliographie [1] Ey et al (1960,1989). Organisation de la santé mentale. Manuel de Psychiatrie. 6ème édition. P1087-1093. Paris : Masson. [2] Piel E., Roelandt J-L. (2001). De la psychiatrie vers la santé mentale, rapport de mission, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, ministère délégué à la Santé. [3] Cléry-Melin, Kovess et al (2003). Plan d’action pour le développement de la psychiatrie et la promotion de la santé mentale, Rapport d’étape remis au ministère de la Santé. [4] Ehrenberg A. (2004). Les changements de la relation normal-pathologique. A propos de la souffrance psychique et de la santé mentale. Esprit, mai 2004, p133-156 [5] Gabel M.(1998). Le difficile partenariat des professionnels. Une maltraitance institutionnelle indirecte? In Gabel M. et al Maltraitances institutionnelles, accueillir et soigner les enfants sans les maltraiter. p45-68. Paris : Fleurus. [6] Dumoulin et al (2004). Travailler en réseau. DUNOD