dieu se « compromet » avec la matière. Le platonisme pose en effet que
l’être divin n’est pas lié à la matière, qui est indigne de lui, ce qui
contraint à penser des divinités intermédiaires (néo platonisme) ou une
divinité maléfique responsable de la matière (manichéisme). Le point de
discorde avec les platoniciens est ainsi la matière puisque pour le
platonisme la vérité ne peut être atteinte que par l’envol hors de la
matière et des sens qui nous trompent (ce que reprendra Descartes et que
l’on peut sentir à travers l’extase plotinienne) alors que les stoïciens
font confiance au monde et admettent une saisie totale de l’objet par un
effort de l’attention, c’est la catalepse. Une science du sensible est
ainsi possible.
Les stoïciens aboutissent ainsi à deux problèmes qui deviendront
classiques, si dieu est bon comment expliquer le mal, et comment rendre
compte de la liberté et du hasard devant son omnipotence ? La théodicée
stoïcienne sera reprise par Leibniz, le mal est justifié par le fait qu’il
n’est que local est qu’il faut le comprendre dans la perspective de la
continuité du monde pour voir qu’il concourt à l’harmonie de ce dernier.
Le seul mal véritable est moral, résidant dans la mauvaise action, qui
elle-même ne tient pas à la richesse, aux biens physiques etc. qui ne sont
pas condamnables moralement mais sont indifférents même si le mal pourra
surgir des désirs qu’ils excitent.
La liberté est un problème plus délicat eu égard à l’omnipotence divine.
Mais il faut tout d’abord être conscient du fait que la liberté grecque est
un statut socio politique et que le problème n’est ainsi pas posé en tant
que telle avant que les cyniques n’extraient la liberté de son cadre
politique. La liberté devient ainsi l’objet d’une quête intérieure et peut
mener à un « paradoxe » à savoir le fait que si on pose la liberté comme la
victoire sur ses désirs un esclave, par l’ascèse, peut être libre.
Mais les détracteurs du stoïcisme lui objectent le fait que si tout est
prévu, ce n’est as la peine de se fatiguer, rien ne dépend de nous. La
réponse stoïcienne est subtile, le stoïcisme ne cherche pas à défendre la
liberté des hommes. En effet seul le sage, être exceptionnel, est libre
mais l’homme en lui-même ne l’est pas. Mais l’homme est responsable, ce qui
pour nous est paradoxal.
Il reste que les stoïciens sont les premiers à penser le sujet, pensée
appuyée par le fait que deux personnes peuvent réagir différemment à une
même chose, l’homme n’est pas le jouet du monde mais de ce qu’il possède au
fond de lui-même. Il y a dès lors une responsabilité parce qu’il y a un
moi, les circonstances n’agissent jamais à notre place. Toute action nous
engage et nous révèle ainsi, c’est pourquoi même si mon action est bénigne,
si elle est mauvaise, je suis mauvais. Nous sommes ainsi responsables de
nous. Mais nous ne sommes pas responsables fac à un tribunal ou à cause
d’un châtiment divin, nous ne sommes responsables que devant nous même
parce l’enjeu de la responsabilité est la sagesse et donc le bonheur. C’est
sur la responsabilité de la faute que repose l’entreprise de la sagesse,
c'est-à-dire de la libération qui ne peut être atteinte que par l’ascèse.
Nous voyons dans cette quête un paradoxe, une réduction du bonheur (qui
la justifie) à l’utopie, à l’idéal mais nous ne voyons cela que parce que
nous ne connaissons pas la figure du sage qui pour les Grecs était évidente
(Epictète considère Socrate et Diogène comme des sages) alors que nous
connaissons les figures du martyr et du saint qui considèrent la douleur
comme rédemptrice alors qu’il n’y a aucun dolorisme dans le stoïcisme. En
effet, au sens Grec le désir est signe de manque et entraîne d’autres
douleurs en menant à l’hybris, l’excès final. La passion grecque est à
prendre au sens étymologique de souffrance, en ressentant la passion
l’homme n’est plus maître de lui, la passion est ainsi désignée du même
terme que la maladie. C’est pourquoi Epicure, en faisant du plaisir
l’étalon du bonheur ne vise pas le plaisir physique mais la fuite de la
douleur, le plaisir épicurien n’est pas loin de l’ascèse. Le Portique
cherche ainsi à nous détacher des biens physiques mais ôte aussi toute