Planète Terre en mouvements

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ÉPREUVE COMMUNE DE TIPE 2011 - Partie D
TITRE :
Planète Terre en mouvements
Temps de préparation : ……………..….2 h 15 minutes
Temps de présentation devant les examinateurs : …….10 minutes
Entretien avec les examinateurs : ……………………..10 minutes
GUIDE POUR LE CANDIDAT :
Le dossier ci-joint comporte au total : 16 pages
Guide candidat : 1 page
Document principal : 14 pages
Documents complémentaires : 1 page
Travail suggéré au candidat : Le candidat mettra en lumière le rôle essentiel de l’observation
précise dans l’établissement des lois de la mécanique céleste, dans l’étude des perturbations du
mouvement de la Terre et dans celle de leurs impacts, notamment sur le climat de la Terre.
Au cas où le candidat souhaiterait aborder la question sous un autre angle, il lui est demandé d’en
faire état dès le début de l’épreuve.
CONSEILS GENERAUX POUR LA PREPARATION DE L'EPREUVE :
* Lisez le dossier en entier dans un temps raisonnable.
* Réservez du temps pour préparer l'exposé devant les examinateurs.
-
Vous pouvez écrire sur le présent dossier, le surligner, le découper … mais tout sera à
remettre aux examinateurs en fin d’oral.
-
En fin de préparation, rassemblez et ordonnez soigneusement TOUS les documents
(transparents, etc.) dont vous comptez vous servir pendant l’oral, ainsi que le dossier, les
transparents et les brouillons utilisés pendant la préparation. En entrant dans la salle
d'oral, vous devez être prêt à débuter votre exposé.
-
A l'issue de l'épreuve, vous devez remettre au jury le dossier scientifique. Tout ce que
vous aurez présenté au jury pourra être retenu en vue de sa destruction.
Planète Terre en mouvements
La Terre tourne sur elle-même et, comme les autres planètes, décrit un mouvement elliptique
5
autour du Soleil. La Terre n’est toutefois pas insensible à l’action des autres éléments du système
solaire et en premier lieu de son satellite « la Lune », voire de sa propre atmosphère. Les
conséquences de ces perturbations, loin d’être négligeables, sont à l’origine de changements
climatiques, de l’allongement de la durée du jour et d’irrégularités de la rotation de la Terre.
10
L’objet de ce texte, au-delà de considérations générales sur les lois de Kepler, les mouvements à
force centrale, la loi de la gravitation et la conservation du moment cinétique, est d’explorer
quelques unes des perturbations de l’orbite de la Terre autour du soleil et de celles de la rotation
de la Terre et de donner un aperçu des conséquences pratiques de ces perturbations.
1. Du « géocentrisme » à « l’héliocentrisme »
15
Dès l’antiquité, Aristarque de Samos (environ 310-230 av. J.C.) avance l’hypothèse d’un
mouvement de la Terre autour du Soleil. Ptolémée (90-168) s’inscrit, par contre, en défenseur du
géocentrisme. Il faut attendre Copernic et Galilée, pour que le concept d’une Terre immobile au
20
centre de l'univers soit à nouveau remis en cause. Les observations disponibles jusqu’alors ne
permettent pas de mettre en évidence un mouvement de la Terre dans l'espace. Copernic et
Galilée reprennent l’hypothèse du mouvement des planètes autour du Soleil. Kepler énonce des
lois qui découlent de l'observation précise du mouvement des astres. Ces lois ne représentent
qu'une description cinématique du mouvement sans faire d'hypothèses sur la nature des forces en
25
jeu.
Kepler (1571-1630) est le disciple de Tycho Brahe (1546-1601) auquel il succède comme
astronome de l'empereur d'Allemagne Rodolphe II. Tycho Brahe est principalement un
observateur de positions précises mais s'il effectue de très bonnes observations, en revanche, il
n'est pas convaincu par les théories héliocentriques de Copernic (1473-1543). Il pense toujours
30
que la Terre est au centre du système solaire. Kepler va utiliser les observations de Tycho Brahe
pour énoncer ses lois. Kepler est convaincu que Copernic a raison, ce qui sera définitivement
1
admis après Galilée (1564-1642) en 1610 grâce à l'utilisation d'une lunette astronomique et à
l'observation des satellites de Jupiter.
Kepler, très grand calculateur et mathématicien, obtient, à partir des observations de Tycho
35
Brahe, les orbites des planètes. Il énonce les lois qui portent son nom et qui caractérisent ces
orbites. Il introduit pour la première fois la notion d'orbite elliptique, rompant avec les
mouvements circulaires uniformes érigés en dogme par les Grecs. Kepler montre par ailleurs que
les plans des orbites planétaires passent par le Soleil et non par la Terre, ce qui contredit un des
postulats du géocentrisme.
40
2. Les lois de Kepler
Kepler énonce ses deux premières lois en 1609 et sa troisième loi en 1619.
Les planètes décrivent des ellipses dont le Soleil occupe l'un des foyers.
Jusqu'alors, on n'avait considéré que le cercle comme trajectoire possible des corps célestes. Ce
sont les observations précises de Tycho Brahe qui ont permis de revenir sur ce postulat.
45
L'ellipticité des orbites des planètes est très faible : la différence entre les longueurs des axes de
l’ellipse est très inférieure à la longueur du grand axe. La différence entre le cercle et l'orbite de
la Terre est infime : si on veut la représenter sur une feuille de papier, la différence entre le cercle
et l'ellipse tient dans l'épaisseur du trait de crayon ! Le Soleil n'est pas au centre de l'ellipse, mais
au foyer qui est légèrement décentré (Figure 1).
50
Orbite de la Terre : une ellipse peu excentrique dont le Soleil occupe un des foyers.
Figure 1
2
Au cours du mouvement le rayon vecteur joignant le soleil à la planète balaie des aires
55
égales en des temps égaux
La signification de cette loi est claire : les planètes ne se déplacent pas avec une vitesse
uniforme ; elles vont plus vite quand elles sont près du Soleil et plus lentement quand elles en
sont loin. Cela est particulièrement observable pour les comètes dont les orbites sont,
contrairement à celles des planètes, très excentriques (très allongées).
60
Le rapport du cube des demi- grands axes « a » des orbites des planètes aux carrés des
périodes « T » est le même pour toutes les planètes.
C’est-à-dire :
a3/T2 = constante ou bien 2a3 = constante
( étant la vitesse angulaire moyenne du mouvement de révolution de la planète autour du
65
soleil = 2/T)
3. Les mouvements à force centrale
En mécanique du point, un mouvement à force centrale est le mouvement d’un point matériel M
soumis uniquement à une force centrale, c’est-à-dire une force toujours dirigée vers le même
point noté O, appelé centre de force.
70
Ce type de mouvement est une modélisation de certains phénomènes physiques : il n’est pas
rigoureusement présent dans la nature, mais certains mouvements s’en rapprochent. Par exemple,
on peut considérer que la Terre est soumise à une force centrale de la part du Soleil.
L’étude mathématique de ce type de mouvements permet d’obtenir quelques résultats généraux.
On peut montrer par exemple que la trajectoire est contenue dans un plan, que la vitesse aréolaire
75
est constante.

Par définition le moment cinétique L est le produit vectoriel de OM et de la quantité de
mouvement


p  m.ν
(où m et  sont la masse et la vitesse du point matériel) :
L  OM  p
3
Le théorème du moment cinétique appliqué au centre de force O dans un référentiel galiléen (ou
80
inertiel) énonce que la dérivée du moment cinétique L au point O est le produit vectoriel du
rayon vecteur OM et de la force F :
85
dL
 OM  F  0 , puisque les deux vecteurs sont colinéaires.
dt

Par conséquent, le moment cinétique L est constant au cours du mouvement. Cela signifie que le


vecteur position OM et la quantité de mouvement p  m.v du point M sont à tout instant

perpendiculaires au vecteur L de direction constante. La trajectoire est donc plane : elle est
entièrement contenue dans le plan contenant le centre attracteur O et orthogonal au moment

cinétique L
90
On vient de voir que la trajectoire de la particule restait dans un plan fixe d’origine . En passant
aux coordonnées polaires et , dans ce plan, on peut écrire
OM  r  re r
donc
95
v
dr
 r e r  rθ e θ
dt
e θ est un vecteur unitaire perpendiculaire à e r dans le plan de la trajectoire, et où r et θ
désignent les dérivées par rapport au temps r et θ
 
 


2 
2 
Puis, L  r  mv  mrr er  er  mr θ er  eθ  mr θ e z
Où



Dans laquelle e z  er  eθ est un vecteur unitaire orthogonal au plan de la trajectoire.
100
De cette dernière relation, on tire la valeur de la norme, constante, du moment cinétique :
4

L  mr 2 . Or, l’aire dS (figure 2) balayée par le rayon vecteur r pendant un temps dt
infinitésimal est
105
1
1L
dS  r 2dt 
dt
2
2m
1
1L 1
 C
S  r 2 
2
2m 2


r  dr

r
110

dr
Figure 2
2
Cette loi, sous la forme r   C exprime que la vitesse aréolaire est constante et est appelée loi
des aires.
115
C’est à dire qu’un mouvement à force centrale est suffisant pour assurer la planéité d’une
trajectoire et la constance de la vitesse aréolaire soit deux des propriétés du mouvement des
planètes autour du soleil identifiées par Kepler.
4. La loi de la gravitation universelle
120
La force F d’attraction qui s’exerce entre deux masses m1 et m2 situées à une distance r est égale
à:
F
125
Gm1m2
r2
où G = 6,67 10-11 Nm2kg-2
On peut alors montrer que des trajectoires elliptiques sont des solutions de l’équation du
mouvement de la masse m1 autour du barycentre de m1 et m2.
Dans le cas simple d’un mouvement circulaire d’une planète de masse m2 autour du soleil ( de
130
masse m1) on obtient l’équation :
5
m2 2 r  m2 m1
G
r2
où  est la vitesse angulaire.
135

2
T
soit encore
 2 r 3  m1G
140
c’est à dire une valeur constante (indépendante de m2). On retrouve la 3ème loi de Kepler.
5. La rotation de la Terre perturbée par l’atmosphère
145
Perpendiculaire à l’orbite
Pôle Nord céleste
Axe de rotation
Equateur céleste
Direction de l’orbite
Plan de l’écliptique
Pôle Sud céleste
Figure 3
Le moment cinétique de la Terre associé à son mouvement de rotation autour de son axe peut, à
150
l’échelle de quelques années, être considéré comme constant. Il est en fait la somme de deux
termes correspondant à la Terre solide et à son enveloppe fluide (eau + air) :
2
L fluide  M f  f RT2
3
155
où Mf est la masse totale fluide, f la vitesse angulaire de la masse fluide et RT le rayon de la
Terre (6400 103m)
6
2
Lsolide  M s s RT2
5
où Ms est la masse totale solide de la Terre (6 1024 kg) et s la vitesse angulaire de la masse solide
En pratique les observations font apparaître que le terme majeur de perturbation du moment
cinétique fluide provient des mouvements de l’atmosphère (la masse de l’atmosphère est
160
équivalente à celle d’une pellicule d’eau de 10 m d’épaisseur recouvrant l’ensemble de la Terre).
Les termes Lair et Lsolide sont alors respectivement de 2,5 1027 kgm2s-1 et de 7 1033 kgm2s-1. Les
mouvements de l’atmosphère se traduisent par une perturbation de son moment cinétique qui,
pour assurer la conservation du moment total, doit être compensée par une perturbation de celui
165
de la Terre solide. C’est ce qui est observé en pratique. La figure 4 indique ainsi que les
perturbations de la durée du jour (exprimées en ms/jour) observées de 2008 à 2010 reflètent pour
l’essentiel l’effet induit par le vent à l’échelle de la planète : le terme « geodetic » se réfère aux
mesures précises effectives, par des moyens géodésiques, de la durée du jour et le terme « wind »
au calcul de l’effet intégré du vent sur la rotation de la Terre.
170
Variations de la durée du jour
Geodetic
Wind
Figure 4
175
7
6. Le divorce de la Terre et de la Lune
180
Un réseau mondial de stations d’observations de la Lune (Figure 5) effectue régulièrement des
tirs laser sur des réflecteurs déposés sur la surface de la lune au cours des missions américaines et
soviétiques. Le temps d’aller et retour des signaux laser entre la Lune et la Terre et son évolution
systématique ont ainsi permis d’établir que la Lune s’éloigne de la Terre de 3,7 cm par an. Cet
185
éloignement de la Lune est en fait la traduction d’une dissipation d’énergie du système TerreLune associée au phénomène des marées.
Pour mieux cerner le phénomène on considère le système isolé Terre-Lune (on néglige donc le
rôle du soleil dans le phénomène des marées) et on lui applique l’invariance de son moment
190
cinétique et de son énergie (énergie potentielle + énergie cinétique).
Le terme de moment cinétique Terre-Lune évalué dans un repère ayant pour centre celui de la
Terre et pour axe la perpendiculaire (voir figure 3) au plan de l’écliptique (on néglige à ce point
les angles entre les axes de rotation de la Terre et de la Lune, et la perpendiculaire au plan de
l’écliptique, ainsi que l’inclinaison de l’orbite de la Lune sur le plan de l’écliptique) peut
195
s’écrire :
LTL= LT + LorbL + LL
où LTL est le moment cinétique total, LT le moment cinétique de la Terre
cinétique de la Lune autour de la Terre et LL le moment cinétique de la Lune
200
LorbL est le moment
.
2
2
LTL  M T T RT2  M L L D  M L L RL2
5
5
où MT est la masse de la Terre (6 1024 kg), RT le rayon de la Terre, ML la masse de la Lune (=MT
/81), T et L les vitesses angulaires de la Terre et de la Lune, vL la vitesse de la lune autour de la
Terre, D la distance Terre-Lune (3,84 108 m) et RL le rayon de la Lune.
205
Il s’avère que le 3ème terme et ses fluctuations sont négligeables devant les 2 premiers.
LTL se réduit à
2
LTL  M T T RT2  M L L D
5
L’utilisation de la loi de la gravitation pour calculer vL conduit à :
8
210
1
1
1
2
LTL  M T T RT2  M L M T 2 G 2 D 2
5
Les termes variables de cette expression sont T et D
215
L’invariance de LTL permet d’exprimer la variation de la vitesse angulaire de la Terre T en
fonction de l’éloignement de la Lune D
1
1
2
1
1
M T T RT2  M L M T 2 G 2 D 2 D  0
5
2
220
Ce qui donne pour un D de 3,7 cm par an, un T de – 1,3 10-14 rd.s-1 par an, ou encore, en
terme de durée du jour, une augmentation de 1,6 ms par siècle ! Cette quantité peut paraître bien
faible par rapport aux fluctuations dues à l’atmosphère, mais le caractère systématique de la
diminution de la vitesse de rotation de la Terre conduit à une lente dérive du temps « solaire » par
rapport à celui des horloges atomiques.
225
Figure 5 Station de tirs laser
De la même manière le calcul de la conservation d’énergie du système Terre-Lune conduit à
évaluer la diminution de l’énergie cinétique de la rotation de la Terre :
230
 Erot = 2/5 MT T RT2 T = 1,14 1020 joules par an soit une puissance de 3,6 térawatts, une
valeur proche de celle que donne le calcul de la dissipation de l’énergie des marées océaniques !
Donc du point de vue de la physique, la dissipation marées conduit à un ralentissement de la
vitesse de rotation de la Terre et à un éloignement la Lune.
9
235
7. Les avatars du mouvement de la Terre autour du soleil
Deux éléments importants sont à prendre en considération dans le mouvement de la terre autour
du soleil : son orbite dans le plan de l’écliptique et la localisation de son axe de rotation
(inclinaison et orientation dans le repère constitué par le plan de l’écliptique et la perpendiculaire
240
à celui-ci ayant pour origine le Soleil).
Or ces éléments sont soumis à des perturbations qui résultent :

De la présence des autres planètes du système solaire et notamment de Jupiter

De l’aplatissement de la Terre aux pôles (ou bourrelet équatorial)

Des actions conjuguées de la Lune et du Soleil
245
Les différents effets sont représentés schématiquement dans la figure 6, leurs définitions sont
précisées plus loin.
0,06
0,00
25°
22°
0,06
0,00
- 0,06
250
Figure 6 -Variation des paramètres astronomiques de la Terre.
10
255
a. L’excentricité de l’orbite de la Terre
L’excentricité (dont la définition est rappelée dans la figure 7) de l’orbite de la Terre est très
faible. Elle varie en fait entre 0 et 0,06 et sa valeur actuelle, décroissante, est de 0,02. La
260
périodicité de sa variation est de 100 000 ans. L’excentricité, en dépit de sa faible valeur,
constitue un facteur déterminant de l’insolation de la Terre.
265
Figure 7
270
b. Inclinaison (ou obliquité) de l’axe de la Terre
L’axe de la Terre a une inclinaison sur le plan de l’écliptique de 23,5° qui est modulée de plus ou
moins 1° avec une périodicité de 41 000 ans.
275
11
c. Précession
La précession est un mouvement rétrograde de l'axe de la Terre qui lui fait décrire un cône
280
d'ouverture de 23,5°. Ce mouvement est dû à l'attraction lunaire et solaire sur le "bourrelet"
équatorial de la Terre. Il modifie les conditions d'exposition de la Terre à l'énergie solaire dans la
mesure où il en résulte un déplacement de la position des équinoxes sur l’orbite de la Terre.
Lorsque l’on tient compte du fait que l’orbite de la Terre dans le plan de l’écliptique subit ellemême au cours du temps un mouvement de rotation (qui modifie également la position des
285
équinoxes sur l’orbite de la Terre), on aboutit à la définition d’un paramètre de précession des
équinoxes qui tient compte à la fois de l’éloignement de l’équinoxe de printemps (pour
l’hémisphère nord) du périhélie et de la valeur de l’ellipticité. Ce paramètre varie avec des
périodicités de 19 000 et 23 000 ans.
8. Impact des paramètres astronomiques sur le climat
290
Les travaux du mathématicien serbe Milutin Milankovitch, entre 1920 et 1941, font renaître un
intérêt pour une théorie astronomique des climats dont l’idée avait émergé au cours du 19ème
siècle. En bénéficiant de l'amélioration croissante des solutions astronomiques, il calcule
l'insolation d'été au sommet de l'atmosphère pour différentes latitudes en tenant compte des
variations de l'excentricité, de la précession des équinoxes et de l'inclinaison de l’axe de rotation
295
de la Terre. Il suggère que l'insolation d'été dans les hautes latitudes de l'hémisphère Nord est le
paramètre critique à la succession de cycles glaciaires-interglaciaires. Des étés froids
permettraient la persistance dans les hautes latitudes de l’hémisphère Nord1 des neiges hivernales
dont l'albédo2 élevé favoriserait le refroidissement et l'accumulation annuelle de glace.
Ce modèle climatique tombe toutefois dans l'oubli pendant plus de cinquante ans, jusqu'à ce que
300
l'on découvre une cyclicité semblable enregistrée par le rapport oxygène-18/oxygène-16 dans la
composition des fossiles carbonatés des fonds marins et de la glace des glaciers
continentaux. Dans la mesure (voir annexe A) où l’on peut relier les variations de rapport
isotopique à la température, ces mesures permettent de reconstituer les changements climatiques
intervenus pendant un million d’années. La figure 8 fournit une comparaison des variations de
305
température déduites de l’analyse de carottes de glace à Vostok (Antarctique) pendant les
1
Les hautes latitudes de l’hémisphère Sud, englacées de manière permanente, ne sont pas le siège des mêmes
phénomènes amplificateurs. La référence en terme d’insolation est donc celle des hautes latitudes Nord. Une fois
qu’un processus de changement climatique est enclenché, c’est l’ensemble de la planète, et en particulier les régions
de hautes latitudes Nord ou Sud, qui subit les effets de ce changement.
2
L’albédo correspond à la fraction du rayonnement incident à la surface de la Terre réfléchie vers l’espace
12
derniers 250 000 ans et de celle de l’insolation à 65°N calculée en fonction des variations des
paramètres astronomiques (ellipticité, précession, inclinaison). La similarité de la plupart des
variations apparaît clairement sur cette figure.
Il faut noter cependant que, si les conditions d’insolation sont essentielles dans l’amorce des
310
changements climatiques, d’autres phénomènes physiques sont également mis en jeu sous forme
de « rétroactions ». Ainsi une diminution de l’insolation abaisse la température et accroît les
surfaces dont la couverture neigeuse persiste en été. Ceci induit un accroissement de la lumière
solaire réfléchie vers l’espace, donc une moindre insolation effective et une accélération du
processus. Il en est de même en ce qui concerne l’effet de serre : les changements de température
315
induisent des changements de composition de l’atmosphère (dégazage de dioxyde de carbone et
de méthane lorsque la température augmente, par exemple) qui amplifient le changement de
température initial.
320
Figure 8 Comparaison entre la courbe du rayonnement solaire à la latitude 65˚N (en haut) et la
courbe de température calculée d'après le rapport O-18/O-16 de la glace à Vostok, Antarctique
(en bas)
La figure 9 donne la succession, sur un million d’années, des périodes glaciaires et des variations
des paramètres astronomiques. Elle permet d’appréhender la difficulté d’interprétation des liens
325
entre cette succession et l’évolution des paramètres astronomiques. Une caractéristique qui
13
ressort de cette figure est le caractère très rapide du passage d’une époque glaciaire à une époque
tempérée et le passage beaucoup plus lent d’une époque tempérée à une époque glaciaire.
Rayonnement solaire à
65 °N en été
Périodes glaciaires
330
Figure 9 variations des paramètres astronomiques et évolution climatique. Les tirets verticaux en
bas de la figure correspondent aux marques de temps de –200, -400, -500, -700 mille ans
9. Conclusion
La Terre dans sa course autour du Soleil est soumise à l’action des autres planètes du système
solaire et à celle de son satellite, la Lune. Cette course a suscité l’intérêt des astronomes depuis
335
l’antiquité et donné également lieu à de vives polémiques. Les outils de la mécanique céleste,
ainsi que les méthodes d’analyse des archives sédimentaires et glaciaires ont considérablement
progressé, notamment au cours des dernières décennies. Il en résulte que d’infimes perturbations
d’origine astronomique sont devenues accessibles à la mesure. Celles-ci, loin d’avoir uniquement
un intérêt académique, ont des conséquences pratiques importantes, notamment en matière de
340
climat. On peut à ce sujet souligner un élément paradoxal de l’équilibre de la Terre : la Lune qui,
comme on l’a vu, perturbe l’orientation de l’axe de la Terre (précession) est également un facteur
considérable de stabilisation de l’inclinaison de cet axe et, par voie de conséquence, de
stabilisation du climat de la Terre !
14
345
Annexe A
Pour rappel, l'eau de mer est formée de 98% d'oxygène-16 et un peu moins de 2% d'oxygène-18.
Au moment de l'évaporation l'eau lourde (contenant un O-18) passe moins rapidement en phase
350
vapeur et la vapeur d'eau a toujours une composition appauvrie en oxygène-18 par rapport à l'eau
en phase liquide. En temps normal, l'eau d'évaporation retombe rapidement sous forme de
précipitations et se re-mélange avec l'eau demeurée en phase liquide. Durant une glaciation, l'eau
appauvrie en oxygène-18 tombe en neige sur les continents et demeure en grande partie piégée
dans la glace des glaciers. Entre-temps, la composition de l'eau des océans s'enrichit en oxygène-
355
18, proportionnellement au volume de l'eau appauvrie accumulée sur les continents sous forme de
glaciers. La composition en oxygène-18/oxygène-16 de l'eau de mer est continuellement
enregistrée dans la composition minérale de nombreux organismes marins incluant les coraux, les
mollusques et les foraminifères. On peut connaître les compositions anciennes de l'eau de océans
en oxygène-18/oxygène-16 en la déduisant de la composition minérale des fossiles marins. La
360
variation du volume des glaciers continentaux au cours des temps géologiques reflète les
variations climatiques sur Terre.
15
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