L`épreuve d`effort cardio-respiratoire chez l`enfant

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L’épreuve d’effort cardio-respiratoire
chez l’enfant
Pascal Amedro1, Stéphane Moniotte2
1. Cardiologie pédiatrique et congénitale, CHU Montpellier, France
2. Cardiologie pédiatrique et congénitale, Clin Univ St-Luc, UCL, Bruxelles
L’épreuve d’effort cardio-respiratoire est un examen dynamique qui pousse l’organisme à puiser dans
ses réserves pour explorer les fonctions cardiaques, respiratoires et musculaires. Chez l’enfant, les normes sont
sensiblement différentes de l’adulte, mais les bases physiologiques sont identiques. Les équipes pratiquant cet
examen sont idéalement formées en cardiopédiatrie et doivent s’assurer de la pertinence de l’indication, la
qualité des mesures et la validité de l’interprétation.
© Hugues Depasse
© Hugues Depasse
Le premier seuil ventilatoire ou SV1 (ou ex «seuil anaérobie») correspond
au moment de l’exercice où la charge de travail induit une augmentation
brutale de la ventilation par augmentation de l’acidité sanguine (lactates) avec tamponnement par les bicarbonates et production de CO2.
Le SV1 s’exprime en fonction de la VO2 max théorique (70-80% vers
5-7 ans, 50-70% vers 15-16 ans) et traduit, quand il est trop précoce
(< 50% de la VO2 max théorique), un certain degré de déconditionnement. La cassure de la courbe de VCO2 reflète au mieux le SV1; certains
utilisent aussi le croisement des courbes VO2/VCO2 ou la cassure de la
courbe VO2.
Physiologie
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L’exercice physique induit une mobilisation d’énergie, l’ATP, par transformation des hydrates de carbone et les lipides (triglycérides et acides
gras à chaîne longue). Au cours de l’effort, comme l’organisme ne dispose pas de réserve en oxygène, il s’adapte en majorant sa consommation en oxygène (VO2), de façon proportionnelle à la production d’ATP.
Cette augmentation de la VO2 dépend de 3 facteurs:
•muscles,
• système cardio-respiratoire,
• métabolisme-régulation hormonale.
La VO2 augmente de façon linéaire puis atteint un plateau, qui représente la quantité maximale d’oxygène qu’un individu est capable de
consommer par minute (ou VO2 max en ml/kg/min). Cette valeur représente l’aptitude physique aérobie. Le principe de Fick définit le modèle
mathématique intégrant tous ces paramètres:
VO2 = Fc x VES x (CaO2-CvO2).
-CaO2 = contenu artériel en oxygène (ponction artérielle)
-CvO2 = contenu veineux en oxygène (sang veineux mêlé)
- Fc = fréquence cardiaque
- VES = volume d’éjection systolique
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Watts) et une récupération active puis passive. La durée totale de
l’effort chez l’enfant ne doit pas excéder 10-12 minutes, sans quoi sa
coopération n’est pas optimale. Le cycloergomètre est utilisé à partir de
6-7 ans (taille minimale de 120cm), est sans danger, permet un ECG non
artéfacté, une bonne calibration de l’effort et facilite les mesures de
tension artérielle. Le tapis roulant (treadmill) est plus coûteux et encombrant, éventuellement plus risqué (chutes) et anxiogène, mais permet la
réalisation des épreuves d’effort dès l’âge de 5 ans.
Pratique de l’épreuve d’effort
chez l’enfant
Les principales indications de réalisation d’une épreuve d’effort chez
l’enfant sont variées:
• signe fonctionnel à l’effort: malaise, dyspnée, précordialgie, palpitations;
• troubles du rythme: dépistage (tachycardie ventriculaire catécholergique) ou suivi thérapeutique (QT long congénital, Wolff-Parkinson-White);
• recherche d’une désaturation à l’effort dans une cardiopathie cyanogène opérée (shunt résiduel);
• réimplantations coronaires (transposition des gros vaisseaux, pontage aorto-coronaire);
• suivi de la fonction ventriculaire gauche (cardiomyopathie dilatée),
droite (Fallot) ou unique (ventricule unique);
• coarctation de l’aorte opérée;
• bilan pré-opératoire des sténoses aortiques ou cardiomyopathies
hypertrophiques;
• aptitude au sport, bilan avant/après réadaptation cardiaque;
• hypertension pulmonaire;
• asthme, asthme d’effort, mucoviscidose.
Une épreuve d’effort est dite maximale lorsque 3 des critères suivants
sont réunis:
• épuisement malgré des encouragements actifs;
• fréquence cardiaque maximale atteinte;
•VO2 max atteinte (plateau de VO2 rare en pédiatrie);
• quotient respiratoire supérieur à 1,1 (QR = VCO2/VO2).
Principales normes
Sur cycloergomètre, les normes de VO2 max utilisées le plus souvent
sont celles de Wassermann et Cooper (4-6):
• femmes: 28,5 x poids + 288,1;
• hommes: 52,8 x poids - 303,4.
L’ERS (European Respiratory Society) Task Force a défini en 2007 les
principales modalités de réalisation des épreuves d’effort (1). Sont
indispensables: un matériel adapté à la pédiatrie, une connaissance
des normes pédiatriques et de la cardiopédiatrie, la présence de deux
personnes formées dont un médecin, la présence d’un matériel de réanimation avec défibrillateur, à proximité d’une unité de réanimation.
Chez l’enfant, la dimension psychologique est essentielle pour obtenir
une épreuve maximale et le personnel doit être formé au contact avec
les enfants.
Matecki (7) a également proposé des valeurs simples à retenir pour les
individus non entraînés:
• femmes: 40ml/kg/min;
• femmes post-pubères (16 ans): 36ml/kg/min;
• hommes: 47ml/kg/min.
Les paramètres cardiaques importants à étudier sont:
• la fréquence cardiaque (Fc) maximale est définie par la formule:
Fc = 210 - 0,65 x âge +/- 10%;
• le pouls d’oxygène ou consommation d’oxygène à chaque battement cardiaque: rapport VO2/Fc (8,8 à 12 ans, 14,7 à 16 ans);
• le volume d’éjection systolique (VES), mesuré à l’échocardiographie
d’effort, qui augmente moins que chez l’adulte avec majoration du
débit systémique (Qs) davantage par la fréquence cardiaque (Qs =
VES x Fc);
• la pression artérielle systolique augmente, avec une maximale qui
reste en général inférieure à 150mmHg chez l’enfant; la diastolique
monte peu.
Un ECG de repos doit être effectué en début d’examen. Une ergospirométrie doit comprendre une exploration fonctionnelle respiratoire (EFR
avec courbe débit/volume) au repos et, en cas de signe fonctionnel à
l’effort, une EFR après effort.
L’interrogatoire, préalable indispensable à l’examen, doit dépister les
épreuves d’effort à risque (cardiomyopathies, sténoses aortiques, tachycardies ventriculaires catécholergiques, dysfonctions ventriculaires
gauches ou droites sévères, hypertension artérielle pulmonaire) et les
contre-indications (fièvre, asthme instable, hypertension artérielle non
contrôlée, ischémie myocardique aiguë, myocardite, péricardite).
Les paramètres respiratoires importants à étudier sont:
• la ventilation minute (VE): au repos 10l/min. La VE max suit la formule VEMS x 35 (norme 1,8l/min/kg);
• la réserve ventilatoire (RV) en fin d’effort varie de 15 à 30%:
RV = (VE max prédite - VE max mesurée)/VE max prédite;
• le volume courant maximal théorique est égal à la moitié de la
capacité vitale (30-36ml/kg entre 11 et 17 ans);
• la fréquence respiratoire maximale varie de 65/min (8 ans) à 45/
min (16 ans);
• les équivalents respiratoires en O2 (ER O2) ou en CO2 (ER CO2) correspondent au débit ventilatoire nécessaire pour extraire 1 litre d’O2 ou
éliminer 1 litre de CO2. Ils sont élevés en cas d’hyperventilation:
- ER O2 max < 40,
- ER CO2 max < 45;
• l’oxymètre de pouls: une désaturation à l’effort est pathologique si
la SaO2 baisse de plus de 4% (soit 25mmHg de la PaO2).
Les critères d’arrêt immédiat de l’épreuve d’effort seront:
• une chute du débit cardiaque (pâleur brutale, chute ou non-augmentation de la pression artérielle systolique, chute brutale de la
VO2 en fin d’effort);
• l’apparition d’une douleur thoracique aiguë;
• l’apparition de troubles de repolarisation;
• l’apparition de troubles du rythme ou de la conduction;
• une augmentation de la pression artérielle systolique > 240mmHg.
Chez l’enfant, les protocoles sont encore insuffisamment standardisés
entre les différentes équipes; toutefois, les principes sont communs
(2, 3). Après un échauffement bref (3 min), l’incrémentation se fait par
paliers de charge fixe sur un profil «triangulaire» ou de façon «abrupte»,
avec des paliers plus courts que chez l’adulte (1 à 2 minutes, 10 à 20
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Principes d’interprétation
En présence des critères de maximalité, si la VO2 max est supérieure à
80% de la valeur théorique, l’épreuve est maximale.
Si la VO2 max est inférieure à 80% de la valeur théorique, l’épreuve est
«symptômes limitée», avec trois types de limitations: cardiovasculaire,
respiratoire ou périphérique (ou corticale).
En cas de limitation cardiovasculaire, la réserve ventilatoire est conservée, la fréquence cardiaque maximale est vite atteinte, le pouls d’oxygène diminue en fin d’effort (plateau) et le seuil ventilatoire est abaissé
et facile à trouver.
En cas de limitation respiratoire, les réserves ventilatoires sont épuisées, la fréquence cardiaque maximale n’est pas atteinte et le seuil
ventilatoire est abaissé mais difficile à trouver.
Enfin, en cas de limitation périphérique, les réserves ventilatoires sont
élevées, la fréquence cardiaque maximale n’est pas atteinte et il n’y a
pas d’acidose métabolique (pas de seuil ventilatoire).
Références
1. Palange P, et al. Recommendations on the use of exercise testing in clinical practice. Eur Respir J
2007;29:185-209.
2. Karila C. L’épreuve d’effort cardio-pulmonaire. Pneumologie Pédiatrique, Ed. Doin, 2002.
3. Karila C, et al. Cardiopulmonary exercise testing in children. An individualised protocol for workload
increase. Chest 2001;120:81-7.
4. Cooper DM, Berry C, Lamarra N, Wasserman K. Kinetics of oxygen uptake and heart rate at onset of
exercise in children. J Appl Physiol 1985;59(1):211-7.
5. Cooper DM, Weiler-Ravell D, Whipp BJ, Wasserman K. Growth-related changes in oxygen uptake and
heart rate during progressive exercise in children. Pediatr Res 1984;18(9):845-51.
6. Cooper DM, Weiler-Ravell D, Whipp BJ, Wasserman K. Aerobic parameters of exercise as a function of
body size during growth in children. J Appl Physiol 1984;56(3):628-34.
7. Matecki S et al. La consommation maximale d’oxygène chez l’enfant sain: facteurs de variations et
normes disponibles. Rev Mal Respir 2001;18:499-506.
Conclusion
L’épreuve d’effort cardio-respiratoire en pédiatrie, effectuée selon des
standards de qualité et de sécurité, est une excellente méthode d’exploration fonctionnelle depuis le bilan de symptômes banals, comme la dyspnée d’effort, jusqu’aux maladies cardio-pulmonaires sévères. Selon les
recommandations de l’OMS de 1980, l’épreuve d’effort est un examen
dynamique qui traduit mieux que tout examen de repos (VEMS, FEVG) la
réalité du handicap et, probablement, la qualité de vie du patient.
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