Traiter le cancer du rein par radiofréquence Notes techniques

Progrès
en
urologie
(2013)
23,
1163—1167
Disponible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
Destruction
par
radiofréquence
des
tumeurs
du
rein.
Note
technique
Radiofrequency
ablation
of
kidney
tumours
P.
Souteyranda,,
C.
Chagnauda,
É.
Lechevallierb,
M.
Andrea
aService
de
radiologie,
hôpital
Conception,
AP—HM,
147,
boulevard
Baille,
13385
Marseille
cedex
05,
France
bService
d’urologie,
hôpital
Conception,
AP—HM,
147,
boulevard
Baille,
13385
Marseille
cedex
05,
France
Rec¸u
le
1er juillet
2013
;
accepté
le
3
juillet
2013
L’épidémiologie
des
cancers
du
rein
s’est
modifiée
depuis
plusieurs
années
avec,
notam-
ment,
une
augmentation
de
son
incidence
de
30
%
en
15
ans.
Deux
des
raisons
de
cette
augmentation
sont
les
progrès
de
l’imagerie
(scanner
et
échographie)
et
la
multiplication
du
nombre
d’examens.
Par
ailleurs,
80
%
des
cancers
du
rein
sont
aujourd’hui
de
découverte
fortuite
[1].
La
population
vieillit,
les
patients
à
traiter
aussi.
Tous
ces
facteurs
ont
nécessité
le
développement
d’alternatives
thérapeutiques
cura-
tives
aux
traitements
chirurgicaux
«
traditionnels
»
(la
néphrectomie
élargie).
Ils
doivent
être
au
moins
aussi
efficace
et
épargner
au
maximum
le
capital
néphronique
des
patients.
La
première
avancée
thérapeutique
a
été
le
développement
et
la
validation
de
la
néphrec-
tomie
partielle.
Plus
récemment,
des
techniques
ablatives
comme
la
radiofréquence
(RF)
ou
la
cryoablation
ont
été
proposés.
Le
principe
technique
de
la
radiofréquence
Le
principe
technique
de
la
RF
est
l’application
d’un
courant
alternatif
(Fig.
1)
à
haute
fréquence
par
le
biais
d’une
électrode
introduite
directement
dans
la
tumeur
(Fig.
2).
L’électrode
est
positionnée
sous
guidage
scanner
(ou
échographique
dans
cer-
taines
équipes).
Le
courant
sinusoïdal
est
responsable
d’une
agitation
ionique
qui,
par
friction,
échauffe
les
tissus
jusqu’à
dépasser
les
60 C
:
il
entraîne
une
mort
cellulaire
immédiate
par
destruction
thermique.
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(P.
Souteyrand).
1166-7087/$
see
front
matter
©
2013
Elsevier
Masson
SAS.
Publié
par
Elsevier
Masson
SAS.
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.07.003
1164
P.
Souteyrand
et
al.
Figure
1.
Mise
d’une
électrode
est
introduite
directement
dans
la
tumeur.
L’application
d’un
courant
alternatif
à
haute
fréquence
est
responsable
d’une
agitation
ionique
qui,
par
friction,
échauffe
les
tissus
jusqu’à
dépasser
les
60 C.
Pourquoi
la
radiofréquence
peut
être
considérée
comme
un
traitement
curatif
?
D’abord,
parce
que
la
chirurgie
partielle
est
un
traitement
validé.
Ensuite,
parce
que
les
moyens
de
guidage
en
ima-
gerie
sont
suffisamment
précis
pour
positionner
les
aiguilles
de
RF
dans
la
tumeur,
tout
en
s’assurant
de
ne
pas
léser
les
organes
ou
les
structures
vasculaires,
urinaires
ou
digestives
voisines.
Enfin,
parce
que
les
biopsies
rénales
(radioguidées)
permettent
aux
anatomopathologistes
de
faire
le
diagnostic
formel
de
cancer
du
rein
sur
les
prélèvements.
Quelles
sont
les
indications
de
la
radiofréquence
?
Initialement,
la
RF
étaient
réservée
aux
patients
inopé-
rables,
âgés
ou
avec
un
rein
unique.
Les
indications
ont
été
élargies
avec
des
résultats
équivalents
à
la
chirurgie
par-
tielle
[2].
Le
principal
facteur
prédictif
de
l’efficacité
du
traitement
est
la
taille
de
la
lésion
à
traiter
:
Zagoria
[3]
a
Figure
2.
Exemple
d’une
aiguille
de
radiofréquence
LeVeen
(Bos-
ton
Scientific®)
parapluie
:
une
fois
l’aiguille
en
place,
les
baleines
sont
déployées
ce
qui
permet
d’englober
la
masse
à
traiter.
montré
qu’il
n’y
avait
pas
de
récidive
pour
des
masses
de
moins
de
4
cm.
On
distingue
deux
types
d’indications
:
les
indications
de
nécessité,
pour
des
masses
tissulaires
de
moins
de
40
mm,
non
sinusales,
remplissant
au
moins
une
de
ces
conditions
:
supérieur
à
70
ans
et/ou
facteurs
de
comorbidité,
rein
unique
et/ou
fonction
rénale
altérée,
néoplasie
associée
et/ou
localisations
bilatérales,
cancer
héréditaire
(Von
Hippel
Lindau)
;
les
indications
électives,
par
choix
du
médecin
ou
du
patient
(les
masses
doivent
mesurées
moins
de
40
mm,
non
sinusales).
Quelles
sont
les
contre-indications
de
la
radiofréquence
?
Elles
correspondent
aux
«
non-indications
»
(masse
de
plus
de
4
cm,
situation
sinusale),
aux
contre-indications
de
l’anesthésie
générale
(même
si
certains
les
réalisent
sous
neuro-analgésie),
à
la
position
en
décubitus
ventral
prolongé
(certaines
insuffisances
respiratoires)
et
aux
contre-
indications
aux
gestes
percutanés
(TP
<
60
%,
TCA
>
2
fois
le
témoin,
plaquettes
<
50
000).
Les
anti-angiogéniques
doivent
être
arrêtés
mais
le
délai
ne
fait
pas
consensus.
Quel
doit-être
le
bilan
préopératoire
?
Le
traitement
curatif
par
RF
doit
être
validé
en
Réunion
de
concertation
pluridisciplinaire.
Le
radiologue
rencontre
le
patient
en
consultation
pré-RF
pour
lui
expliquer
le
traite-
ment,
les
risques
et
la
surveillance
:
son
consentement
est
recueilli.
Outre
une
consultation
d’anesthésie,
le
patient
béné-
ficie
du
même
bilan
que
pour
une
néphrectomie
:
bilan
d’hémostase
(TP-TCA-plaquettes)
et
examen
cyto-
bactériologique
des
urines
pour
éliminer
une
infection
urinaire.
Pour
tous
les
traitements
ablatifs
comme
la
RF,
le
diagnostic
histologique
doit
être
confirmé
par
une
biopsie
radioguidée
(généralement
par
scanner,
parfois
sous
écho-
graphie)
avant
le
traitement.
Déroulement
de
la
procédure
de
radiofréquence
et
surveillance
?
Le
patient
est
hospitalisé
en
urologie
en
moyenne
deux
nuits
(en
préopératoire
et
24
heures
après
la
RF).
Le
traitement
se
déroule
dans
le
service
de
radiologie
au
scanner
avec
une
équipe
d’anesthésiste
:
le
patient
a
été
au
préalable
préparé
comme
pour
une
néphrectomie
(toilette
bétadinée,
à
jeun
depuis
plus
de
six
heures),
puis
il
est
endormi
et
positionné
sur
la
table
de
scanner
en
décubitus
ventral.
L’examen
débute
par
un
repérage
de
la
lésion
(scanner
avec
injec-
tion
de
produit
de
contraste).
L’asepsie,
la
surveillance,
l’installation
du
patient
et
des
champs
opératoires
suivent
les
mêmes
standards
qu’au
bloc.
Destruction
par
radiofréquence
des
tumeurs
du
rein
1165
Enfin,
le
radiologue
positionne
l’aiguille
de
RF
sous
guidage
fluoroscopique
avec
un
abord
retropéritonéale
pos-
térieur.
On
peut
écarter
des
organes
de
voisinage
(côlon,
foie,
rate.
.
.)
proches
de
la
lésion
en
réalisant
une
hydro-
dissection
(injection
de
sérum
physiologique
entre
le
rein
et
l’organe
à
protéger)
ou
en
écartant
avec
du
monoxyde
de
carbone
injecté
par
une
seconde
aiguille.
Le
proto-
cole
de
chauffe
est
standardisé
:
on
réalise
des
«
tirs
»
pour
couvrir
toute
la
lésion.
Chaque
tir
correspond
à
deux
procé-
dures
de
chauffe
(augmentation
progressive
de
la
puissance)
jusqu’à
obtention
du
Roll-off
(résistance
maximale
du
tissu
chauffé
au
courant
de
RF
qui
signe
la
destruction
tissulaire
complète).
En
fonction
de
la
taille
de
la
lésion,
on
choi-
sit
une
aiguille
de
dimension
adaptée
:
on
réalise
la
plupart
du
temps
plusieurs
tirs
pour
épouser
la
forme
de
la
lésion
tout
en
épargnant
au
maximum
le
parenchyme
rénal
sain.
En
moyenne,
la
durée
du
traitement
dure
1h30
avec
un
temps
de
chauffe
pour
deux
«
tirs
»
de
30
minutes
(quatre
Roll-off
de
7
minutes
30
s).
En
fin
de
procédure,
la
dernière
acquisi-
tion
scannographique
a
pour
but
d’évaluer
des
complications
postopératoires
immédiates.
Le
patient
est
transféré
ensuite
en
salle
de
soin
post-
interventionnel
puis
en
service
pour
être
surveillé
comme
lors
de
tout
geste
chirurgical
:
pouls-tension-température-
douleur-saignement-diurèse
et
hématurie.
Le
point
de
ponction
ne
nécessite
pas
de
point
de
suture,
seulement
un
pansement.
Avant
sa
sortie,
24
heures
après
traitement,
sont
réalisés
des
contrôles
de
la
formule
sanguine
(hémoglo-
bine),
de
la
créatininémie
et
une
échographie
à
la
recherche
de
complications.
Le
patient
doit
sortir
avec
les
dates
et
les
ordonnances
pour
les
consultations
et
les
examens
de
contrôle.
Suivi
post-RF
?
La
surveillance
est
la
même
que
pour
les
traitements
chirur-
gicaux
avec
des
uroscanners
et
des
créatininémies
à
trois,
six,
12
mois
puis
annuellement.
Le
critère
d’efficacité
prin-
cipal
est
l’absence
de
rehaussement
de
la
cicatrice
de
RF
(la
zone
d’ablation)
après
injection
de
produit
de
contraste
iodé
en
scanner.
La
surveillance
clinique
est
assurée
par
l’urologue
traitant
du
patient.
Dans
certains
cas,
on
propose
de
surveiller
la
zone
d’ablation
par
IRM
plutôt
que
par
scanner
(par
exemple
en
cas
d’altération
de
la
fonction
rénale).
Si
une
cicatrice
est
douteuse
(suspicion
de
récidive
ou
de
traitement
insuf-
fisant),
on
réalise
une
biopsie
sous
guidage
scanner
et
un
examen
anatomopathologique
de
la
zone
d’ablation.
Quelles
sont
les
complications
de
la
radiofréquence
?
On
distingue
les
complications
bénignes
(qui
ne
modi-
fient
pas
la
prise
en
charge)
des
graves.
Ce
sont
les
mêmes
que
pour
la
néphrectomie
partielle
:
hématome
rénal,
brèche
des
voies
urinaires,
douleur
au
point
de
ponction,
hématurie
temporaire
pour
les
complications
bénignes
;
atteinte
des
organes
de
voisinage
(pneumotho-
rax,
perforation
digestive,
atteinte
hépatique)
voir
quelques
Figure
3.
Uroscanner
qui
met
en
évidence
une
masse
du
rein
droit
de
29
mm
de
la
lèvre
médiale
du
méso-rein
(la
masse
se
rehausse
de
fac¸on
caractéristique
après
injection
de
produit
de
contraste
iodé).
Figure
4.
Acquisition
scanner
de
repérage
patient
en
décubitus
ventral
(deux
images
du
haut).
Vérification
du
bon
positionnement
de
l’aiguille
de
radiofréquence
dans
la
masse
(en
bas
à
gauche).
Contrôle
en
fin
de
procédure
qui
ne
retrouve
pas
de
complication
mais
seulement
du
gaz
dans
la
zone
de
traitement
(en
bas
à
droite).
1166
P.
Souteyrand
et
al.
Figure
5.
Échographie
de
contrôle
à
24
h
:
pas
de
complication
locale,
le
rein
est
vascularisé
en
doppler.
exceptionnelles
complications
létales
(embolie
pulmonaires
massives.
.
.).
Intérêts
de
la
radiofréquence
rénale
et
comparaison
par
rapport
à
la
chirurgie
partielle
Son
efficacité
oncologique
est
de
90
à
95
%
[4],
ce
qui
est
équivalent
à
la
chirurgie
partielle.
Par
contre
son
effica-
cité
fonctionnelle
est
supérieure
puisque
la
diminution
du
débit
de
filtration
glomérulaire
(le
reflet
de
son
fonctionne-
ment)
est
de
moins
de
2
%
contre
30
%
pour
les
néphrectomies
partielles.
Cette
variation
ne
dépend
pas
de
la
taille
de
la
tumeur
contrairement
aux
néphrectomies
partielles
[5].
Le
taux
de
complications
bénignes
et
graves
est
similaire
pour
les
deux
techniques
3,1
et
1,25
%.
La
durée
d’hospitalisation
est
par
ailleurs
raccourcie
(deux
jours
au
lieu
de
cinq
en
moyenne).
Figure
6.
Échographie
de
contrôle
à
18
mois.
Un
exemple
Une
masse
du
rein
droit
de
29
mm
est
découverte
de
fac¸on
fortuite
sur
un
scanner
(Fig.
3)
chez
un
homme
de
81
ans
sans
antécédent.
Il
a
bénéficié
d’une
biopsie
rénale
scan-
noguidée
qui
a
confirmée
le
diagnostic
de
carcinome
à
cellules
conventionnelles
de
grade
II
de
Führman.
Le
traite-
ment
curatif
par
RF
a
été
validé
en
Réunion
de
concertation
pluridisciplinaire.
En
consultation
pré-RF,
son
consentement
a
été
recueilli.
Le
patient
a
été
traité
sous
anesthé-
sie
générale
et
avec
un
guidage
fluoroscopique
(Fig.
4)
selon
les
protocoles
de
chauffe
habituels.
Il
a
été
hospita-
lisé
24
heures
en
urologie
avec
un
contrôle
échographique
avant
la
sortie
(Fig.
5)
pour
éliminer
des
complications.
La
surveillance
s’est
déroulé
normalement
avec,
sur
le
scanner
à
18
mois
(Fig.
6),
une
cicatrice
de
20
mm
qui
ne
se
rehaussait
pas,
ce
qui
attestait
d’un
traitement
efficace.
En
conclusion
La
RF
est
une
alternative
thérapeutique
fiable
qui
complète
l’arsenal
thérapeutique
proposé
à
l’urologue
puisque
les
résultats
carcinologiques
sont
validés.
C’est
un
traitement
pour
des
patients
non
opérables
(indication
de
nécessité)
mais
aussi
une
solution
qui
peut
être
choisie
par
le
patient
(indication
élective).
Cette
technique
moderne
et
fiable
ne
bénéfice
d’aucun
financement,
ce
qui
la
réserve
pour
l’instant
à
des
centres
référents.
Sa
reconnaissance
par
les
autorités
de
tutelle
devrait
permettre
de
la
diffuser
plus
largement.
Déclaration
d’intérêts
Les
auteurs
déclarent
ne
pas
avoir
de
conflits
d’intérêts
en
relation
avec
cet
article.
Références
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Hemal
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Childs
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J
Endourol
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http://dx.doi.org/10.1089/end.2010.0029.
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