Eczéma professionnel et allergie alimentaire
Kanny G, Beaudouin E, Moneret-Vautrin DA. Allergie alimentaire professionnelle à la viande
de porc. Alim’Inter 2003;8 :177-8
Les dermatoses professionnelles représentent 10 à 15% des pathologies professionnelles (1).
De nombreux aliments comme les produits laitiers, les fruits à coque, les viandes, les
volailles, les produits de la mer, les légumes ont été incriminés dans des réactions d’urticaire
et d’eczéma de contact (2). Le terme de dermatite de contact aux protéines (protein contact
dermatitis) est utilisé pour décrire les lésions de dermatite chronique des mains des
travailleurs manipulant des aliments (3). Image en Allergologie présente une dermatite de
contact professionnelle à la viande de porc compliquée d’une allergie alimentaire par
ingestion.
Observation
Monsieur C, 27 ans, exerce depuis 10 ans la profession de boucher charcutier dans une
entreprise où il manipule exclusivement de la viande de porc.
Depuis 5 ans il présente des poussées itératives d’eczéma.
Depuis 3 ans, il note une augmentation des poussées d’eczéma avec généralisation secondaire.
Les lésions d’eczéma suivent un rythme professionnel avec aggravation pendant les périodes
de travail et survenue de phénomènes de surinfection, dont une streptococcie qui a justifié une
hospitalisation avec mise sous antibiothérapie. Durant les longues périodes de vacances, il
n’existe pas de guérison totale mais une très nette amélioration des lésions cutanées.
Dans ses antécédents personnels, on note une rhinite pollinique évoluant depuis l’âge de 6
ans, un prurit pharyngé à l’ingestion de noisettes.
A l’entrée dans notre service, le patient présente un eczéma sévère des mains (photographie),
associé à des lésions diffuses sur le corps
L’étude de son régime alimentaire montre une consommation non négligeable de charcuterie
et de viande de porc. Il signale régulièrement une recrudescence du prurit après les repas.
Le bilan allergologique par prick-tests retrouve une sensibilisation à différents
pneumallergènes (D pteronyssinus, D. farinae, epithelia de chat, de chien, pollens de
graminées et bétulacées) et à la noisette.
Le prick-test à la viande de porc crue est positif à 2 mm pour une codéine à 3 mm.
L’intradermoréaction au Porc au 1/1000 (extrait Stallergènes) est positive avec une papule
passant de 4 à 12 mm en 15 mm et persistant six heures plus tard (induration 8 mm). Les
prick-test et IDR aux gélatines sont négatifs.
Le RAST au porc est positif à 12 KU/l. Le taux des IgE totales est à 4840 KU/l
Le test de provocation labiale à la viande porc est négatif. Le test de provocation orale à la
viande de porc (150 g) est positif à 20 minutes avec réactivation des lésions d’eczéma (rush)
Un régime sans porc et sans charcuterie est proposé associé à des mesures d’éviction
professionnelle…
Discussion
La littérature rapporte plusieurs observations d’allergie de contact aux viandes : porc, bœuf,
mouton, chevreuil, cheval (4-10). L’existence d’une dermatite atopique est un facteur
favorisant la sensibilisation aux protéines animales. La dermatose peut débuter par une
urticaire de contact et se compliquer secondairement d’un eczéma (11). Chez certains
patients, la possibilité de manifestations lors de l’ingestion de la viande a été rapportée par
Boehncke et coll et démontrée par test de provocation orale (12).
Cette observation originale surfe entre eczéma de contact, dermatite atopique, allergie
professionnelle et allergie alimentaire, jetant le pont, à l’image de l’allergologie, entre les
différentes spécialités.
Références
1. Aresery M, Lehrer SB. Occupational reactions to foods. Curr Allergy Asthma Rep
2002;2:78-86.
2. Wuthrich B. Food-induced cutaneous adverse reactions. Allergy 1998;53:131-135.
3. Hjorth N, Roed-Petersen J. Occupational protein contact dermatitis in food handler.
Contact Dermatitis 1976;2:28-42.
4. Fisher AA, Stengel F. Allergic occupational hand dermatitis due to calf's liver. An
urticarial "immediate" type hypersensitivity. Cutis 1977;19:561-565.
5. Zenarola P, Lomuto M. Protein contact dermatitis with positive RasT in a slaughter.
Contact Dermatitis 1991;24:134-135.
6. Neubauer H, Rytter M, Kleine-Tebbe J, Haustein UF. Protein contact dermatitis induced
by isolated delayed-type hypersensitivity to meat proteins. Contact Dermatitis
1999;4:113.
7. Kumar A, Freeman S. Protein contact dermatitis in food woorkers; Case report of a meat
sorter and summary of seven other cases. Australas J Dermatol 1999;40:138-140.
8. Jovanovic M, Oliwiecki S, Beck M. Occupational contact urticaria from beef associated
with hand eczema. Contact Dermatitis 1992;27:188-189.
9. Geyer E, Kranke B, Derhaschnig J, Aberer W. Contact urticaria from roe deer meat and
hair. Contact Dermatitis 1998;39:34.
10. De Paz Arranz S, Perez montero A, Remon IZ, Molero MI. Allergic contact urticaria to
oat meal. Allergy 2002;57:1215.
11. Iliev D, Wuthrich B. Occupational protein contact dermatitis with type I allergy
todifferent kinds of meat and vegetables. Int Arch Occup Environ Health 1998;71:289-
292.
12. Boehncke W, PilleKampe H, Gass S, Gall H. Occupational protein contact dermatitis
caused by meat and fish. Int J Dermatol 1998;37:358-360.
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