infirmier.» Dunlop note tout d’abord qu’il y a un
sens distinctif et «émergent» du mot caring (prise en
charge) qui vient à la fois des similitudes et des diffé-
rences des usages historiques du terme. Selon Bevis,
(1981) il est possible de retrouver la trace des deux
origines communes des mots «care» (soins) et «cure»
(guérison) et de trouver des dérivations séparées,
«care» étant un vieux terme anglais et «cure» venant
du latin via le français. Elle conclut que s’il doit y
avoir une science de la prise en charge (elle n’a pas
de problème avec la notion de science pour la prise
en charge), il ne peut pas s’agir d’une science au sens
traditionnel, car ceci implique des concepts de
contrôle, domination et mesure qui sont en contradic-
tion avec la notion de soin mise en avant par les théo-
riciens du soin infirmier.
Une autre source d’ambigüité est la définition des
soins infirmiers eux mêmes. Dunlop en 1986 constate
que :
«Si le soin infirmier implique la prise en charge, alors
le terme «prise en charge infirmière» est une tautolo-
gie. La prise en charge est un processus interactif qui
exige que le soignant s’adapte aux besoins de la per-
sonne dont il a la charge, aux ressources disponibles
et au contexte dans lequel se déroule le soin. Ceci
implique une évaluation compétente, une planifica-
tion, une action et une évaluation des implications et
des nuances de tous ces facteurs. Les infirmières ont
déjà un mot pour ce processus - on l’appelle le «nur-
sing» (Dunlop 1993)
Hill (1991) déclare aussi que le nursing a «quelque
chose de spécial» à offrir et que ce «quelque chose»
est le soin. Elle rend compte des conséquences impor-
tantes constatées dans un groupe de patients traités par
des praticiens infirmiers en rhumatologie en comparai-
son avec un groupe traité par un médecin. Dans l’éva-
luation des issues, on constate certaines améliorations,
comme une augmentation de la fonction articulaire,
une diminution de la douleur, une réduction de
l’anxiété et de la dépression et une meilleure connais-
sance et satisfaction du patient. Hill (1991) attribue les
différences aux «dissimilarités dans des attitudes des
médecins et des infirmiers, c’est à dire «soin contre
guérison», les praticiens infirmiers offrant un soin plus
«holistique.» Des demandes similaires sont formulées
dans les documents nord américains sur les praticiens
infirmiers (voir par exemple Linn en 1984). Holden
(1991) remet en cause la distinction entre caring et
curing en se demandant si cette séparation signifie
que:
«La prise en charge n’est pas curative ou que la gué-
rison n’inclut pas les soins ? Cela signifie-t-il que les
infirmières ne guérissent pas et que les médecins ne
soignent pas ? Lorsqu’on est en face des implications
de cette déclaration, on commence à se rendre
compte à quel point tout ceci est en fait ridicule.»
(Holden 1991)
De même, Engelhardt constate en 1985 qu’il n’y a :
«aucune différence essentielle ou conceptuellement
importante entre les professions d’infirmiers et de
médecins dans leur prise en charge des patients.»
Leininger (1977) suggère aussi que soigner et guérir
sont intimement liés quand elle écrit que :
«Ce sont les actes de prise en charge et les décisions
qui font la différence dans les conséquences effectives
de guérison. Par conséquent, c’est la prise en charge
qui est l’ingrédient le plus essentiel et le plus critique
dans tout processus de guérison.» (Leininger 1977)
Qu’est ce qui distingue alors le lien entre soins infir-
miers et prise en charge de la relation médecine gué-
rison ? Malgré les multiples définitions illustrées pré-
cédemment, tout le monde s’accorde à dire que ce
sont les relations interpersonnelles qui caractérisent
les soins infirmiers et la prise en charge. Ne pas
reconnaître cet élément dans les soins infirmiers
revient à nier la subjectivité du patient et de l’infir-
mière selon Gadow (1985). Sans cette intersubjecti-
vité, le patient et l’infirmière sont tous deux réduits à
l’état d’objets, leur dignité personnelle est perdue et
«l’ensemble cohérent à partir duquel sont constituées
les parties du moi est ainsi exclu.» Plus loin, Fry
(1988) nous indique que les infirmiers et les patients
ont besoin de «beaucoup de temps pour se connec-
ter» de façon à arriver à «la réciprocité et la mutua-
lité» essentiels à l’éthique de la prise en charge.
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Recherche en soins infirmiers N° 67 - décembre 2001
PRISE EN CHARGE, GUÉRISON, COPING : VERS UN MODÈLE INTÉGRÉ
Tableau 1 Certaines caractéristiques du soin
Honnêteté Sentiment Actualisation Réciprocité
Patience Intérêt Participation Sympathie
Courage Autonomie Relations Respect
Sensibilité Confiance Dignité Spiritualité
Dévouement Assistant Etre avec Soutenir
Engagement Facilitateur Amour Satisfaction
Connaissance Tendresse Compassion Intégrité
Compétences Croissance Empathie Proximité