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cette nouvelle perspective, on s’aperçoit que les soins thérapeutiques apportés à la
maladie ne sont pas des soins curatifs de la souffrance intérieure… mais préventifs.
Ceci ne constitue qu’un point de détail presque anecdotique tant qu’il s’agit de traiter
une maladie corporelle : les considérables avancées médicales permettent justement
de prévenir la souffrance intérieure. Mais la distinction prend des proportions insoup-
çonnées quand il s’agit de traiter la maladie dite mentale !
Cette dernière ne fait AUCUNEMENT exception à la règle : elle est une souffrance
extérieure. Interpréter la maladie comme une souffrance intérieure génère précisé-
ment une souffrance intérieure QUI N’EXISTAIT PAS : ceci se vérifie tout particulièrement
dans le traitement de la maladie dite mentale, dès lors qu’il est avéré qu’elle ne trouve
pas son origine dans quelque lésion d’ordre neurologique ou congénital. De par sa
nature, la maladie dite mentale -ne bénéficiant pas des techniques d’investigation
instrumentale de la maladie corporelle- ne peut être appréhendée que de
l’extérieur : c’est aussi pourquoi elle est une souffrance extérieure, à l’instar de la
maladie corporelle. Son traitement s’apparente d’ailleurs à celui de cette dernière, le
soma agissant sur la psyché. En revanche, si un diagnostic corporel repose sur des
données objectives parce que vérifiables jusque dans les causes, le « diagnostic »
mental est exclusivement établi sur des données subjectives reposant sur des effets
interprétés de l’extérieur : il existe donc un abîme entre les deux. Par conséquent, le
risque d’erreur devient considérable ! Si cette erreur est concrétisée, il y aura inéluc-
tablement erreur de traitement, avec à la clef le risque inconsidéré de l’introduction
artificielle d’une souffrance extérieure (corporelle, voire mentale) qui n’existait
pas : la thérapie se retourne contre elle-même, se faisant persécutrice !
La persécution est l’envers de la compassion : elle relève moins d’un sadisme
aveugle que d’une fausse compassion. Car s’il n’y a pas de fausse souffrance, il
existe de fausses compassions.
Dans le cas présent, il faut remonter en amont du diagnostic : la consultation
chez le praticien. Pour une pathologie corporelle, l’initiative de cette consultation est
du patient : elle est libre et résulte d’une souffrance extérieure. (À moins, naturelle-
ment, qu’il soit inconscient !) Il peut même consulter SANS souffrir, à titre préventif.
La situation est de nouveau très différente pour une pathologie dite mentale : l’initiative
de la consultation est rarement du patient. Même quand il s’y résout de son propre chef,
il a vraisemblablement subi des pressions psychologiques de la part de son entourage…
ce qui est donc bien une souffrance extérieure. (À double titre, d’ailleurs : l’entourage
exerçant ces pressions subissant de sa part une souffrance extérieure) Cette situation
est déjà suspecte en soi, la thérapie se polarisant sur le patient, et non sur son
entourage. Contrairement au praticien du corps, on ne consulte pas spontanément un
« spécialiste » du « psychisme » SANS souffrir, à titre préventif. Nous avons vu qu’il
existe au minimum une souffrance extérieure. L’outillage du praticien étant ce qu’il
est, à savoir archaïque en comparaison de celui du médecin traditionnel, la souffrance
extérieure de son patient sera perçue comme une souffrance intérieure. On se
rassure à bon compte, estimant par exemple que le psychiatre -étant médecin par
ailleurs- offre des garanties que n’offrent pas des psychothérapeutes non convention-
nés, parfois aussi fantaisistes qu’inefficaces. C’est oublier que ces derniers ne sont PAS
prescripteurs : ils peuvent au pire polluer l’esprit… et offrent donc la garantie majeure
de ne pas polluer un corps sain par une pharmacopée qui ne le concerne pas. Tant que
le psychiatre exerce une médecine de base, il offre effectivement une certaine garantie
quant à son traitement. Mais quand celui-ci s’opère sur la base d’un diagnostic
psychiatrique erroné, sa qualité de prescripteur présente un risque majeur. Être
ponctuellement énervé (de part, notamment, une consultation plus ou moins contrainte)
ne suffit pas à ingurgiter un neuroleptique ! Être ponctuellement inquiet (pour les
mêmes raisons) ne justifie pas davantage la prise d’un anxiolytique. Être ponctuelle-
ment abattu par les pressions conjointes de son entourage est un peu court pour
diagnostiquer une dépression. On connaît déjà mal les effets secondaires de certains