le Bulletin scientique de l’arapi - numéro 32 - automne 2013 81
Actualités - DSM-5
Dans le domaine
de la recherche, il faut
aussi pouvoir identier
des populations homogènes,
et donc probablement créer
des sous-catégories au sein
des troubles du spectre
de l’autisme.
et de neuroanatomie, ont conrmé les observations cli-
niques et les hypothèses neuropsychologiques faites
dans les troubles du spectre de l’autisme (Pelphrey et al.,
2011 ; Geschwind, 2009 ; Hill & Frith, 2003).
Mais le débat entre « lumpers et splitters », c’est à dire
entre ceux qui veulent rassembler en une seule catégorie,
et ceux qui souhaitent diviser en plusieurs sous-catégo-
ries, n’est pas clos. Même, si pour le clinicien, il y a ma-
nifestement intérêt à identier les besoins communs aux
personnes avec autisme, tout en adaptant les interventions
aux particularités de chaque individu, la question se pose
probablement différemment dans le domaine culturel et
politique, et celui de la recherche scientique. Dans le do-
maine culturel et politique, l’introduction du concept de
syndrome d’Asperger (même si sa validité a été discuta-
ble dès l’origine) a permis une meilleure reconnaissance
des troubles autistiques et du handicap spécique associé,
et a contribué à une meilleure information et une meilleu-
re acceptation de l’autisme par la société, ainsi qu’une
meilleure reconnaissance des besoins de l’ensemble des
personnes avec autisme. A l’inverse, cette meilleure visi-
bilité des personnes « Asperger » et la possibilité de faire
entendre leur voix ne doit pas faire oublier toutes celles
qui présentent un autisme plus sévère, et dont le handicap
nécessite pour certaines un accompagnement constant de
leur famille et de la communauté.
Dans le domaine de la recherche, il faut aussi pouvoir
identier des populations homogènes, et donc proba-
blement créer des sous-catégories au sein des troubles
du spectre de l’autisme. La voie à suivre est probable-
ment celle proposée par Thomas Insel au NIMH (Insel
& Landis, 2013), et qui a pu être présentée à tort comme
une remise en cause de la validité du DSM-5. Le NIMH
propose une classication des troubles psychiatriques
(RDoC Research Domain Criteria http://www.nimh.nih.
gov/research-priorities/rdoc/nimh-research-domain-cri-
teria-rdoc.shtml), fondée sur des biomarqueurs. Nous ne
disposons pas actuellement de biomarqueurs utiles au
diagnostic clinique des troubles du spectre de l’autisme,
et c’est même l’impossibilité de pouvoir distinguer les
différentes sous-catégories de TED en fonction des don-
nées génétiques, neurophysiologiques, d’imagerie, etc.,
qui valide la possibilité de regrouper ces troubles dans le
spectre de l’autisme. Dans le même temps, la recherche
sur les biomarqueurs dans le domaine de l’autisme est
extrêmement active : la balle est donc maintenant dans
le camp des chercheurs qui doivent identier les biomar-
queurs associés à certains troubles du spectre de l’autis-
me. Le DSM-5 a échoué dans son projet de fonder une
classication des troubles psychiatriques sur des biomar-
queurs, et nous devons donc pour l’instant nous satisfaire
pour la pratique clinique d’un outil en devenir, imparfait
mais nécessaire (en attendant un DSM-x ou une CIM-x
reposant sur des biomarqueurs des troubles psychiatri-
ques, les paris sont ouverts sur la valeur de x…).
Enn, le trouble socio-communicatif (social (pragmatic)
communication disorder) qui a été introduit pour décrire
des patients présentant des troubles socio-communicatifs
analogue à ceux rencontrés dans les troubles du spectre
de l’autisme, en l’absence de comportements répétitifs et
restreints, pose la question de sa validité et de sa spéci-
cité vis-à-vis des troubles du spectre de l’autisme et des
troubles spéciques du langage. La validité et la place de
ce trouble devront être précisées (Norbury, 2013 ; Gibson
et al., 2013)
Si les données manquent pour que la dimension « neuro »
ainsi que des biomarqueurs puissent clairement contri-
buer au diagnostic dans le DSM-5, reste la dimension dé-
veloppementale que l’on peut appréhender à travers :
- les signes précoces (avant les 3 ans de l’enfant) On
sait que pour environ 1/3 des cas, les troubles du spec-
tre de l’autisme font suite à une régression autour de
la deuxième année (Barger, 2013), et que pour l’en-
semble des enfants présentant un trouble du spectre de
l’autisme, la symptomatologie va évoluer au cours de
la première enfance (Yirmiya & Charman 2010). Pour
permettre le dia-
gnostic précoce, ne
devrait-on disposer
de critères diagnos-
tiques en fonction
du développement
(à défaut de pouvoir
identier des bio-
électro-marqueurs
faciles à recueillir -
EEG, Tierney et al.
2013 -, des obser-
vations comportementales quantiées, traduisant les
anomalies du neuro-développement sous-jacent – par
exemple eye tracking, auraient probablement leur pla-
ce) ;
- les trajectoires individuelles de développement (Fein
et al., 2013 ; Howlin et al., 2014, Russell, 2012). Dans
quelle mesure les classications diagnostiques actuel-
les nous aident-elles à décrire ces trajectoires, à les
prévoir si possible et à planier l’accompagnement des
personnes avec autisme pour leur permettre une qualité
de vie acceptable ?
- l’âge et le genre. Il existe un déséquilibre important
dans la recherche et l’offre de services en fonction de
l’âge, et les avancées du DSM-5 (troubles autistiques
envisagés dans une perspective dimensionnelle, modi-
cation du critère d’âge) doivent pouvoir être traduites
en projets de recherche et d’accompagnement auprès
d’adultes avec autisme. De la même façon, il existe
peu d’études en fonction du genre : alors que le sexe
ratio est de 1 lle pour 4 garçons dans une population
clinique, avec des lles qui ont souvent une décience
intellectuelle plus importante et une moins bonne évo-
lution, le sex-ratio observé dans des études en popu-
lation générale est plus faible (1/2) (Kim et al., 2011 ;
Russell et al., 2010), et conduit à penser que les lles
pourraient présenter moins de comportements répéti-
tifs et moins de difcultés à l’école et donc être sous-
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