Le patient cantonné au second rôle dans le système de santé suisse

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OSP-Actualités
Édition et Rédaction
SPO Patientenschutz
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Rédaction
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Texte français
Corinne Delestre, Anne-Marie Bollier
Layout, Impression
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COLONNE
Le patient cantonné au second rôle dans le
système de santé suisse
P P R V, D ..
En dépit de toutes ses restrictions, le système de santé suisse demeure lun des meil-
leurs au monde, et si je devais choisir un pays pour me soigner, ce serait la Suisse. Toutefois,
la charge nancière qui pèse sur tout un chacun exige certaines réformes, dans le cadre
desquelles il serait possible daméliorer la qualité – tout ce qui brille nest pas or – de ma-
nière ecace et économique.
Les réformes actuelles sont uniquement motivées par léconomie et la politique dans
une ampleur inadmissible et avec des conséquences fatales. Le patient devient une « quan-
tité négligeable » et le corps médical qui ache depuis toujours une certaine naïveté poli-
tique joue lobservateur étonné incapable de fournir une contribution à une réforme nan-
cière adéquate du système de santé, orientée vers la qualité et le patient. Les protestations,
les revendications de moratoire et les projets de référendum arrivent trop tard.
Les réformes politiques et économiques se dérobent à tout débat rationnel et par-
viennent à passer sans une information adéquate des acteurs concernés – les patients et les
payeurs de cotisation. Les innovations politiques dans le système de santé, ce n’est pas nou-
veau. Mais c’est la première fois quelles s’avèrent aussi irrééchies, aussi motivées par des
intentions monétaires et aussi radicales quelles détériorent la qualité du traitement médi-
cal. Les malades graves et chroniques ainsi que les patients âgés notamment nont rien de
bon à attendre de ce nouveau « monde hospitalier ».
Mais cela est bien égal à la politique et à léconomie. Le corps médical lui-même est en
train de perdre complètement sa liberté dans un « nouveau » monde fait de Tarmed, de
forfaits par cas, de Managed Care, de listes hospitalières, de cybersanté et de cartes de
santé; en marge des réformes de la santé, il na pas compris qu’il ne peut réintroduire dans
le processus de réforme quun contrôle qualité radical.
Dans le cadre dune réforme, lobligation de tous les acteurs de la santé consisterait en
premier lieu à accroître la qualité des prestations médicales fournies au bénéce du patient
et à rationaliser les tâches administratives et bureaucratiques nécessaires en vue, pour une
fois, dune baisse eective des cts de la santé au lieu de la simple maîtrise de leur hausse
– formule purement rhétorique visant à masquer léchec général.
En accord avec de nombreux confrères, je considère quil est possible d’économiser
sans problème dix milliards de francs au sein du système de santé suisse. Un tel objectif
impliquerait de tous les acteurs de la santé qu’ils se réunissent autour dune table pour ef-
fectuer une analyse objective sans tenir compte de leurs propres prébendes, mandats et in-
tentions personnelles, avec la volonté de mettre en place des mesures rationnelles. Les éter-
nelles formules rhétoriques comme « La santé est un poids…», « Le système de santé ne
cesse daugmenter en raison de lespérance de vie qui augmente », « Responsabilité de cha-
cun », « La concurrence permet…», « Rationnaliser au lieu de rationner…» ne mènent à
rien. Cela fait trente ans qu’elles ne mènent à rien.
Chaque réforme de la santé doit poursuivre deux objectifs : le patient censé bénécier
de la meilleure médecine possible et le payeur de primes dont la charge nancière doit, et
peut être diminuée. On peut prendre le problème par n’importe quel bout : sans un
contrôle qualité adéquat des prestations médicales, lié à une analyse précise des besoins,
les réformes à moindre coût acceptables sur le plan moral et éthique demeurent une illu-
sion. Seules des réformes simultanées qui exigent des eorts de tous les acteurs ont des
chances de réussir. Un concept existe.
[email protected] / www.spo.ch
OSP-ACTUALITÉS
Édition 4/2011
Quand un patient décide de participer à
un projet de recherche, on linforme des
complications possibles et de la couver-
ture dassurance. Récemment, une entre-
prise pharmaceutique a obligé un patient
à mandater une expertise coûteuse.
Il devait prouver que le médicament à
tester était à l’origine du grave dommage
invalidant quil avait subi, bien que cette
complication fasse lobjet d’une mention
écrite explicite. Swissmedic nous a égale-
ment conrmé que lart. 54 de la Loi sur
les produits thérapeutiques ne protégeait
pas avec certitude le dommage nancier
du patient. On ne risque vraiment pas de
manquer de travail !
EDITORIAL
Margrit Kessler,
Présidente OSP
TEMPS FORT
Victime d’un préjudice dans le cadre d’un projet
de recherche
Dans le cadre d’un projet de recherche, un patient a non seulement subi un dommage
pour sa santé, mais il doit également en supporter les conséquences nancières.
Larticle de loi correspondant nassure pas une protection susante dans de tels cas.
M K —
Dans un premier temps, Monsieur F. ( ans) était pleinement satisfait
de ses deux prothèses totales de la hanche puisquil n’avait aucune douleur et que les deux
articulations fonctionnaient bien. Pourtant il était en plus atteint dune arthrite rhumatis-
male. Les douleurs étant devenues insupportables, Monsieur F. n’a pas hésité à accepter
la proposition du médecin traitant de participer à un projet de recherche. Il espérait du
médicament à tester une diminution de ses douleurs. Létude a commencé le  juin .
Tous les mois, le patient recevait une perfusion contenant le médicament Tocilizumab ;
sept perfusions étaient prévues au total, mais il nen a reçu que quatre. Le protocole
dinformation mentionne : « Le Tocilizumab peut réduire la défense immunitaire contre
les infections. () votre médecin-investigateur surveillera pendant létude tout signe
ou symptôme dinfection et décidera, le cas échéant, de stopper le traitement au Tocili-
zumab. »
Un mois plus tard, une petite infection fait déjà son apparition au coude. On donne
au patient un traitement antibiotique tout en continuant à lui administrer le médicament
à tester. Malgré les antibiotiques, linfection se répand par le système sanguin et la hanche
gauche infectée doit être remplacée en août. Malgré cette grave infection, le patient conti-
nue de recevoir le Tocilizumab. L’étude n’a été stoppée que le  septembre . Un trai-
tement antibiotique administré pendant trois mois devait venir à bout de linfection. Le
© Keystone
POLITIQUE
Un projet de soins intégrés
acceptable
M K — Le projet Managed
Care a été adopté. Les médecins ont décidé
de lancer un référendum car ils s’opposent à
la responsabilité budgétaire. L’OSP ne sou-
tiendra pas ce référendum, mais reconsidé-
rera sa position s’il arrive en votation.
Changements pour les patients :
Pour le patient qui veut le libre choix ab-
solu du médecin, la quote-part actuelle de
  plafonnée à  francs s’élèvera à 
jusqu’à une limite supérieure de  francs.
S’ils veulent conserver le libre choix absolu
du médecin, les malades chroniques doivent
en principe payer  francs supplémen-
taires. L’OSP considère cette mesure sup-
portable pour les patients. Mais il y a toute-
fois un problème : la limite supérieure est
xée par le Conseil fédéral qui pourra la re-
lever à tout moment.
Si les patients optent pour un modèle de réseau,
la quote-part reste à  , mais la limite su-
périeure de la participation sera abaissée à
 francs seulement. Les patients sont donc
récompensés, dans ce cas, par une baisse de
 francs. Mais là encore, lincertitude de-
meure puisque le Conseil fédéral est libre de
supprimer à tout moment cette « récom-
pense ».
Les contrats de  ans obligatoires ont été
supprimés du projet de loi et un modèle de
Managed Care peut donc être conclu pour
une seule année.
Les caisses-maladie peuvent proposer un
modèle de soins intégrés, mais n’y sont pas
obligées. Dans les régions isolées qui ne pro-
posent pas de tel modèle, la quote-part des
assurés est limitée à   ou  francs.
Dans ce cas, ce sont les caisses-maladie qui
sont pénalisées et les patients qui protent
dune quote-part moins élevée.
Autre nouveauté : les caisses-maladie ne
sont plus autorisées à fournir des presta-
tions médicales sous forme de gestion dins-
titutions médicales ou par une participation
nancière. Les centres HMO de la SWICA
devront donc se réorienter à lavenir. Pour le
corps médical, cette séparation des pouvoirs
est primordiale puisque les caisses-maladie
en tant qu’employeurs peuvent exercer une
pression sur les médecins qu’elles emploient.
traitement terminé, linfection réapparaît au bout de quelques jours. Cette fois-ci, les
deux hanches sont touchées. Il s’avère donc nécessaire de retirer les deux prothèses au
mois de décembre et dattendre que linfection soit résorbée pour les réimplanter n jan-
vier . Ces infections répétées ont fait subir à Monsieur F. un dommage physique im-
portant qui le contraint aujourdhui à se mouvoir très lentement. Pendant un an, il n’a pu
exercer son métier. Il travaille maintenant à  , mais ne pourra plus jamais reprendre
une activité à plein temps.
Ne pas faire confiance au protocole d’information
En participant au projet de recherche, Monsieur F. a assumé un risque sanitaire ; par
contre, le protocole dinformation indique que le patient nest pas tenu dassumer le
risque nancier : « La société () SA vous dédommagera du préjudice éventuel subi dans
le cadre de lessai clinique. Dans ce but, le sponsor a convenu dune couverture dassu-
rance aups de la compagnie () en votre faveur. Si vous constatez des dommages ou
problèmes de santé pendant ou après lessai clinique, veuillez vous adresser au médecin-
investigateur responsable (). Il connaît la législation en vigueur, dispose des documents
correspondants et prendra pour vous les mesures nécessaires. » Mais la réalité a été tout
autre ! Le médecin-investigateur est parvenu à la conclusion que seul le changement de la
prothèse partielle en août était imputable au Tocilizumab. Les opérations ultérieures ne
pouvaient être pas imputées au médicament de l’étude…
Abandonné à son sort
Malheureusement, nous observons régulièrement qu’en cas de complications les
médecins-investigateurs protègent les entreprises pharmaceutiques et abandonnent les
patients à leur sort. En tant que membre de la Commission déthique de Zurich depuis
des années, je considère que le sponsor (entreprise pharmaceutique) – conformément au
protocole dinformation – assume le risque nancier. Selon Swissmedic, cette interpréta-
tion est toutefois loin dêtre évidente : « Selon les termes de la loi, lart. , al. , lettre b
LP ne stipule pas susamment clairement s’il s’agit dune responsabilité causale ou
dune responsabilité pour faute. Swissmedic considère néanmoins qu’il s’agit dune res-
ponsabilité causale en se basant sur la formulation révélatrice adoptée à lart.  Oclin qui
stipule que « le promoteur répond des dommages subis par un sujet de recherche ».
Si le législateur nest pas disposé à modier lart. , al. , lettre b pour le bien des
patients, nous nous verrons contraints de leur conseiller de ne plus participer
à un projet de recherche suisse.
Par ailleurs, toujours selon Swissmedic, les experts auraient des avis divergents sur la
question. Les uns exigent une preuve irréfutable dune responsabilité causale, les autres
considèrent que la causalité ne doit pas être prouvée dans le cas dessais cliniques. Que
faut-il croire et que doit-on recommander aux patients ?
LOSP est davis que larticle de loi doit faire lobjet dune formulation claire et sans
équivoque. Il nest pas normal que le patient soit tenu dassumer le risque nancier en plus
du risque de santé lié à tout projet de recherche. Si le législateur n’est pas disposé à modier
lart. , al. , lettre b pour le bien des patients, nous nous verrons contraints de leur conseil-
ler de ne plus participer à un projet de recherche suisse. Est-ce vraiment là ce que souhaite
la recherche suisse ?
Cont. Temps fort
INTERNE
Une fête du jubilé réussie et mémorable
C’est dans un cadre adéquat et devant un public nombreux que la Fondation Organisa-
tion suisse des patients a fêté son e anniversaire. Cette cérémonie a parfaitement mon-
tré combien l’OSP était reconnue par les divers acteurs de la santé et appréciée en tant que
partenaire indépendant, respectueux et coopératif, orienté vers les solutions. La légitima-
tion dune organisation telle que l’OSP qui défend les intérêts des patients en Suisse avec
persévérance et tenacité – comme le doit toute organisation de défense des droits des pa-
tients – n’est plus en discussion. Continuer à défendre et à protéger les droits des pa-
tients : telle sera également à lavenir la dicile mission de l’OSP. En dépit des droits pro-
gressivement acquis par les patients dans notre pays – notamment grâce à l’OSP –, il reste
encore beaucoup à faire. La présidente de l’OSP, Margrit Kessler, a précisé lors du jubi
que la défense des droits des malades était un chemin dicile et que lorganisation des
patients était encore loin du but.
INTERNE
« Renforcer encore plus
l’autodétermination des patients »
L O – Lavocate des droits des pa-
tients, Margrit Kessler, avait deux raisons de
se réjouir lors de cette fête du jubilé. En tant
que présidente, elle a célébré les  ans de la
Fondation Organisation suisse des patients
OSP. En tant que politicienne, elle a égale-
ment fêté son honorable élection au Conseil
national. Cest pour elle une grande satisfac-
tion de voir récompensées ses années den-
gagement en faveur des droits des patients
par les électeurs de son canton justement en
cette année du jubilée. Cest dautant plus
une satisfaction que cet engagement a égale-
ment été lié à des exriences négatives : la
défense des droits des patients lui a en eet
coûté dix ans de procédure pénale auprès
de la justice st-galloise. Le vote du peuple
représente donc pour elle un important té-
moignage de conance.
Cependant, Margrit Kessler a également
pris position sur la situation actuelle en ma-
tière de droits des patients. Selon elle, l’OSP
est une organisation qui jouit entre-temps
dune bonne notoriété, qui est ancrée dans
le paysage de la politique sanitaire, et qui
bénécie donc dun certain poids. Avec les
années, le travail s’est professionnalisé et
bénécie aujourdhui de lintérêt et de les-
time de nombreux professionnels. La situa-
tion est toutefois diérente auprès du grand
public – l’OSP manque encore de notoriété.
« La population doit prendre encore davan-
tage conscience de notre existence en tant
qu’organisation d’aide aux patients an que
ces derniers puissent faire valoir leurs droits,
par exemple en cas de violation du devoir de
diligence », explique Margrit Kessler. Par
ailleurs, les patients dans notre pays ne dis-
posent daucun lobby qui leur donnerait un
certaine force. Il faut malheureusement le
dire : dans notre société, les patients de-
meurent des êtres humains de seconde
classe. L’une des tâches centrales de l’OSP
consiste à faire évoluer les choses. En tant
que Conseillère nationale fraîchement élue
au Parlement, Margrit Kessler entend s’en-
gager pour le renforcement des droits des
patients.
Anne-Marie Bollier (présidente de l’Association
des donateurs de l’OSP), Maja de Boni (compta-
bilité OSP), Dr Pedro Koch (Conseil de fondation
de l’OSP).
La présidente de lOSP, Margrit Kessler, a souhaité la
bienvenue au large public présent à la fête du jubilé.
La directrice de l’OSP, Lotte Arnold-Graf, a animé
cette soirée avec talent.
Table ronde avec Andreas Faller (OFSP), Hans-Ueli Regius (SWICA), Margrit
Kessler (OSP), Ernst Gähler (FMH), Dr Oliver Frey (animateur du débat, rédacteur
en chef du «Gesundheitstipp»), Paul Vogt, Conseiller d’État, Thomas Heiniger.
Margrit Kessler.
Margrit Kessler, interviewée par Lukas Ott,
membre du Conseil de fondation.
Andreas Faller, Vizedirektor Bundesamt für
Gesundheitswesen BAG.
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