Cours sur la Paracha Nasso par le Rabbin

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La paracha de la semaine est la section hebdomadaire de la Torah, lue rituellement chaque Chabbat, dans toutes les synagogues à travers le monde
Ces cours ont été dispensés dans le cadre de journées d'études organisées à la mémoire du regretté Grand Rabbin de Paris David Messas (zatsal),
par et à l'initiative de son fils, rav Ariel Messas, en la synagogue Beth Hamidrach Maguen David - Ahavat Shalom, fondée par son père zatsal en
2005.
Parachah Nasso
Rabbin Michel Serfaty
Mes chers amis, j’ai eu l’immense bonheur de travailler aux côtés de Rabbi David Messas
dès son premier mandat.
Dès son installation à la tête du grand rabbinat de Paris, nous nous sommes concertés sur
un certain nombre de points. Nous avons travaillé ensemble sur de nombreux dossiers.
Un jour, un dimanche, alors que je travaillais dans mon antre, cachée - j’ai un bureau isolé,
je ne dis pas dans quelle condition ! - voilà que j’entends frapper { la porte. Je vais ouvrir,
Rabbi David était-là !
« Appelle-moi, je viens chez toi » lui dis-je !
Voilà, la marque exceptionnelle de l’Humilité.
C’est exceptionnel !
Un Grand Rabbin de Paris !
Cela me rappelle une histoire du Talmud qui relate que, dans les années 80 de notre ère,
Rabbi Yéhochoua ben Hanania, un marchand de charbon de bois, s’était opposé au BethDin de l’époque, dirigé par Raban Gamliel de Yavné. Selon lui, la date fixée pour célébrer
Kippour par le Beth din était erronée.
Et, geste exceptionnel, le chef du tribunal, le Président du Sanhédrin, voulut connaître qui
était cet « outsider » qui lui tenait tête.
Rabban Gamliel quitta le tribunal, il parcourut toutes les ruelles de Jérusalem et découvrit
Rabbi Yéhochoua ben Hanania dans une petite antre, tout recouvert de suie. Rabbi
Yéhochou’a vivait d’un petit commerce de charbon.
Tous purent reconnaître la marque de l’humilité du chef.
Comme le disent nos sages :
© Consistoire de Paris
« Bimkom chéatah motsé guédoulato chel Hakadoch baroukh Hou,
cham atah mosté anvatanouto »
« Là où tu trouves la grandeur, tu trouves aussi son humilité ».
Là où réside la grandeur, l’importance de la responsabilité, c’est l{ que l’on trouve
l’humilité.
Je pourrai vous dire beaucoup de choses sur Rabbi David, car j’ai eu la chance de vivre à
ses côtés, pratiquement chaque semaine, pendant quatorze ans. Il y avait entre nous une
intensité fraternelle, un échange d’une confiance qui reste pour moi une grande marque
de bonheur que je garde en moi pour toujours.
Téhé nafcho bégan éden.
Que son âme soit dans le jardin d’Eden et qu’il prie pour nous tous.
Chers amis, on m’a demandé de faire le résumé de la parachah de Nasso.
Rien de plus facile.
Je suis heureux de faire de « la publicité » pour le livre de Gabriel Cohen, Président de
l’école de Savigny, qui a livré un travail colossal sur chacune des sections de la Torah.
Je me suis dit : « Je ne vais pas me casser les méninges. Je vais vous donner la lecture du
résumé du plan de la parachah, qu’en donne Gabriel ».
Vous le trouverez parachat Nasso, au début de son commentaire sur la parachah.
La parachah évoque, dans l’ordre :
la fonction des Lévites dans le Tabernacle,
le recensement des familles de la tribu des Lévites,
les impuretés des personnes qui devaient être installées { l’extérieur du camp ;
la loi du korban, du sacrifice pour un délit de détournement,
la femme soupçonnée d’adultère, ce qu’on appelle communément la sotah et de son
traitement,
le nazir, c’est-à-dire un individu qui choisit des conditions de vie en retrait par rapport à la
société, qui s’interdit pendant un temps défini le vin et des boissons à base de vin ; qui
doit dés lors respecter certaines règles de pureté, ne pas se couper les cheveux pendant la
période de nézirat.
Puis, la parachah évoque la birkat cohanim, la bénédiction des cohanim, sur laquelle je
m’arrêterai personnellement.
© Consistoire de Paris
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Puis, arrive l’un des textes les plus longs de la Torah, les douze paragraphes consacrés à
chaque Prince de tribu pour l’offrande qu’il apporta { l’occasion de l’inauguration du
Tabernacle.
J’ai choisi de vous parler de la birkat cohanim, de la bénédiction des prêtres dans le
Temple.
Comme je l’ai enseigné pendant des années, il n’existe pas de texte dans la Bible – et pas
seulement dans la Torah – qui ne donne pas le sentiment d’être le fruit d’une extrême
élaboration. Il n’existe aucun des passages du texte de la Torah, des Néviim et des
Kétouvim qui puisse donner l’impression d’être le fruit d’une production hasardeuse,
rapide, au pied levé. Cela n’existe pas ! Je peux apporter de nombreuses illustrations pour
démontrer à quel point l’étude de chaque mot, de chaque lettre du texte de la Bible,
montre que les textes qu’elle contient sont le fruit d’une longue élaboration, d’une
profonde réflexion pour qu’elle soit l’aboutissement d’une beauté littéraire, d’une beauté
spirituelle, d’une espèce d’achèvement de ce mariage entre la lettre et l’esprit.
C’est ce que je vais tenter, très rapidement, de montrer { travers l’étude de la birkat
cohanim, la bénédiction des prêtres.
La birkat cohanim se présente en trois versets.
Vous la connaissez tous :
Yévarékhékha Hachem véyichmérékha.
« Que l’Eternel te bénisse et te protège ».
Yaer Hachem panav élékha véhounékha.
« Que l’Eternel éclaire sa face vers toi et qu’Il te donne sa grâce »
Yissa Hachem panav élékha véyassem lékha chalom.
« Qu’Hachem lève les yeux vers toi et qu’il te donne la paix.
Alors en quoi consiste l’élaboration ?
1 – Vous observerez qu’il y a une progression mathématique de raison 2.
Le premier verset contient 3 mots.
Le deuxième 5 (donc 2 de plus)
Le troisième 7 (donc 2 de plus).
© Consistoire de Paris
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Il y là une progression de raison 2.
Par ailleurs, 3 + 5 + 7 = 15 !
Inutile de vous rappeler que 15, c’est le demi-nom de D.ieu : Yod – Hé, soit 10 + 5.
Ainsi le nom de D.ieu se dégage de cette structure en progression.
2 – Les trois versets commencent tous par la lettre Yod.
Quand vous examinez de nombreux manuscrits hébraïques, depuis le haut moyen-âge
jusqu’{ la Renaissance - je parle en tant que codicologue ou paléographe, c’est-à-dire,
quelqu’un qui a consacré une bonne partie de sa vie { examiner des manuscrits des
rabbins, ou des manuscrits écrits par des juifs, de par le monde – on constate que, chaque
fois que le nom de D.ieu, le Tétragramme, devait être écrit, on l’écrivait : Yod – Yod sur le
même niveau et au-dessus, comme un triangle, un troisième Yod.
Ainsi, pendant des siècles, les rabbins et les Juifs à travers le monde, inconsciemment, en
quelque sorte, on reproduit cette fidélité au Yod - Yod – Yod, les trois Yod, certainement en
référence à ces trois versets qui commencent par la lettre Yod.
Un autre aspect de cette bénédiction attire notre attention :
Dans les trois versets, le nom de D.ieu est toujours en deuxième position :
Yévarékhékha Hachem ;
Yaer Hachem ;
Yissa Hachem.
On peut épiloguer…
Je vous propose la réflexion suivante : le verbe c’est le mouvement ; mais il n’y a pas de
mouvement sans âme motrice.
Comment peut-on provoquer une dynamique, s’il n’y a pas une âme motrice ?
La juxtaposition du verbe avec le Nom de D.ieu incite à cette réflexion.
Par ailleurs, remarquons la symétrie dans la clôture de chaque verset :
Véyichmérékha, c’est un verbe.
© Consistoire de Paris
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Vi’hounékha, c’est un verbe.
Véyassem, c’est un verbe.
De plus, ces trois conclusions commencent par la lettre « Vav ».
On aurait pu parfaitement se passer du « Vav », au plan linguistique.
Il existe des formules grammaticales synonymiques qui permettent de formuler la même
idée autrement.
3 « Vav », soit 3 x 6 = 18.
Là encore apparaît la notion de la vie : haï (Le mot hébraïque qui a pour sens vie a pour
valeur numérique 18).
Les 3 conclusions visent en quelque sorte { garantir d’abord la vie ; l’amour de la vie !
Je vais finir par une réflexion d’un autre ordre.
Que dit cette bénédiction ?
Elle commence par ce qui est le cœur de la pensée religieuse juive, par ce qui est la
première expression de l’histoire de la vie spirituelle juive : Abraham.
Abraham est désigné par la bénédiction : Véyié bérakhah, « Tu seras une bénédiction ».
Donc c’est sur Abraham que se bâtit dès le départ la vision de la Torah de l’existence.
L’existence doit être bérakhah, bénédiction.
Comment faire ? La bénédiction des cohanim débute par : Yévarékhékha. Que tu sois béni !
On peut dire que Yévarékhékha et Ychmérékha « Bénédiction et Protection » sont un vœu
pour l’individu, pour son bien-être ; pour son bien-être matériel, pour son bien-être
physique.
La deuxième partie de la bénédiction évoque l’illumination : Yaer Hachem, la lumière
divine et le souhait de trouver la grâce : Véhounéka .
Trouver grâce, c’est l’une de nos prières quotidiennes.
Trouver grâce aux yeux de D.ieu, aux yeux de notre environnement, de notre société.
Le deuxième verset incite à trouver une place d’agrément et d’acceptation de soi et de la
société qui nous accepte.
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Le troisième verset, c’est visage qui se tourne : Yssa Hachem Panav élékha.
On demande { D.ieu d’orienter Son visage vers nous.
Parfois, Il donne l’impression qu’Il tourne le dos. Le face-à-face avec D.ieu est impossible.
Nous demandons cependant que D.ieu tourne Son visage vers nous.
Nous formulons cette demande pour accéder à la paix.
Pas seulement la paix individuelle et la paix familiale, mais surtout la paix politique, la
paix nationale et internationale.
Je finirai par ceci.
Ce texte, { ce jour, reste la meilleure des preuves de l’existence du texte de la Torah depuis
la plus haute antiquité, depuis Moïse.
Pourquoi ?
Parce que nous - modestes chercheurs – avons eu un immense bonheur, lorsqu’a été
découvert, il y a quinze ans, dans la quatrième strate géologique de Jérusalem, au pied du
mur du Temple, une petite amulette de 2 cm de hauteur.
Quand on l’a déroulée, elle faisait 7 cm. C’était une plaque fine en or, sur laquelle était
gravé, en paléo-hébreu - c’est-à-dire en hébreu des Cananéens, l’hébreu de Yizkiyahou
Mélekh Yéhouda, Ezéchias, Roi de Judah - le texte de birkat cohanim, de la bénédiction des
prêtres.
Cette découvertes est l’une des plus fortes pour nous. A ce jour toutes sortes de théories
sont avancées sur l’origine des textes de la Torah, nous détenons donc ici la preuve de leur
existence dés l’époque du premier Temple. Les cohanim portaient une amulette en or sur
laquelle était gravé ce texte. 10 ans plus tard, on a eu la chance de découvrir une seconde
amulette de cette nature.
C’est dire { quel point, notre attachement aux cohanim, qui a résisté { l’épreuve du temps
pendant 3000 ans, nourrit notre espoir - et ce sera ma conclusion - de les revoir occuper
leur fonction, dans le Temple de Jérusalem, que nous attendons depuis 2000 ans.
Merci.
© Consistoire de Paris
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