Annexe - Balance des paiements et équilibre macro-économique Les échanges de marchandises (biens et services), de titres et de monnaie d’un pays avec l‘étranger sont enregistrés dans un document comptable : la balance des paiements. Elle fait apparaître les soldes caractéristiques de relations du pays avec l’extérieur. Elle constitue un instrument pertinent pour évaluer l’ampleur et la nature des déséquilibres mondiaux. Ceuxci dépendent des liaisons entre le revenu national, le solde extérieur et les composantes de la demande globale (consommation, investissement, dépenses publiques). A - Les principes de construction d’une balance des paiements La balance des paiements est un document comptable qui enregistre des transactions entre résidents et non-résidents sur une période temps qui est généralement l’année. C’est un compte de flux et non de stock, c’est-à-dire qu’il ne fournit pas l’état des dettes et des créances du pays mais le montant des flux pendant la période de référence. La construction d’une balance des paiements se fait en respectant les règles établies par le FMI. Précisons que sont considérés comme résidents les agents installés sur le territoire et ayant une activité économique régulière sur celui-ci (les résidents incluent les nationaux qui ont une activité régulière dans le pays + les filiales et succursales des firmes étrangères + les membres des ambassades, consulats et missions militaires envoyées à l’étranger). En ce qui concerne le principe d’enregistrement, la balance des paiements fait apparaître un compte tenu en DEBIT et en CREDIT. En débit sont enregistrés tous les achats ou acquisitions d’actifs par les résidents auprès de non-résidents, quel que soit le type d’actif concerné (marchandises, titres ou monnaies). Cela correspond à une sortie de monnaie, à une baisse des engagements ou une baisse de l’endettement. En crédit sont enregistrées toutes les ventes ou cessions d’actifs par les résidents aux non-résidents, quel que soit le type d’actif concerné (marchandises, titres ou monnaies). Cela correspond à une entrée de monnaie, à une hausse des engagements ou une hausse de l’endettement. Exemple : la remise de devises nationales à un non-résident par un résident est un crédit (cession d’actifs). En résumé, CREDIT = Diminution d’avoirs ou augmentation d’engagements DEBIT = Augmentation d’avoirs ou diminution d’engagements Autre principe d’enregistrement : toute opération entre résidents et non-résidents donne lieu à une écriture qui nécessite une autre écriture en contrepartie d’un montant égal et situé dans l’autre colonne de la balance des paiements. Si tous les enregistrements étaient effectués sans erreur, les masses apparaissant en débit et en crédit seraient parfaitement égales. En fait, il apparaît des erreurs et omissions qui empêchent cette égalité parfaite. Donnons quelques exemples d’écriture dans une balance des paiements : Une firme résidente exporte des biens pour 1000 euros. Cette cession d’actifs réels s’enregistre en CREDIT. En contrepartie, l’opération donne lieu à un règlement sous plusieurs formes possibles : . échange de compensation (ou troc) de valeur identique X et M de marchandises . CREDIT DEBIT 1000 1000 Le paiement de marchandise se fait en devises étrangères immédiatement. La firme résidente reçoit 1000 euros déposés alors sur un compte bancaire. Le stock de devises étrangères du pays croît de 1000 euros. CREDIT X et M de marchandises DEBIT 1000 Avoirs et engagements en devises étrangères 1000 . La firme résidente exportatrice fait crédit à l’importateur non-résident par l’octroi d’un crédit commercial. La firme exportatrice reçoit alors un titre représentatif de ce crédit. Le stock de titres du pays augmente (Hausse des avoirs sous la forme de crédits commerciaux). Cette hausse des avoirs est enregistrée en débit (ligne Crédits commerciaux). 2 CREDIT X et M de marchandises DEBIT 1000 Crédits commerciaux 1000 En résumé : . Les exportations et les ventes de services à l’extérieur : CREDIT ; . Les importations et les achats de services à l’extérieur : DEBIT ; . Les achats de titres à CT et LT à l’extérieur (acquisition de capital : par les résidents DEBIT ; . Les ventes de titres à CT et LT à l’extérieur (vente de capital aux non-résidents : CREDIT ; . Les acquisitions de devises nationales et étrangères auprès de non - résidents : DEBIT ; . Les ventes de devises nationales et étrangères à de non - résidents : CREDIT. Remarque : le cas des dons (ou transactions gratuites). Contrairement aux opérations précédentes, les dons n’ont pas de contrepartie. Pour garder le principe de l’équilibre comptable sur lequel est fondé la balance des paiements, on enregistre la transaction gratuite, d’une part, en tant que flux versé ou reçu par les résidents et, d’autre part, dans des postes de transfert, les transferts pouvant être réguliers (transferts courants) ou exceptionnels (transferts en capital). Par exemple, lorsque le don est effectué par un résident au profit d’un non-résident, il y a remise d’actif par le résident à l’extérieur (inscription en crédit). La contrepartie est un débit sur la ligne « Transferts » qui concerne la catégorie d’agents à laquelle appartient le résident à l’origine du don. Prenons un exemple plus concret. L’Etat français fait un don en nature de 50 millions d’euros à un pays tiers en difficulté, don assimilé à une exportation de marchandises en tant que flux versé à l’extérieur. La contrepartie comptable est inscrite en débit de la ligne « Transferts des administrations publiques ». Crédit X et M de marchandises Débit 50 Transfert des administrations publiques 50 3 B - Les soldes de la balance des paiements Les opérations des résidents avec les non-résidents sont regroupées par types d’actifs concernés et éventuellement par type d’agents concernés. Pour chaque groupe d’opérations, le pays présente un excédent ou un déficit, reflet de désajustements internes et traduction des déséquilibres mondiaux. Le FMI, qui impose un certain nombre de règles en matière de présentation de la balance des paiements, regroupe les divers postes de la balance des paiements en trois comptes (depuis 1993) : - le compte des transactions courantes (biens, services, revenus et transferts courants) ; - le compte de capital (transferts de capital tels les annulations de créances ou les remises de dettes, et les acquisitions et cessions d’actifs non financiers non produits tels les brevets) ; - le compte d’opérations financières rassemblant toutes les autres opérations (investissements, produits financiers dérivés, voirs de réserve). Le compte d’opérations financières ou compte financier regroupe l’ensemble des mouvements de capitaux liés aux avoirs et engagements financiers, appelés flux financiers. Comme cela a été déjà dit, aux erreurs et omissions près, chaque transaction correspond à une transaction de même montant inscrite dans l’autre colonne. Le principal intérêt de la balance des paiements est de faire apparaître des déséquilibres propres à certains types d’opérations et de mettre en évidence les transactions compensatrices de ces déséquilibres. Les soldes les plus significatifs pour évaluer la position d’un pays vis-à-vis de l’extérieur sont : la balance commerciale ou solde commercial : X – M pour les marchandises ; le solde des biens et services, qui est égal au solde commercial augmenté du solde sur les opérations de services ; 4 le solde des opérations courantes, qui est égal à la différence entre les crédits des opérations courantes (marchandise, services, revenus et transferts courants) et les débits des opérations courantes ; le solde des opérations courantes et du compte de capital (compte qui regroupe les dons en capital et les opérations sur actifs non financiers non produits) détermine la capacité (ou le besoin) de financement de la nation. Le solde à financer (qui est le solde des transactions courantes + solde du compte de capital + solde des investissements directs) est le solde de l’ensemble des opérations réelles, de nature non financière. Sa contrepartie (solde de l’ensemble des autres postes) est de nature financière. Le solde de la balance globale est la somme des soldes des transactions courantes, du compte de capital et des flux financiers (hormis ceux du secteur bancaire et de la Banque centrale). Le complément de ce solde (financement monétaire de la balance des paiements) est ce qui résulte de l’activité des organismes financiers résidents dans leurs relations avec l’extérieur. Il est égal à la création monétaire induite par l’extérieur. 5 C - L’existence de déséquilibres à l’heure actuelle Etudions cette question avec quelques exemples historiques. Dans la période 19741982 (du 1er choc pétrolier jusqu’au début de la crise de l’endettement du Tiers Monde avec le Mexique se déclarant incapable de faire face à ses échéances au début de l’été 1982), c’est l’OPEP qui enregistre le plus gros excédent courant, à côté du Japon. Les zones déficitaires sont l’Europe et surtout le Reste du Monde ‘principalement les PVD). Les déséquilibres sont plus accentués que dans la période précédente. Le transfert financier s’effectue par des prêts bancaires à LT, de l’OPEP vers le Tiers Monde non producteur de pétrole. Au cours de la période 1983 - 1988, les PVD non producteurs de pétrole vont être contraints de réduire leur activité (et de ce fait, leurs importations), ce qui limitera leur déficit courant (démarche de la puissance publique pour tenter de résoudre les problèmes 6 d’endettement). Le Japon et l’Europe redeviennent nettement excédentaires. Ces excédents correspondent à un profond déficit américain courant dont l’origine provient essentiellement du déficit commercial industriel. Les transferts financiers européen et japonais vont se traduire par une souscription de titres longs émis par les Etats-Unis. Dans la période suivante 1989 - 2000, la plupart des déséquilibres constatés dans les années 80 demeurent. Les Etats-Unis présentent un déficit courant (sauf pour l’année 1991), déficit qui s’amplifiera à partir de 1995. le japon poursuit son accumulation d’excédents, sauf pour l’année 1997. L’Union européenne va passer d’une situation de déficits à une situation d’excédents en 1993 mais ces ceux-ci baissent à partir de 1998. En définitive, les années 90 se caractérisent par le maintien d’une capacité de financement du Japon et l’apparition de celle de l’Union européenne (rôle significatif joué par l’Allemagne). Ces excédents compensent le déficit américain et celui du Reste du Monde (essentiellement des PVD ou émergents). En 2005, on constate un déficit courant record des Etats-Unis issu de leur déficit commercial et des excédents des pays de l’OPEP, de la zone asiatique où la Chine voit son rôle croître dans l’accumulation d’excédents et de la zone euro à un niveau modéré mais stable. Les effets de la crise financière et économique actuelle seront analysés plus loin dans le cours. Cela étant, les étudiants sont invités à auditionner le fichier MP3 en ligne dans la rubrique Documents complémentaires sur le thème suivant : Les déséquilibres des paiements mondiaux avec Jacques de Larosière et Philippe Jurgensen, entretien accordé à Canal Académie en juillet 2006 ) D - Quelques relations économiques significatives Le commerce extérieur influence l’équilibre macro-économique d’un pays. Analysons les liens entre l’exportation (X), l’importation (M), le revenu national (Y), la consommation (C), l’investissement (I) et les dépenses publiques (G). 1 - La relation Solde courant - déficit budgétaire et épargne Le marché des biens et services est en équilibre si l’offre globale est égale à la demande globale, soit Y + M = C + I + G + X (1) avec C + I + G représentant la demande interne. L’équilibre s’écrit aussi : 7 Y=C+T+S (2) (C représentant les dépenses de consommation, T les impôts et S, l’épargne après impôts) En reportant (2) dans (1), il vient : X – M = S – I + T – G (3) Le solde courant (X – M) apparaît donc égal à la capacité de financement des agents privés augmentée de la capacité de financement de l’Etat. En cas de déficit budgétaire (G>T), le solde courant sera positif ou négatif selon que la capacité de financement des agents privés excèdera ou pas la capacité de financement de l’Etat. On peut écrire et tester la relation (4) suivante : Solde courant / PIB = capacité de financement du secteur prive / PIB + capacité de financement du secteur public /PIB Prenons un exemple : la situation des Etats-Unis dans les années 1980 Le déficit courant des années 80 aux Etats-Unis correspond à un important déficit budgétaire (plus de 3% du PIB) et à une capacité de financement des agents privés insuffisante. En fait, s’il existe cette capacité de financement sur la période 1982-1987, elle se réduit progressivement au point de faire place à un besoin de financement en 1987 (voir tableau ci-dessous). Cette évolution est largement due au rajeunissement de la population américaine qui de fait épargne de moins en moins. La situation des Etats-Unis dans les années 1980 Années CF du secteur CF du secteur Solde courant /PIB privé/PIB public/ PIB 1965-1974 0,8 -0,4 0,4 1965-1981 1,6 -1,3 0,3 1982 -1987 1 -3,3 -2,3 Source : B. Guillochon, Economie internationale 2 - Le multiplicateur de commerce extérieur En économie fermée, la hausse de l’investissement privé et/ou des dépenses publiques engendre un accroissement plus élevé du revenu national par le mécanisme du 8 multiplicateur. En économie ouverte à l’échange international, il existe un phénomène de même type, imputable à l’échange. Soit l’équation d’équilibre macro-économique suivante : Y + M = C + I + G + X (1) Notons A = I + G + X, la dépense autonome, indépendante du niveau du revenu national Y. Supposons une augmentation de A, ∆A, induite par une hausse des dépenses de l’Etat. Si l’économie a des capacités de production inemployées, cette demande supplémentaire va engendrer une offre supplémentaire par le système productif du pays et par les importations. L’offre nationale supplémentaire va conduire à une distribution de revenus supplémentaires qui vont à leur tour déterminer des demandes supplémentaires pour les biens de consommation. Ces demandes suscitent de nouvelles vagues de production nationale et d’importation, etc. Le processus se poursuit continument. On passe alors de l’équilibre (1) à l’équilibre (2). Ce dernier s’écrira : Y + ∆Y + M + ∆M = C + ∆C + A + ∆A (2) En soustrayant l’équation (1) de l’équation (2), il vient : ∆Y + ∆M = ∆C + ∆A ou encore ∆Y - ∆C + ∆M = ∆A (3) En notant c, la propension marginale à consommer (c=∆C/∆Y) et m, la propension marginale à importer (m=∆M/∆Y), on peut écrire : ∆Y - c∆Y + m∆Y = ∆A ou encore ∆Y (1 – c + m) = ∆A, d’où ∆Y = ∆A / 1 –c + m avec 0<c<1 et m<c 1/1 – c + m est le multiplicateur de commerce extérieur. Il permet d’obtenir la variation totale du revenu national induite par une variation initiale de la demande autonome, ∆A, lorsqu’il n’existe aucun obstacle à l’accroissement des quantités produites, les prix étant supposés fixes. Si m = 0, le supplément de revenu n’engendre aucune importation induite et le multiplicateur prend alors la valeur qu’il aurait en économie fermée, c’est-à-dire 1/1 – c. Si m>0, le multiplicateur devient inférieur à celui qui existerait en économie fermée. Plus m est élevé, plus les fuites de revenus vers le reste du monde sont importantes et plus le multiplicateur est faible. m est en général inférieur à c et de ce fait, le multiplicateur du commerce extérieur est supérieur à l’unité. L’accroissement de la demande autonome engendre donc un accroissement plus grand du revenu national. 9 Remarque : Si ∆A résulte d’une hausse des exportations (X), on aura ∆A = ∆X. Le solde courant du pays noté B = X – M va connaître une variation induite par la variation des exportations ∆X et par l’accroissement des importations ∆M qui, elles, seront induites par la variation du revenu national. Cela s’écrira : ∆ B = ∆ X – ∆ M = ∆ X – m∆Y ou encore ∆B=∆X–m1∆X 1-c+m d’où il vient après réduction au même dénominateur : ∆ B = (1-c) ∆ X 1- c + m ∆ B est inférieur à ∆ X car la hausse des exportations ∆ X provoque un accroissement des importations lié à la croissance du produit. Par ailleurs, on peut également montrer que si le pays possède une taille économique importante, la croissance de son revenu va provoquer une expansion à l’étranger dont il pourra bénéficier en retour. Dans la balance des paiements, les flux de biens et services sont distingués des flux de capitaux. Cette distinction s’explique par les facteurs qui déterminent de tels flux. Les mouvements de biens et services dépendent de facteurs réels : nature des systèmes productifs, préférence des consommateurs, stratégies des politiques commerciales différentes, etc. En ce qui concerne les mouvements de capitaux (y inclus les flux de devises), les facteurs explicatifs sont de nature macro-économique (niveau général des prix, taux de croissance du revenu national) et de nature financière (taux de change, taux d’intérêt, croissance de la masse monétaire, etc). 10 - L’exemple de la balance des paiements de la France 11 12