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pratique
Les dysthyroïdies en médecine
de premier recours
Le bilan thyroïdien comporte le dosage de la TSH (thyroid
stimulating hormon) et de l’hormone thyroïdienne T4 libre en
cas d’anomalie de la TSH. Ces tests sont fréquemment pratiqués
en médecine de premier recours en raison des nombreuses situations cliniques pouvant faire évoquer une dysfonction thyroïdienne telle que fatigue, trouble de l’humeur ou trouble du
rythme cardiaque. Les indications au traitement en cas de
dysfonctions thyroïdiennes infracliniques restent controversées
en l’absence de grandes études randomisées. Nous proposons
une approche diagnostique pour le médecin de premier recours face à une perturbation des tests thyroïdiens. Une stratégie de prise en charge est proposée pour les principales
dysfonctions thyroïdiennes, ainsi que les situations justifiant de
faire appel aux spécialistes.
Rev Med Suisse 2010 ; 6 : 2306-11
K. Wuerzner
O. Pasche
N. Rodondi
L. Portmann
Drs Kaisa Wuerzner et Olivier Pasche
Consultation générale
Dr Nicolas Rodondi
Consultation des lipides
PMU, 1011 Lausanne
[email protected]
[email protected]
[email protected]
Dr Luc Portmann
Service d’endocrinologie, diabétologie
et métabolisme
CHUV, 1011 Lausanne
[email protected]
Thyroid dysfunction in primary care
medicine
Thyroid function tests include the measuring
of the thyroid stimulating hormone (TSH) and
free thyroxine (T4) in the case of abnormal
TSH. These tests are frequently performed in
primary care medicine since many clinical si­
tuations can be suggestive of dysthyroidism,
as for example fatigue, depressive states or
cardiac arthmia. In the case of subclinical thy­
roid dysfunction, the indications for treatment
are controversial there being a lack of signifi­
cant randomised studies. For primary care
physicians faced with abnormal thyroid func­
tion tests we propose a diagnostic approach,
clinical recommendations, and indications for
referral to the specialist.
2306
introduction1-6
Dans l’étude américaine NHANES III, le bilan thyroïdien, prati­
qué chez des sujets sans pathologie thyroïdienne connue, a
montré moins de 1% d’hypothyroïdie ou d’hyperthyroïdie fran­
ches. L’hypothyroïdie est rare chez l’adulte jeune, sa préva­
lence augmente avec l’âge. Il en va de même pour le goitre
multinodulaire ainsi que pour la prévalence générale de l’hy­
perthyroïdie qui est renforcée par la présence d’un tabagisme.
La maladie de Basedow en revanche est plus fréquente chez
les femmes de 20 à 40 ans. Entre un fonctionnement normal
et une hypothyroïdie ou une hyperthyroïdie avérées se trouve
une zone grise : l’hypothyroïdie et l’hyperthyroïdie infraclini­
ques. La prévalence de l’hypothyroïdie infraclinique est estimée à environ 5%,
alors que l’hyperthyroïdie infraclinique est plus rare, à environ 1%. Ces chiffres
dépendent à la fois de la population considérée et des valeurs de référence uti­
lisées. Celles-ci sont établies par chaque laboratoire à partir des valeurs d’une
population ambulatoire locale sans pathologie thyroïdienne connue. Dans le
­laboratoire du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), les valeurs de ré­
férence sont les suivantes : T4 libre : 8-22 pmol/l et TSH (thyroid stimulating hor­
mon) : 0,2-3,5 mU/l. Cependant, ces valeurs peuvent varier considérablement. Par
exemple, la valeur limite supérieure pour la TSH est fréquemment de 4,5 mU/l
dans la littérature.
définition et classification 7,8
Hyperthyroïdie
L’hyperthyroïdie primaire peut être définie comme un excès d’hormones thy­
roïdiennes (T3 et T4), lié à une production trop importante, à une libération ex­
cessive, ou d’origine exogène (tableau 1). Le plus fréquemment, il y a diminution
de la TSH par feedback négatif de la T4. L’hyperthyroïdie secondaire, d’origine hy­
pophysaire, est exceptionnelle. L’hyperthyroïdie infraclinique est définie par une
diminution de la TSH et des valeurs normales de T3 et T4, parfois à la limite su­
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Tableau 1. Principales causes d’hyperthyroïdie
primaire
VS : vitesse de sédimentation ; CRP : protéine C réactive ; TSH : thyroid
stimulating hormon.
Maladie de Basedow
• Présence d’anticorps stimulant le récepteur de la TSH de la thyroïde
• Souvent agrandissement diffus et indolore de la thyroïde
• Orbitopathie chez 30% des patients : exophtalmie (irritation, congestion,
risque de lagophtalmie), parfois déficit oculomoteur et visuel par com pression du nerf optique
Adénome toxique et goitre multinodulaire toxique
• Sécrétion autonome des hormones thyroïdiennes
• Autonomie évoluant au fil des années vers une hyperthyroïdie (favorisée
par l’iode exogène)
• Nodule ou goitre palpables lors de thyroïde cervicale
• Diagnostic par ultrason et scintigraphie
Thyroïdite subaiguë lymphocytaire
• Maladie autoimmune souvent dans le post-partum (5-12% selon les pays)
• Infiltrat entraînant une destruction du parenchyme avec libération de T4
• Brève période d’hyperthyroïdie puis parfois hypothyroïdie, rarement
persistante
• En général, retour à une fonction thyroïdienne normale entre six et
douze mois
Thyroïdite subaiguë de De Quervain
• Thyroïde douloureuse
• Origine inflammatoire, possiblement postvirale (VS et CRP augmentées)
• Fièvre, douleurs aiguës irradiant dans les oreilles, la mâchoire ou la nuque
• Tuméfaction thyroïdienne possible
• Initialement, 50% des patients ont des signes d’hyperthyroïdie
• Hypothyroïdie se développant parfois après un à deux mois
• Retour à une fonction normale chez presque tous les patients
Hyperthyroïdie d’origine exogène
• Souvent intentionnelle (cancer thyroïdien), iatrogène ou médicamenteux
• Caractérisée par une diminution de la thyroglobuline contrairement
aux autres hyperthyroïdies
Hyperthyroïdie sur amiodarone
• Inflammation de la thyroïde avec libération d’hormones thyroïdiennes
ou
• Augmentation de la synthèse de T4 liée à l’apport en iode
• Diminution de la conversion périphérique de T4 en T3
périeure de la norme. Dans ce cas, des symptômes et signes
cliniques aspécifiques peuvent parfois être notés. Dans
certaines situations, par exemple en cas de maladie aiguë,
de dénutrition ou suite à l’administration de certains mé­
dicaments (corticostéroïdes, amiodarone), des modifica­
tions transitoires des tests thyroïdiens sont souvent pré­
sentes. La TSH peut être abaissée, faisant croire à tort à
une hyperthyroïdie, avec des valeurs de T3 et T4 norma­les,
ou alors la T3 peut être très abaissée (Low T3 syndrome).
Hypothyroïdie
L’hypothyroïdie primaire correspond à une diminution
du taux de T4 et se traduit par une élévation de la TSH par
diminution du feedback négatif de la T4 sur l’hypophyse (ta­
bleau 2). Habituellement les valeurs excèdent 10 mU/l.
L’exception est l’hypothyroïdie secondaire ou tertiaire, si­
tuations exceptionnelles en dehors de pathologies hypo­
physaires connues, où la TSH et la T4 sont abaissées. L’hy­
pothyroïdie infraclinique est caractérisée par une augmen­
tation modérée de la TSH à 3,5-20 mU/l et une T4 libre
dans la norme. Le risque de progression vers une hypo­
thyroïdie franche est plus rapide en présence d’anticorps
antithyroperoxydase (AC antiTPO) (4,3%/an) qu’en l’absence
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Tableau 2. Principales causes d’hypothyroïdie
primaire
Thyroïdite subaiguë
• Thyroïdites : lymphocytaire, du post-partum ou de De Quervain
• Phase transitoire d’hypothyroïdie (6-12 mois) parfois observée
Thyroïdite chronique de Hashimoto
• Maladie autoimmune : augmentation des anticorps antithyroperoxidase
(TPO) et antithyroglobuline et infiltrat lymphocytaire à l’histologie
• Cause la plus fréquente d’hypothyroïdie
• Rapport femme/homme : 7/1
Hypothyroïdie iatrogène
• Après thyroïdectomie
• Iode radioactif (I131)
• Radiothérapie cervicale
• Médicaments : lithium, amiodarone, antithyroïdiens, interféron, iode
Carence en iode
• Cause fréquente d’hypothyroïdie dans certaines parties du monde
• Souvent associée à un goitre
Congénitale
• Une naissance/4000
• Dépistage à la naissance
d’AC antiTPO (2,3%/an). Dans certaines situations cliniques
avec exposition à de l’iode (injection de produit de con­
traste iodé, désinfection cutanée prolongée), une augmen­
tation modérée et transitoire de la TSH peut se voir et re­
flète le blocage de la sécrétion des hormones par la thyroïde
lié à la surcharge iodée (phénomène de Wolff-Chaikov).
stratégie diagnostique 6,9-15
Chez l’adulte, le dosage des tests thyroïdiens n’est pas
recommandé dans un bilan de dépistage systématique,
hormis en début de grossesse chez les femmes à risque
augmenté (antécédents personnels ou familiaux de dys­
thyroïdie, maladie autoimmune, status après radiothérapie
cervicale, fausses couches à répétition ou infertilité). En gé­
néral, lorsque le bilan thyroïdien est pratiqué, il suffit de
demander le dosage de la TSH et de compléter par la T4
libre si la TSH est anormale.
Tableau 3. Critères d’urgence ou «drapeaux rouges»
Crise thyrotoxique
• Répercussions hémodynamiques :
– tachyarythmie
– insuffisance cardiaque décompensée
– ischémie myocardique
• Signes neuropsychologiques :
– état confusionnel
– décompensation maniaque
Hypothyroïdie
• Asthénie importante, ralentissement psychomoteur
• Trouble de l’état de conscience (coma myxœdémateux)
• Facteur de stress aigu : infection sévère, infarctus myocardique
• Hypothermie
• Répercussions hémodynamiques (hypotension artérielle, bradycardie)
• Décompensation cardio-pulmonaire, épanchements pleuraux et/ou
péricardiques
N.B. : une insuffisance surrénalienne associée à l’hypothyroïdie, princi­
palement lors d’une maladie autoimmune, doit être recherchée et
traitée afin d’éviter une crise addisonnienne lors de la substitution en
hormones thyroïdiennes.
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Suspicion d’hyperthyroïdie : TSH l 0,2 mU/l
Non
Grossesse,
«drapeaux
rouges»
Suspicion d’hypothyroïdie : TSH L 4,0 mU/l
Oui
Oui
Grossesse,
«drapeaux
rouges»
Avis de l’endocrinologue
Avis spécialisé
Non
Elevée
Elevée
Oui
Clinique de
la maladie de
Basedow
Cause
réversible ?
Oui
Médicaments, iode ?
Thyroïdite au
décours ?
Normale
Dosage T4
libre
Non
Dosage T3
Hypothyroïdie
connue ?
Normale
Non
Contrôle à deux mois
Hyperthyroïdie subclinique
Oui
Adaptation de la posologie
Non
Dosage
AC antirécepteur
TSH
Oui*
Négatifs
Positifs
Maladie de Basedow
Avis de l’endocrinologue :
recherche de goitre,
de nodule (clinique,
échographie)
Age L 60 ans
ATCD cardiopathie
TSH l 0,1 mU/l
Oui
Non
Non
Suivi clinique tous les six mois
Figure 1. Algorithme de prise en charge d’une
hyperthyroïdie primaire
(Adaptée de réf.6,9,17-19).
l 8 pmol/l
La présence de critères d’urgence ou «drapeaux rouges»
devrait systématiquement être recherchée (tableau 3). En
présence d’un de ces critères, une hospitalisation est gé­
néralement nécessaire. Dans ce cas, la prise en charge se
fera conjointement avec un endocrinologue afin d’intro­
duire le traitement et le suivi adéquats. En dehors des si­
tuations d’urgence, les algorithmes suivants peuvent être
appliqués face à une hyperthyroïdie primaire (figure 1) ou
une hypothyroïdie primaire (figure 2). Concernant les dys­
fonctions thyroïdiennes infracliniques, des risques cardio­
vasculaires, osseux et neurocognitifs ont été évoqués mais
les indications et les bénéfices du traitement restent con­
troversés.
prise en charge et traitement1,6,9-11,15,16
Hyperthyroïdie
Face à une hyperthyroïdie avérée, les modalités théra­
peutiques suivantes sont à prendre en compte avec l’avis
de l’endocrinologue. Les antithyroïdiens de synthèse ou thio­
namides : propylthiouracile, thiamazol et carbimazol sont
utiles dans le traitement initial de l’hyperthyroïdie, pour
une période déterminée, avec relais par une autre moda­
lité thérapeutique selon le contexte. Ces médicaments n’ont
pas d’efficacité lorsque l’hyperthyroïdie est due à un relar­
gage d’hormones thyroïdiennes. Le traitement chirurgical par
thyroïdectomie et le traitement à l’iode radioactif (I131) doi­
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Dosage T4
libre ?
Hypothyroïdie subclinique
Normale
Hypothyroïdie avérée
* Augmentation du risque de FA (surtout si TSH l 0,1 mU/L), les autres
risques étant controversés. Possible augmentation de la mortalité chez les
patients avec antécédents de cardiopathie. Possible augmentation du risque
d’ostéoporose chez les femmes ménopausées.
TSH : thyroid stimulating hormon ; AC : anticorps ; ATCD : antécédent ;
FA : fibrillation auriculaire.
0
TSH L 20
mU/l ?
Clinique
compatible ?
Oui*
Oui
TSH M 10
mU/l ?
Non
Non
Positifs*
Dosage
AC antiTPO ?
Négatifs*
Traitement substitutif
par levothyroxine
Envisager un
traitement d’épreuve
Suivi une fois par an
ou éventuellement
envisager traitement
Suivi tous
les trois ans
Figure 2. Algorithme de prise en charge d’une
hypothyroïdie primaire
(Adaptée de réf.1,6,9,15,20-23).
* Les bénéfices et les indications au traitement sont controversés : suivis
clinique et biologique une fois par an et discuter d’un traitement, notamment en présence de symptômes évocateurs d’hypothyroïdie, de dyslipidémie (cholestérol total L 7 mmol/l) ou lors d’AC antiTPO positifs (risque
à dix ans de développer une hypothyroïdie franche passant de 23% à 43%).
TSH : thyroid stimulating hormon ; AC antiTPO : anticorps antithyroper­oxy­
dase.
vent être considérés comme traitements définitifs dans les
hyperthyroïdies persistantes ou lors d’effets secondaires
des thionamides. Les bêtabloquants peuvent être utilisés
pour le traitement initial des symptômes cardiaques (ou
neurologiques) de l’hyperthyroïdie franche. Les anti-inflam­
matoires non stéroïdiens (AINS) et la prednisone visent à
traiter l’inflammation en cas de thyroïdite de De Quervain.
La réponse au traitement sera assurée par le bilan thy­
roïdien : TSH, T4 libre. La survenue d’effets indésirables aux
traitements médicamenteux doit être évaluée cliniquement
lors des visites de suivi (tableau 4). Dans le cas particulier
de la maladie de Basedow, l’évolution est souvent favo­
rable avec une rémission à long terme chez 30-40% des pa­
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Tableau 4. Effets secondaires des traitements de
l’hyperthyroïdie
Antithyroïdiens de synthèse
• Fièvre, rash, urticaire, arthalgies (5% des cas)
• Agranulocytose, hépatotoxicité (très rarement)
N.B. : une surveillance biologique n’est pas conseillée, mais en cas de
fièvre ou maux de gorge, une agranulocytose doit être systématiquement
recherchée sans délai.
Iode radioactif (I131)
• Evolution fréquente vers une hypothyroïdie
• Risque d’aggravation d’une orbitopathie lors de maladie de Basedow
et tabagisme
• Accentuation de l’hyperthyroïdie dans les suites immédiates du traitement
Chirurgie (rares)
• Lésion du nerf récurrent
• Hypoparathyroïdie avec hypocalcémie sévère
• Hémorragie postopératoire, cicatrice chéloïdienne, adhérences
• Hypothyroïdie (situation recherchée)
tients, mais un suivi prolongé est indiqué en raison du
risque de récidives, d’évolution vers une hypothyroïdie et
de persistance de l’orbitopathie, avec phases d’aggrava­
tion indépendantes de la fonction thyroïdienne. Le traite­
ment par antithyroïdiens de synthèse est prescrit en géné­
ral pour douze à dix-huit mois, puis un arrêt progressif du
traitement peut être tenté.
Hypothyroïdie
Face à une hypothyroïdie avérée non réversible, une
substitution par lévothyroxine à vie est nécessaire. La dose
substitutive est estimée selon le poids corporel : 1,6 mg/kg
par jour, c’est-à-dire environ 100 mg/jour pour une femme
de poids moyen et 125 mg/jour pour un homme de poids
moyen. En l’absence de cardiopathie ischémique et avant
l’âge de 60 ans, le traitement est débuté par l’introduction
d’une demi-dose puis quatre à six semaines plus tard par la
dose complète. En cas de cardiopathie ischémique ou au-delà
de l’âge de 60 ans, introduire un traitement à doses progres­
sives, au début à 12,5-25 mg/jour en augmentant par paliers
à intervalles de deux à trois semaines.
Le contrôle de la réponse au traitement est indiqué trois
mois après son introduction et quatre à six semaines après
chaque modification de dose. L’objectif à moyen et long
termes est de normaliser la TSH.
Par la suite, la TSH est contrôlée annuellement, plus fré­
quemment en cas de grossesse, de prise d’œstrogènes ou
de variation pondérale importante (modification des besoins
en thyroxine). Il est indiqué d’éviter une TSH l 0,4 mU/l,
en raison des risques possibles d’ostéoporose et de fibril­
lation auriculaire. Il convient également d’être attentif aux
interactions médicamenteuses. L’absorption de la thyroxine
est diminuée par les sels de calcium, le fer, l’hydroxyde
d’aluminium et la cholestyramine. Le métabolisme de la
thyroxine est augmenté par la phénytoïne, la carbamazé­
pine, le phénobarbital et la rifampicine. La consultation chez
un spécialiste est nécessaire en cas de grossesse, de nonréponse ou d’intolérance au traitement, de suspicion d’une
origine centrale ou de comorbidités telles qu’ischémie
myocardique non traitée.
Lors d’hypothyroïdie infraclinique, les bénéfices et les in­
convénients du traitement sont controversés. La décision
de traiter dépend du taux de TSH, des possibles symp­
tômes cliniques et d’éventuelles complications métaboli­
ques comme les dyslipidémies. Dans ce cas, des doses
proches des doses substitutives sont utilisées (75-100 mg/
jour) afin de pouvoir observer si le traitement a un effet
favo­rable sur les symptômes ayant motivé le traitement,
sans induire d’hyperthyroïdie iatrogène (TSH 0,5-1,5).
conclusion
Les dysthyroïdies sont rencontrées fréquemment par le
médecin de premier recours. Hormis certaines situations
particulières comme les dysfonctions thyroïdiennes sévè­
res et la grossesse, les affections thyroïdiennes peuvent
être prises en charge par le médecin de premier recours.
Les indications au traitement en cas de dysfonctions thy­
roïdiennes infracliniques restent controversées en l’absen­
ce de grandes études randomisées. Il est toutefois conseillé
de soumettre les options stratégiques diagnostiques et thé­
rapeutiques à un médecin spécialiste en endocrinologie,
notamment dans l’hyperthyroïdie.
Implications pratiques
> Le risque de crise thyrotoxique existe en cas d’administration
de contraste iodé ou d’amiodarone, principalement chez des
personnes atteintes d’un goitre multinodulaire
> Lors d’hypothyroïdie d’origine autoimmune, l’administration
d’hormones thyroïdiennes peut précipiter une insuffisance
surrénalienne concomitante en crise addisonnienne
> Toute atteinte thyroïdienne chez une femme enceinte doit
amener à demander un avis spécialisé
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