Économie, sociologie et histoire du monde contemporain, 2e édition © Armand Colin, 2016.
Fiche concours : La protection sociale: frein ou moteur
de la croissance économique? (Chapitre 12-III)
Les pourfendeurs de l’État social ont tendance à parler des «charges sociales» prélevées pour financer la protection
sociale. Pour relancer l’activité, il suffirait de réduire ces «charges», ce qui accroîtrait la compétitivité. Pourtant, les
cotisations sociales ou les impôts affectés permettent de financer les systèmes de protection sociale qui ne sont pas sans
effet sur la croissance économique. Quels sont les effets de la protection sociale sur la croissance?
I. Les dépenses sociales entravent l’activité économique
Certains économistes, à l’image de Milton Friedman (1912-2006, Nobel 1976), défendent l’idée que le marché est
l’organisation qui permet l’allocation des ressources la plus efficace et la plus juste. Une intervention de l’État, y compris
pour protéger les populations des risques sociaux, serait néfaste. En effet, les prélèvements sociaux et leur redistribution
fourniraient de mauvaises incitations: les investissements seraient réduits en raison des prélèvements; les individus
arbitreraient pour l’inactivité en raison des prestations.
Par ailleurs, le financement de la protection sociale conduirait à un effet d’éviction. Des capacités de financements
seraient détournées de l’investissement productif du fait de la ponction réalisée par les pouvoirs publics. Et si ce
financement devait conduire à des emprunts, l’effet d’éviction serait renforcé du fait d’un accroissement des taux
d’intérêt consécutifs à l’accroissement de la demande de fonds.
Enfin, dans cette perspective, l’État est moins efficace que des assurances privées pour assurer ce type de service. Des
assurances maladies privées et des fonds de pension permettant à chacun de prévoir sa retraite seraient bénéfiques pour
l’activité économique. Cependant, non seulement plusieurs études montrent que les assurances privées ne sont pas plus
efficaces, mais surtout, l’impact de la protection sociale peut être positif pour la croissance économique.
II. La protection sociale peut dynamiser la croissance économique
Un système de protection sociale redistributif peut atténuer les chocs conjoncturels subis par une économie. Les
transferts sociaux permettent de maintenir un certain niveau de demande adressée à l’économie ce qui limite l’effet
récessif. Le
National Bureau of Economic Research
étasunien a ainsi calculé que les prestations de chômage distribuées
réduisaient l’effet récessif de 82 % au Danemark, 57% en France mais seulement 34% aux États-Unis.
D’autre part, un système de santé public peut être plus égalitaire dans l’accès au soin, ce qui est source d’externalités
positives. En d’autres termes, un accès aux soins garanti améliore le capital humain comme l’a montré Robert Lucas (Nobel
1995), ce qui accroît la croissance économique à long terme. Les performances des États-Unis dans ce domaine plaident
pour un système de soins publics. De manière plus nérale, des individus se sachant protégés des risques sociaux ont
également davantage confiance en l’avenir, ce qui accroît le capital social, renforce la cohésion et par là même la croissance
économique.
Ainsi, la protection sociale semble être un facteur plutôt favorable à la croissance économique dans la mesure où à court
terme elle permet d’atténuer les effets récessifs d’un choc conjoncturel, et dans la mesure à long terme elle permet
d’accumuler du capital humain et du capital social favorables à l’activité économique. Cependant, la question de la
soutenabilité financière des systèmes de protection sociale reste posée.
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