interne du développement de l'esprit : Cette loi s'exprime par la négation de la négation : une chose qui n'est d'abord qu'en-soi devient pour-soi en se
posant hors d'elle-même, puis revient à soi en niant sa propre négation : La synthèse réalise à chaque fois une identité supérieure. L'En-soi pour Soi se
trouve réalisé au terme d'une Histoire.
L'exposé sommaire de la démarche hégélienne permet de comprendre la raison pour laquelle l'existentialisme doit en débattre avec HEGEL. Ce n'est pas
tant parce que l'histoire apparaît comme l'aventure de la Raison que Jean-Paul SARTRE met en cause la philosophie de HEGEL mais bien parce que cette
aventure, qui est notre histoire, possède en elle-même la raison de son développement.
Il suffirait que l'on remît l'Histoire à l'endroit, qu'on coupât les ailes à l'Idéalisme de HEGEL pour que l'on découvrît que le sens de l'histoire est immanent.
Et pour Jean-Paul SARTRE, l'essentiel du matérialisme marxiste est d'avoir renversé, remise sur ses pieds la dialectique hégélienne.
Dès lors, le débat de Jean-Paul SARTRE avec le marxisme n'est que la lutte avec le concept qu'il a lui-même créé d'un matérialisme historique consistant à
affirmer que l'histoire réelle, concrète obéit à la même logique abstraite que celle exprimée par la dialectique hégélienne.
Ce faisant -et se battant contre son ombre- Jean-Paul SARTRE, comme nous le montrerons, ne fait que prouver son incapacité à dépasser la philosophie
spéculative.
Jean-Paul SARTRE n'a pas renoncé à la démarche idéaliste : Que le sens de l'histoire soit immanent, cela ne signifie rien d'autre pour Jean-Paul
SARTRE sinon que l'histoire réalise un but, une Fin qui échappe à la conscience et qui la transcende. Il prend à la lettre la formulation de HEGEL :
“C'est leurs biens propres que les peuples et les individus recherchent et obtiennent par leur agissante vitalité , mais en même temps ils sont les moyens et
les instruments d'une chose plus élevée, qu'ils accomplissent inconsciemment. ”
Et, il est significatif de cette démarche idéaliste qu'on puisse reprendre à la lettre la formule de PLATON pour traduire cette dialectique abstraite de l'Idée
ou de la Raison à l'oeuvre dans l'histoire.
“ Les hommes ne veulent pas ce qu'ils font mais ce pourquoi ils font ”, n'est-ce pas dire que les hommes poursuivent des buts et des biens particuliers mais
qu'au travers de ces buts, ce qu'ils font a un autre sens et réalise une idée, une raison, une fin qui leur échappe ?
Cette référence à PLATON montre que, loin d'être sur le terrain du marxisme, Jean-Paul SARTRE n'a pas fait un pas hors de l'idéalisme pour
comprendre le sens de la dialectique matérialiste.
C'est la raison pour laquelle pour s'opposer à HEGEL et pour définir la dialectique, l'existentialisme va faire appel à KIERKEGAARD.
“ KIERKEGAARD, écrit MERLEAU-PONTY, qui a le premier employé le mot existence dans son sens moderne, s'est délibérément opposé à HEGEL
..., au HEGEL qui traite l'histoire comme le développement visible d'une logique. ”
Et Jean-Paul SARTRE précise : dans la philosophie hégelienne, “les déchirements, les contradictions qui font notre malheur sont des moments qui se
posent pour être dépassés ... Nous sommes intégrés vivants à la totalisation suprême : ainsi le pur vécu d'une expérience tragique est absorbé par le
système comme une détermination qui doit être médiatisée. ”
Face à HEGEL “ KIERKEGAARD affirme l'irréductibilité et la spécificité du véc u ... Il découvre en lui-même des oppositions, des indécisions, des
équivoques ... Paradoxes, ambiguités, discontinuités, dilemmes, qui ne peuvent être dépassés ... Cette subjectivité retrouvée par-delà le langage comme
l'aventure personnelle de chacun en face des autres et de Dieu, voilà ce que KIERKEGAARD a nommé l'existence. ”
Et Jean-Paul SARTRE comme MERLEAU-PONTY, nous explique que KIERKEGAARD a raison contre HEGEL parce qu'il affirme, contre lui,
comme irréductible le moment de la conscience :
Là où HEGEL ne voyait qu'un moment de l'histoire : le moment de la conscience malheureuse, il faut affirmer contre lui que toute conscience est
malheureuse : l'homme se définit par le refus de se limiter à l'une quelconque de ses déterminations, par l'acte d'outrepasser le limité.
“ Sans cet acte du sujet, écrit MERLEAU-PONTY, il n'y aurait pas même à titre d'apparence, ce que nous appelons un homme, c'est à dire un être qui
n'est pas, qui nie les choses, une existence sans essence.”
Mais HEGEL a raison contre KIERKEGAARD : L'homme ne serait qu'une subjectivité vide s'il ne s'objectivait dans une histoire : Le constat de
l'aliénation montre que cette objectivation n'est pas un concept ni une prestidigitation dialectique.
Et Jean-Paul SARTRE conclut : “ MARX a raison à la fois contre KIERKEGAARD et contre HEGEL puisqu'il affirme avec le premier la spécificité de
l'existence humaine et puisqu'il prend avec le second l'homme concret dans sa réalité objective ... C'est l'homme concret qu'il met au centre de ses