N’oublions pas que la gestion de fonds repose avant tout
sur la construction de portefeuilles, et en particulier dans la
capacité à savoir quand acheter et quand vendre, ce qui est
en soi une source de valeur ajoutée. Pour Patrick Houweling,
« nous pouvons rendre non seulement les définitions
de facteurs plus intelligentes, mais aussi les règles de
construction de portefeuilles pour améliorer la performance.
Par exemple, nous ne vendrions pas forcément tout de suite
un titre en cas de baisse à partir d’un seul facteur, car cela
entraînerait des frais de transaction excessifs. Il est souvent
plus prudent d’attendre encore un peu et d’obtenir un alpha
légèrement plus faible que de vendre immédiatement en
subissant des frais. »
La diversification est un autre élément important de la
construction de portefeuilles. Selon lui, il faut également
éviter les paris sectoriels et régionaux trop importants. Par
exemple, en 2007, dans le cadre d’une stratégie Valorisation
générique, les investisseurs auraient surtout acheté des
obligations d’entreprises financières, étant donné que
leurs spreads de crédit s’écartaient et qu’elles devenaient
relativement meilleur marché, mais en 2008, cela aurait
entraîné une forte baisse avec le début de la crise financière.
Pour Patrick Houweling, limiter le poids d’un secteur dans
un portefeuille permet d’éviter des positions concentrées et
améliore la diversification du portefeuille. L’investissement
factoriel consiste à récolter efficacement les primes, et non à
parier sur des secteurs ou des entreprises en particulier.
Des règles d’or pour réussir
Ne pas prendre de pari implique de suivre des règles strictes
et de s’appuyer sur une solide recherche : une ligne directrice
et une philosophie qui est à la base même de la stratégie
de Robeco depuis que son fondateur, Lodewijk Rauwenhoff,
soulignait en 1929 que « toutes les stratégies d’investissement
doivent s’appuyer sur de la recherche ». Pour Joop Huij,
Responsable de la recherche Investissement Factoriel de
Robeco, les facteurs ont fait leurs preuves grâce à des dizaines
d’années de recherches, ce qui signifie que les investisseurs
ne seront pas déçus s’ils s’en tiennent à certaines règles d’or.
Premièrement, il faut investir dans des facteurs éprouvés :
la valorisation, le momentum, la faible volatilité et la taille
- dont le rôle a été attesté par de nombreuses études – et
qui fonctionnent mieux que les nouveaux facteurs qui n’ont
pas fait l’objet d’autant de recherches. Il s’agit de l’un des
constats de Joop Huij, qui a examiné les données d’environ
7000 fonds sur une période de 20 ans, de 1990 à 2010. Son
objectif était de déterminer si les gérants actifs appliquant
les stratégies d’investissement factoriel surperformaient
systématiquement leurs indices de référence. Il en a conclu
que les facteurs les mieux connus et les plus étudiés (la
valorisation, le momentum et la faible volatilité) étaient
ceux qui fonctionnaient le mieux, tandis que les facteurs
plus récents et plus exotiques n’offraient pas de rendements
supérieurs, et que leurs performances étaient inférieures. Les
facteurs efficaces possèdent deux caractéristiques communes :
les preuves empiriques de leur existence ne manquent pas et
une logique économique les soutient. Joop Huij a découvert
que les meilleurs fonds de placement bénéficient de primes
de facteur ayant fait leurs preuves. Donc, plutôt que d’être
à l’affût des derniers facteurs, il vaut mieux sélectionner les
plus courants et les mieux étudiés. Bien que les recherches de
Joop Huij soient fondées sur les actions, ce postulat est aussi
valable pour les obligations.
« Les facteurs ont fait leurs preuves grâce
à des dizaines d’années de recherches, ce
qui signifie que les investisseurs ne seront
pas déçus s’ils s’en tiennent à certaines
règles d’or. »
JOOP HUIJ
RESPONSABLE DE LA RECHERCHE
INVESTISSEMENT FACTORIEL
Deuxièmement, il ne faut pas écouter ceux qui disent que les
primes factorielles sont le résultat d’une prise de risque plus
importante. Bien qu’il s’agisse d’une croyance très répandue,
les études réalisées par Robeco montrent bien que cette
notion ne se vérifie pas toujours. Prenez à titre d’exemple les
titres « Value » : une thèse répandue est qu’ils sont bon
marché parce qu’ils sont plus risqués. Il est typique d’attribuer
l’existence de cette prime à un risque de défaut supérieur et
d’après la théorie, les rendements sur les titres « Value »
devraient augmenter car le risque augmente. Les recherches
de Robeco ont révélé que si de plus fortes expositions au
risque pouvaient en effet intervenir en optant pour une
stratégie « value » conventionnelle, il n’y a pas lieu de courir
ce risque. Il n’est pas nécessaire d’investir dans des titres à
haut risque pour profiter de la prime de valorisation, car cette
prime de valorisation résulte d’erreurs d’évaluation. Le
processus de sélection de titres « Value » de Robeco
comprend des critères pour éviter un risque élevé de défaut,
une situation financière fragile et des sociétés adoptant des
pratiques comptables agressives. En d’autres termes, nous
évitons ainsi d’investir dans les valeurs à risque tout en
profitant de la prime de valorisation. Cette approche nous
permet de réduire les risques sans sacrifier les rendements.
Troisièmement, une meilleure approche factorielle contribue
à une performance supérieure. Les indices factoriels,
communément appelés les indices « smart beta », offrent
une exposition systématique aux primes factorielles grâce à
des mécanismes de pondération différents. Néanmoins, ils
ne sont pas conçus pour récolter les primes factorielles de la
manière la plus efficace, mais ils sont avant tout utilisés pour
leur simplicité et leur attrait. Cela signifie que ces indices
ont leurs écueils. Par exemple, un titre présentant un risque
de défaut supérieur en raison de la dégradation de la santé
financière de l’entreprise est censé offrir des rendements
plus faibles. Même si ce titre était attractif en termes de
valorisation, il afficherait un faible momentum, ce qui
souligne l’attrait d’une approche multi-facteurs. Par ailleurs,
certaines stratégies indicielles enregistrent de fortes rotations,
compte tenu de la contrainte de suivre l’indice, ce qui peut
nuire à la performance en raison de frais de transaction
potentiellement élevés.
Une « troisième voie » entre la gestion
active et la gestion passive
La croissance des indices factoriels, et de tout indice de
marché au demeurant, soulève une question plus large : la
croissance des investissements passifs. Les investisseurs évitent
parfois d’opter pour un investissement factoriel pur car il s’agit
d’une gestion active, et parce que ce type de placement est
sur la sellette depuis la crise financière. De nombreux fonds à
gestion active ont alors sous-performé les indices de référence
ou perdu de l’argent. De nombreux investisseurs ont depuis
choisi d’éliminer les intermédiaires pour suivre directement
l’indice, en utilisant comme guide un tracker ou des ETFs. Il
s’agit d’une solution rentable pour de nombreux investisseurs,
car les honoraires des gérants actifs sont plus élevés que ceux
des gérants passifs, qui ont seulement besoin de suivre et
d’indexer, sans effectuer de recherches.
Le véritable problème de
l’investissement passif est
qu’il comprend aussi bien des
titres peu performants que
les meilleurs, sans possibilité
de filtrer les gagnants et les
perdants.
LODEWIJK RAUWENHOFF
FONDATEUR
“Toutes les stratégies
d’investissement doivent
s’appuyer sur de la recherche.”