Traitement médical de l`ostéoarthrose

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Traitement médical de l’ostéoarthrose L’ostéoarthrose (OA) n’est pas une simple maladie du cartilage hyalin, mais plutôt un syndrome complexe caractérisé par des changements pathologiques de toutes les composantes d’une articulation synoviale ; la capsule articulaire, la membrane synoviale, le cartilage hyalin et l’os sous chondral. Si l’on considère toutes les structures anatomiques impliquées dans l’OA, la complexité des mécanismes de la douleur (sensibilisation périphérique et centrale), ainsi que la multitude de molécules impliquées dans le développement de l’OA (cytokines, enzymes, médiateurs chimiques), il est facile de réaliser qu’aucun traitement unique ne suffit pour bien contrôler les signes cliniques de l’OA. Le traitement de l’OA est donc multimodal. Aucune des étapes suivantes utilisée seule ne permettra des résultats optimaux. Il est préférable d’agir sur plusieurs aspects de la maladie afin d’augmenter notre efficacité de traitement. Voici quelques commentaires par rapport à chacune de ces étapes : 1. Contrôle du poids : L’obésité est identifiée comme un facteur de risque pour le développement ainsi que pour la progression de l’OA. Un excès de poids mène à un stress biomécanique plus élevé sur le cartilage, surtout en présence de problèmes d’alignement (varus, valgus), mais mène aussi à des changements biochimiques métaboliques qui peuvent avoir des conséquences sur des composantes articulaires comme les synoviocytes et les chondrocytes. La perte d’un excès de poids contribue de manière très significative à une amélioration des signes cliniques. 2. Activité physique à faibles impacts : De manière générale, l’activité physique à faible impacts diminue la douleur, améliore la flexibilité, aide à contrôler le poids et permet la nutrition du cartilage (qui se nourrit un peu comme une éponge, en absorbant et se vidant de liquide articulaire). L’activité a un impact direct sur la masse et le tonus musculaire, qui sont des stabilisateurs secondaires très importants des articulations. Il est préférable d’éviter les impacts violents, car ils peuvent favoriser le cycle inflammatoire. La marche, le trot, la natation sont considérés comme des activités à faibles impactes. Par contre les courses intenses, les sauts et les changements de direction rapides devraient être évités le plus possible. 3. Diètes articulaires : Ces diètes sont souvent supplémentées en chondroprotecteurs, en omega 3, en anti-­‐
oxydant et minéraux et ont habituellement un ratio protéines : calories plus élevé. Le contenu en chondroprotecteurs (glucosamine/sulfate de chondroïtine) est par contre insuffisant pour rencontrer les besoins quotidiens. L’effet bénéfique des diètes adaptées à l’OA est en grande partie relié à un équilibre des acides gras composant la diète. Certains acides gras «anti-­‐inflammatoires» sont favorisés (oméga 3, DHA, ETA), pendant que d’autres un peu plus «pro-­‐inflammatoires» (oméga 6) sont réduits. Ces diètes peuvent donc être recommandées dans tous les cas d’OA chronique. 4. Chondroprotecteurs orales (nutraceutiques): Le but des chondroprotecteurs est de ralentir à long terme, et non d’arrêter, la progression de l’OA. Les chondroprotecteurs semblent avoir 3 effets primaires. Ils ont un effet anabolique en augmentant le métabolisme des synoviocytes et des chondrocytes, ils ont un effet anti-­‐catabolique en inhibant certaines enzymes de dégradation du liquide articulaire et de la matrice extra-­‐cellulaire du cartilage, et finalement ils ont un effet anti-­‐thrombotique dans les petites artérioles de certaines composantes articulaires. Produit de la pharmacie humaine ou vétérinaire ? Les arguments principaux pour encourager les produits vétérinaires sont le respect de l’étiquette, la qualité des ingrédients, les études d’efficacité clinique, la glucosamine associée au chlorhydrate et non au sulfat et la palatabilité. Chlorhydrate ou Sulfate ? Les produits vétérinaires sont tous du chlorhydrate comparativement aux produits humains qui sont en très grande majorité du sulfate. L’argument principal pour utiliser le chlorhydrate est que les études cliniques ont été réalisées avec cette molécule et nous ne pouvons pas nous assurer des mêmes résultats avec le sulfate. Bien que certaines études soient contradictoires, il semble finalement y avoir peu de différence cliniquement significative entre les 2 formes quant à leur absorption et distribution. L’administration d’un produite acheté en clinique vétérinaire est donc fortement recommandé. 5. Chondroprotecteur injectable (Cartrophen®): Le Catrophen est composé de pentosans polysulfatés. Le fonctionnement de cette molécule semble globalement similaire à la glucosamine/sulfate de chondroïtine. Des effets anaboliques, anti-­‐cataboliques et anti-­‐thrombotiques sont décrits, avec une amélioration de la vascularisation de l’os sous-­‐chondral. Le Cartrophen aurait potentiellement un effet anti-­‐
inflammatoire léger, mais pouvant être très intéressant pour les animaux ne pouvant recevoir d’anti-­‐inflammatoire non stéroïdiens. Le Cartrophen s’administre à 3 mg/kg SC une fois par semaine pour 4 semaines. Le traitement peut être continué («off-­‐label») par la même dose une fois par mois pour 3 à 6 mois, et finalement une fois par 2 ou 3 mois à vie dans les cas plus sévères. Le Cartrophen peut être combiné aux chondroprotecteurs oraux et est en général recommandé dans tous les cas d’arthrose. 6. Anti-­‐inflammatoires non-­‐stéroïdiens: Les anti-­‐inflammatoires (AINS) sont souvent essentiels pour le traitement initial de la douleur. Dans la plupart des cas d’OA chronique, lorsque la douleur est bien contrôlée, la dose d’AINS peut être graduellement diminuée afin de déterminer la plus petite dose possible qui maintient un niveau de confort adéquat (voir même l’arrêter complètement). Le traitement de l’OA passe encore trop fréquemment aujourd’hui par l’utilisation seule d’AINS. Malgré leurs effets anti-­‐inflammatoire, analgésique et leur rôle dans la sensibilisation périphérique et centrale de la douleur, les AINS ne peuvent pas à eux seuls couvrir toutes les étapes de la douleur (transduction, transmission, modulation et perception). Lorsque la réponse n’est pas satisfaisante, il peut être recommandé d’en essayer un autre car la réponse est parfois très variable d’un individu à l’autre, de même que les effets secondaires. Une biochimie est fortement recommandée avant d’utiliser un AINS et une période de « wash out » de 1 semaine est nécessaire lors d’un changement d’AINS et de 2 semaines lors du passage des corticostéroïdes à un AINS. Il est important de respecter la posologie et de contacter votre vétérinaire si votre animal présente des effets secondaires telle la présence de vomissements, diarrhée, anorexie, léthargie/abattement ou signe d’inconfort abdominal. 7. AMANTADINE, GABAPENTIN OU TRAMADOL : Tout comme le Cartrophen, il ne faut pas hésiter à débuter rapidement l’une de ces molécules en cas d’OA sévère, de douleur très chronique, ou lorsque vous n’êtes pas satisfaits de l’amélioration apportée par votre traitement de base. • Amantadine : L’Amantadine était à l’origine un anti-­‐viral, et a un peu plus tard été utilisé dans la gestion du Parkinson. Cette molécule inhibe ou bloque les récepteurs NMDA, diminuant ainsi l’important processus de sensibilisation centrale de la douleur. Les récepteurs NMDA sont très impliqués dans le phénomène de sensibilisation centrale, qui mène à une amplification des messages de douleur avant qu’ils atteignent le cerveau. La dose utilisée est de 3 à 5 mg/kg SID. • Gabapentin : Le Gabapentin était utilisé à l’origine comme anti-­‐convulsivant. Tout comme l’Amantadine, le Gabapentin inhibe ou bloque les récepteurs NMDA, diminuant ainsi l’important processus de sensibilisation centrale de la douleur. Son utilité semble être maximale lors de douleur neurogénique mais peut aussi être utile en théorie à toute forme de douleur chronique. La dose est de 5 à 10 mg/kg BID. • Tramadol : Le Tramadol est un analogue synthétique de la codéine. Son activité est à 40% sur les récepteursµ, 40% sur l’inhibition de la reprise de noradrénaline, et 20% sur l’inhibition de la reprise de sérotonine. Étant donné son action minoritaire sur les récepteursµ, il est important de comprendre que le Tramadol ne remplace pas les opioïdes, mais qu’il est plutôt un allié/ajout aux opioïdes et/ou AINS pour la gestion de la douleur. Il peut être utilisé autant dans la gestion de la douleur aigue que de la douleur chronique. La dose chez le chien est de 3 à 5 mg/kg BID à TID, et chez le chat de 2 à 4 mg/kg BID. 8. Physiothérapie: La physiothérapie a un rôle grandissant dans la gestion de l’OA. Les 4 principaux buts de la physiothérapie sont : l’augmentation de la masse musculaire, l’amélioration de l’amplitude de mouvement, l’amélioration du flot sanguin et la rééducation neuromusculaire. Dans certains cas, un programme de physiothérapie accélère donc la récupération et permet d’optimiser les résultats. Certains programmes peuvent être fait à la maison par les propriétaires tandis que d’autres se font en centre de physiothérapie. 9. Acuponcture: L’acuponcture pourrait avoir une certaine efficacité dans le contrôle de la douleur chronique chez les chiens souffrants d’OA. La relâche d’endorphines serait un des mécanismes d’actions bien rapportés. Malheureusement, les études de bonne valeur scientifique évaluant l’efficacité des médecines alternatives dans la gestion de l’OA sont relativement rares. Certaines suggèrent un effet positif, d’autres l’absence d’effet ou un effet positif mais de courte durée. Au final, l’acuponcture semblent offrir des résultats variables, mais qui peuvent certainement être positifs et qui méritent d’être considérés sérieusement. 10. Bilan de santé : Il est important de s’assurer que l’animal ne souffre pas d’une autre pathologie pouvant affecter la condition physique générale de l’animal. Effectivement, un problème endocrinien peut rendre la perte de poids difficile, un problème digestif, hépatique ou rénal peut augmenter les risques d’effets secondaires, un problème cardiaque peut affecter le niveau d’énergie d’un animal. Un bilan de santé complet devrait être fait avant le début du traitement médical et de manière régulière en cours de traitement. Ces examens permettront également de faire un bon suivi de l’évolution de l’animal, des effets secondaires, du poids de l’animal et d’ajuster la médication au besoin. Ce document a été réalisé par Dre Élaine Madore, IPSAV, DES, Dipl ACVS Chirurgienne spécialiste au Centre Vétérinaire DMV 
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