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Les premières tentatives d'une psychothérapie fondée sur la psychologie scientifique ont
été réalisées par Mary Jones, en 1924, à l'Université Columbia. Cette psychologue s'est
basée sur des recherches de John Watson, montrant que des phobies peuvent résulter
d'expériences de peur et qu'elles n'impliquent pas nécessairement une explication en termes
de conflits intrapsychiques inconscients. Jones a testé plusieurs méthodes pour traiter des
phobies. Deux lui sont apparues particulièrement efficaces : le « déconditionnement » par
habituation progressive et l'imitation de « modèles ». A titre d'exemple, rappelons comment
Jones a traité Peter, un garçon de trois ans, qui avait très peur des lapins et qui redoutait,
dans une moindre mesure, les rats, les souris et les grenouilles.
L'enfant a été installé sur une chaise haute. Pendant qu'il recevait ses aliments préférés
ou jouait agréablement, un lapin était amené dans une cage grillagée à l'autre bout de la
pièce. Durant les premières séances, Peter a présenté des signes de peur, mais il s'est
habitué petit à petit au stimulus anxiogène. Après quelques jours, la cage a pu être
rapprochée sans déclencher de fortes réactions. Jones a utilisé conjointement le pouvoir
thérapeutique de l'imitation : elle a invité trois garçons de l'âge de Peter, qui n'avaient pas
peur des lapins, à jouer devant lui avec l'animal phobogène.
Le degré de tolérance de Peter a augmenté selon une progression en dents de scie,
lentement mais sûrement. Après une quarantaine de séances, la réaction de peur a disparu au
profit de conduites nouvelles, tout à fait positives : l'enfant a accepté l'animal dans son
parc, a joué avec lui et s'est mis à le caresser affectueusement. Aucun « symptôme de
substitution » n'a été observé dans les semaines qui ont suivi. Au contraire, Jones a
constaté un « effet boule de neige positif » : après que Peter eut appris à rester calme en
présence d'un lapin, sa crainte des rats, des souris et des grenouilles a également disparu,
sans « training » spécifique.
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Il a fallu attendre un quart de siècle pour que se développent de façon cohérente des
psychothérapies dérivées des principes formulés par Watson et Jones. Un des principaux
pionniers est Joseph Wolpe, un psychiatre sud-africain. Durant les années 50, il a réalisé des
expériences avec des chats : il provoquait des réactions de panique et des phobies, puis
testait différents procédés pour les faire disparaître. Sur la base de ses recherches et de la
théorie de l'apprentissage de l'époque, il a publié en 1954 une conception des phobies chez
l'être humain. Selon lui, les phobies sont souvent des réactions conditionnées par des
situations traumatisantes. Son traitement, la « désensibilisation systématique », consiste à
faire apprendre un comportement qui permet de neutraliser l'anxiété (par exemple la
diminution rapide du tonus musculaire) et d'aider la personne à affronter, par étapes, des
situations anxiogènes.
On peut citer Jones et Wolpe comme des pionniers de l'approche comportementale en
psychothérapie. Toutefois, l'étude de l'histoire de ce courant montre que, contrairement aux
autres types de psychothérapie, il n'est pas l'œuvre d'un Père-fondateur. Il est né dans
différents pays (Etats-Unis, Afrique du Sud, Angleterre) à une même époque.
L'expression « behavior therapy » a été employée pour la première fois en 1953, par
Lindsley, Skinner et Solomon, pour désigner l'utilisation de principes de l'apprentissage
opérant avec des patients psychotiques. Arnold Lazarus a employé la même expression en
1958 en parlant de la nécessité d'ajouter, aux techniques psychothérapeutiques alors en
usage, des procédures dérivées de la psychologie expérimentale, en particulier la
désensibilisation systématique de Wolpe. C'est Eysenck qui a été le principal promoteur du
terme « behavior therapy ». En 1959, il a publié un article dans lequel il désigne, par cette
expression, l'utilisation de la théorie moderne de l'apprentissage pour expliquer et traiter des