MEU – Une plateforme web et cartographique pour le management et la planification énergétique de zones urbaines Massimiliano Capezzali 1, Gaëtan Cherix 2, 1 Energy Center, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), 1015 Lausanne (VD), Suisse 2 Centre de Recherches Energétiques et Municipales (CREM), 1920 Martigny (VS), Suisse Résumé Cet article présente les résultats du projet MEU (http://meu.epfl.ch), une nouvelle application web et orientée GIS pour le management et la planification énergétique des zones urbaines. Le projet a été réalisé en collaboration étroite avec quatre villes partenaires en Suisse Romande et avec les entreprises multi-énergies locales, dans une approche bottom-up. La méthodologie développée implique la mise sur pied d’une base de données géo-référencée qui structure toute l’information disponible au sujet de la demande et de l’approvisionnement énergétique d’une ville. Des solveurs permettent ensuite de construire et d’évaluer des scénarios futurs, basés sur l’état des lieux à une année donnée. Les services web fournis par le biais d’ArcGIS Server sont utilisables en termes d’import de données, de calculs et de visualisation. La présentation des résultats sur base cartographique - utilisant les fonctionnalités GIS – facilite la communication avec tous les acteurs du territoire. L’outil fournit une série d’indicateurs constituant une base solide pour guider la politique énergétique et d’investissements. Un projet complémentaire se concentrant sur l’analyse des flux énergétiques sur un territoire beaucoup plus large, comme un canton, est aussi présenté. Contexte et objectifs L’énergie au niveau urbain s’est complexifiée ces 20 dernières années, notamment à cause : de la pénétration sur le marché de nouvelles technologies qui sont en compétition avec les systèmes basés sur les énergies fossiles; de l’évolution des systèmes énergétiques en clé multi-fluide et multi-services; du rôle accru des villes – au niveau mondial – en termes de politique énergétique et d’objectifs dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Ainsi, les villes et les entreprises énergétiques locales ont besoin d’outils sophistiqués, de manière à pouvoir, d’une part, gérer les infrastructures énergétiques existantes et, d’autre part, développer des stratégies de planification couvrant tant la demande que l’approvisionnement énergétique. Toutefois, ces outils, en plus d’être en mesure de traduire la complexité énergétique de zones urbaines, devraient aussi permettre une meilleure communication avec les décideurs et le public. L’utilisation d’une technologie GIS représente donc un élément essentiel quant à cette exigence. Le projet MEU a comme objectif de développer et de tester un outil web qui réponde précisément aux besoins des planificateurs de systèmes énergétiques urbains. Ce projet a permis de mettre ensemble des partenaires académiques, ainsi que quatre villes Suisses – à savoir, La Chaux-deFonds, Lausanne, Martigny and Neuchâtel – et des entreprises multi-énergies – à savoir, Viteos SA, Sinergy SA et Services Industriels de Lausanne. L’outil propose les caractéristiques suivantes : • interface cartographique GIS comme environnement de travail principal; Page 1 • plateforme web basée, notamment, sur des services fournis par le biais d’ArcGIS Server; • évaluation quantitative d’une série d’indicateurs énergétiques et environnementaux pour une zone urbaine, tant au niveau des bâtiments (demande) que de l’approvisionnement; • accès direct à la planification de zones urbaines, par le biais de la création, puis de l’évaluation quantitative de scénarios construits directement par l’utilisateur, sur la base de modifications directes réalisées sur l’état des lieux énergétique d’une année arbitraire; • monitoring continu et sur base annuelle des flux énergétiques, des consommations, ainsi que des actions énergétiques entreprises, par le biais d’une base de données temporelle. Un premier prototype de la plateforme MEU se trouve présentement dans une phase intesive de tests, basés sur des cas concrets définis avec les villes-partenaires. Un effort de consolidation de l’architecture informatique est également entrepris, afin d’améliorer la robustesse de l’outil. Architecture informatique de la plateforme MEU L’architecture basée sur ArcGIS Server et un certain nombre de services web permet l’inclusion de modules additionnels sur la plateforme MEU. La base de données géo-référencée a été codée en postGRESQL; elle contient les informations détaillées et structurées sur les bâtiments et les systèmes énergétiques les alimentant. Elle possède un large potentiel en termes de requêtes et de calcul d’indicateurs, qui vont au-delà de ce qui est présentement implémenté sur la plateforme. Figure 1 – Architecture de développement de la plateforme MEU La plateforme a été développée selon une architecture WSOA (Web Service Oriented Architecture), voir Figure 1, et est basée sur quatre blocs distincts et communicants, c’est-à-dire : la base de données géoréférencée et structurée; Page 2 deux solveurs (CitySIM et E-tech, développés à l’EPFL); l’interface-utilisateur (web); le webservice MEU, entièrement dédié à l’“orchestration” des différents services (requêtes sur la base de données, gestion des appels aux solveurs, traitement des résultats, etc.). Fonctionnalités principales et interface de la plateforme La plateforme MEU et ses fonctionnalités ont été construites dans le cadre d’une approche bottomup, c’est-à-dire en se basant sur les requêtes et les besoins concrets des villes-partenaires et des entreprises multi-énergies. La plateforme est construite autour des éléments-base suivants. Bâtiments Les bâtiments représentent l’élément central de la plateforme, puisque c’est à travers de chacun des bâtiments que la demande et les systèmes d’approvisionnement énergétiques sont définis, à l’exception des énergies de réseau. En cliquant sur un bâtiment, ce dernier devient surligné en jaune. L’utilisateur a ensuite accès à une liste exhaustive de données physiques et structurelles quant à ce bâtiment, avec possibilité de modifier les champs, voir Figure 2. La période de validité de ces données quant au bâtiment sélectionné sont données, ainsi que l’adresse exacte. Figure 2 – Visualisation des données structurelles d’un bâtiment sélectionné Page 3 Les fonctionnalités principales de la plateforme MEU sont accédées ou visibles par le biais des empreintes des bâtiments (fenêtres pop-up avec données, visualisation des indicateurs, etc.). Technologies de conversion énergétique Dans chaque bâtiment, n≥1 technologies de conversion énergétiques sont présentes, afin de couvrir partiellement ou complètement m≥1 parmi les 4 services énergétiques de base, à savoir le chauffage, l’eau chaude sanitaire, la climatisation et les services électriques. La plateforme offre une palette complète de technologies – voir Figure 3 -, allant des chaudières à différents types de pompes à chaleur, pouvant être caractérisées de manière détaillée. La distribution entre services énergétiques peut être introduites manuellement ou se baser sur une simulation numérique du bâtiment. En plus, tant des technologies centralisées que décentralisées peuvent être prises en compte, en utilisant le géo-référencement des systèmes énergétiques, par le biais de leur localisation dans un bâtiment. Figure 3 – Liste des technologies dans un bâtiment et distribution des services énergétiques Consommations Pour autant qu’elles soient disponibles, les consommations annuelles mesurées pour chacune des technologies énergétiques sont introduites sur la plateforme (Figure 4). Cet aspect est relativement aisé en ce qui concerne les énergies de réseau – comme le gaz naturel par exemple. Toutefois, obtenir des consommations pour des vecteurs comme le mazout ou le bois est plus compliqué. Ainsi, si les consommations mesurées ne sont pas disponibles, la plateforme utilise les résultats des Page 4 simulations CitySIM, qui permet d’estimer la demande énergétique d’un bâtiment en prenant en compte, notamment, les données structurelles, ainsi que l’influence de l’horizon proche et lointain. Figure 4 – Consommations des technologies présentes dans un bâtiment sélectionné Réseaux énergétiques Les réseaux énergétiques géo-référencés – chauffage à distance, électricité, gaz naturel à basse et haute pression – peuvent être ajoutés en tant que couches visualisables sur la plateforme. Cela permet d’obtenir une vision cartographique des connections présentes, ainsi que du poteniel pour de futures extensions. Des activités de recherche sont d’ores et déjà prévues afin d’exploiter la nature GIS des réseaux, notamment pour effectuer du pré-dimensionnement et des calculs géométriques. Pour les technologies de conversion énergétique qui sont alimentées par un réseau, ce dernier peut être caractérisé en termes de distribution d’énergies primaires et d’impact CO2 y relatif, par le biais de la définition de contrats (liés aux réseaux). Cette définition détaillée permet de prendre en compte, par exemple, des contrats spécifiques d’électricité d’origine renouvelable ou, encore, des efforts d’amélioration de l’efficacité énergétique globale des réseaux de chauffage à distance. Ligne du temps Une ligne du temps est disponible et permet de visualiser toutes les données visibles dans une fenêtre active à différentes années (si disponibles), ainsi que les empreintes des bâtiments sur la carte. En effet, la granularité choisie pour la présente version de la plateforme est annuelle. Page 5 Metadonnées Toutes les données introduites sur la plateforme sont caractérisées par un ensemble de métadonnées. Ces dernières permettent de préciser la qualité des données afin d’informer l’utilisateur, notamment, s’il s’agit de quantités effectivement mesurées sur le terrain ou ont été introduites par défaut ou, encore, si elles sont le résultat d’une simulation (CitySIM par exemple). Les métadonnées donnent aussi accès aux personnes qui ont introduit et/ou modifié les données – et des commentaires -, en assurant ainsi une traçabilité fort intéressante en termes contrôle des processus. Etat des lieux énergétique d’une zone urbaine En se basant sur les données introduites au niveau des bâtiments, de leurs systèmes énergétiques et de leurs approvisionnements respectifs, la plateforme permet d’obtenir une vision très détaillée de l’état des lieux énergétique d’une zone urbaine – c’est-à-dire jusqu’à plusieurs centaines de bâtiments - pour une ou plusieurs années (accessibles par la ligne du temps), si les données en question sont disponibles. En particulier, une ensemble d’indicateurs énergétiques et environnementaux sont calculés et visualisables directement sur la représentation cartographique de la zone urbaine, au travers d’une symbologie appropriée ou dans des tables aggrégées (Figure 5). Figure 5 – Display de l’état des lieux énergétique d’une zone urbaine et des indicateurs Scénarios L’élément central de la plateforme MEU est constitué par la possibilité de modifier un ou plusieurs éléments caractérisant l’état des lieux énergétique d’une zone urbaine (correspondant à une année choisie) et de définir un dénommé scénario. L’outil recalcule ensuite tous les indicateurs résultant de telles modifications; ces derniers sont visualisables exactement de la même manière que dans le mode “Etat des lieux”. Les scénarios servent à traduire concrètement, au niveau des bâtiments sur la plateforme, des plans de développement urbain choisis par les villes ou les entreprises multiénergies, afin d’évaluer quantitativement leur impact en termes énergétiques et environnementaux. Les scénarios peuvent être enregistrés et modifiés par l’utilisateur au travers d’une bibliothèque spécifique, qui présente clairement les propriétés des scénarios, notamment les états des lieux à Page 6 partir desquels ils ont été calculés (voir Figure 6). Une séparation visuelle claire entre le mode “Scénarios” et “Etat des lieux” a été implémentée, afin d’éviter toute confusion possible. Figure 6 – Ouverture d’un scénario existant, avec les informations sur ses propriétés Il s’agit de souligner que l’environnement cartographique est bien adapté afin d’obtenir une vision globale d’une zone urbaine, par le biais de la visualisation des indicateurs pertinents, ainsi que d’une symbologie appropriée et claire. De même, ce choix permet une construction relativement aisée de scénarios énergétiques futurs, avec un accès direct aux bâtiments et réseaux énergétiques. Monitoring des flux énergétiques au niveau cantonal En parallèle au projet MEU, l’Energy Center de l’EPFL entreprend également le développement d’une autre plateforme web qui servira à visualiser et à quantifier de manière interactive toute la chaîne énergétique, soit des énergies primaires aux secteurs finaux d’utilisation, au niveau d’un canton entier (ou d’un territoire). Par conséquent, le projet élargit considérablement l’échelle de travail propre à MEU – de l’échelle de la zone urbaine à toute entité territoriale subnationale – de manière à créer un outil complémentaire pour l’aide à la décision et pour le monitoring dans le temps. La plateforme centralisera, à cet effet, toute l’information pertinente sur les sources énergétiques, les unités de conversion/transformation et les utilisations finales. Ainsi, cet outil donnera accès à une vue d’ensemble globale ou détaillée tant de l’approvisionnement que de la demande énergétique au niveau d’un canton/territoire donné. L’objectif final de ce projet en cours est celui de pouvoir mettre à disposition les mêmes informations qui existent au niveau national sur la chaîne énergétique, mais pour un canton, tout en permettant des requêtes plus ciblées. Ainsi, cet outil innovant permettra d’établir des bilans tant au niveau primaire, que des unités de conversion et des secteurs d’utilisation, également dans une approche géo-référencée, ce qui donnera accès à des analyses par sous-entité géographique, comme un district ou une municipalité. Les données insérées dans la base seront mises à jour automatiquement et le géo-référencement donnera accès, à terme, à une visualisation directe dans un environnement cartographique. Enfin, ce futur outil, qu’il est prévu de rendre opérationnel dans le courant de l’année 2013, offrira la possibilité de caractériser et de visualiser des entités relativement complexes du point de vue énergétique, à l’instar des usines de traitement des eaux usées ou des centrales à co-génération. Page 7 Conclusions Par le biais d’une approche bottom-up avec quatre villes Suisses et les entreprises multi-énergies locales, une collaboration directe et fructueuse entre le monde académique et des entités territoriales a été établie. Les résultats suivants sont à souligner : un prototype de logiciel d’aide à la décision dans le domaine de la planification énergétique urbaine a été développé et se trouve actuellement en phase de tests extensifs, de consolidation et de réalisation d’un certain nombre de fonctionnalités supplémentaires; la plateforme informatique MEU se propose de répondre aux besoins des villes au travers d’une approche web cartographique interactive et la mise en place d’une structure de données apte à traduire la complexité énergétiques d’une zone urbaine décrite de manière détaillée. La force de ce projet consiste à permettre à des villes – notamment de taille moyenne - et à des entreprises multi-énergies de ne pas devoir sous-traiter l’élaboration et l’évaluation de projets énergétiques de construction ou d’assainissement de quartiers à des entités extérieures. La plateforme MEU leur permet de réaliser ce travail d’analyse stratégique par elles-mêmes, au niveau des avant-projets mais aussi par le biais du monitoring. Le logiciel leur donne l’opportunité de construire, puis de comparer des scénarios qui touchent tant la demande que l’approvisionnement énergétiques, sur la base d’un état des lieux détaillé, structuré et mis à jour de portions importantes de leur territoire. De même, de nouveaux cadres réglementaires peuvent être étudiés de manière détaillée et leur implémentation suivie dans le temps. Dans le cadre d’une approche plus large et parfaitement complémentaire, un nouveau projet a été lancé par l’Energy Center de l’EPFL avec comme but celui de pouvoir visualiser l’entièreté de la chaîne énergétique au niveau d’un canton (ou de toute autre entité subnationale). Le logiciel en cours de préparation se basera également sur une plateforme web orientée GIS, qui représentera un outil unique pour la quantification et la comparaison des sources énergétiques, des entités de conversion et des secteurs d’utilisation finaux. Remerciements Les travaux de recherche présentés dans cet article ont été financés par l’Office Fédéral de l’Energie (OFEN), le Fonds de Recherche de Développement et de Promotion de l’Industrie Gazière suisse (FOGA), les villes de La Chaux-de-Fonds, Lausanne, Martigny and Neuchâtel, ainsi que les Cantons Vaud et Valais. Les travaux de recherche ont été réalisés en collaboration avec deux laboratoires de l’EPFL, à savoir le Laboratoire d’Énergétique Industrielle (LENI), le Laboratoire d’Energie Solaire et de Physique du Bâtiment (LESO-PB), le Centre de Recherches Énergétiques et Municipales de Martigny (CREM) et la Haute Ecole Spécialisée du Canton du Valais (HES-SO Valais). Le soutien et l’implication directe des entreprises multi-énergies Viteos SA, Sinergy SA et Services Industriels de Lausanne ont été déterminants. Les auteurs sont également reconnaissants à l’entreprise de software GIS ESRI (ESRI Suisse SA) pour la collaboration et l’utilisation du logiciel ArcGIS Server. Liens internet et contacts Des informations complémentaires quant aux deux projets MEU et SPEEC peuvent être obtenues aux adresses URL suivantes : http://meu.epfl.ch http://speec.epfl.ch Adresses-mail des auteurs : [email protected] [email protected] Page 8