Que faire devant une crise d’épilepsie? Docteur Luc Valton, Professeur Gilles Géraud, Service de Neurologie et d’Explorations du Système Nerveux, Hôpital Rangueil, CHU Toulouse. [email protected] La survenue d’une crise d’épilepsie est une urgence neurologique fréquente qui justifie une prise en charge immédiate, qui peut se résumer en 4 points : Etablir le diagnostic, rechercher la cause de la crise, protéger la personne des conséquences immédiate de la crise, évaluer la nécessité de débuter un traitement préventif de la récidive. Le diagnostic de crise d’épilepsie doit être évoqué devant la survenue brutale et inopinée d’un évènement clinique bref dont les différentes séquences s’enchaînent selon une progression logique et se reproduisent de façon stéréotypée d’un épisode à l’autre chez un même patient. Il repose sur la description faite par le patient quand la conscience est préservée, ou par les témoins dans le cas contraire. Il est évoqué dans 5 circonstances principales : Une crise convulsive, une perte de connaissance ou un malaise bref, une « absence », un trouble neurologique bref stéréotypé, ou une confusion aiguë. Une crise généralisée convulsive est diagnostiquée devant la succession d’une phase tonique prolongée avec cri et chute, d’une phase convulsive prolongée et d’une phase résolutive avec stertor et obnubilation ; on recherchera des signes post critiques évocateurs : morsure du bord latéral de la langue, confusion de récupération progressive. Le diagnostic est plus difficile à établir en cas de malaise ou de perte de connaissance brève ; il reposera sur une enquête clinique détaillée auprès des témoins recherchant d’une part des arguments pour un malaise d’autre origine, en particuliers vasculaire, d’autre part des symptômes associés s’enchaînant selon une séquence évocatrice. La survenue d’une rupture du contact isolée peut orienter vers une absence ou une crise partielle complexe en fonction de la situation clinique (âge, antécédents…). Devant un trouble neurologique bref stéréotypé, ou une confusion aiguë le diagnostic repose sur une analyse précise de la symptomatologie, en particuliers de la chronologie d’installation des différents symptômes. Diagnostic différentiel Les causes les plus fréquentes sont hémodynamiques (lipothymies, syncopes), et comportementales (crise pseudo-épileptique, attaque de panique et simulation) ; plus rarement on retrouve une cataplexie, un endormissement paroxystique, une hypoglycémie, des troubles vestibulaires ou végétatifs. Devant un déficit neurologique bref on évoquera un accident ischémique transitoire, plus rarement une aura migraineuse, un ictus amnésique, un trouble neurovégétatif, un vertige. Au cours du sommeil il peut s’agir de parasomnie, de terreur nocturne, d’un trouble confusionnel ou comportemental iatrogène (prise de benzodiazépine à demi vie courte). En cas de confusion, il y a de nombreux diagnostics différentiels, d’autant plus que le sujet est âgé, polymédicamenté, ou en situation de précarité : Troubles métaboliques, intoxication (CO, alcool), médicamenteux, psychiatriques, infectieux, neurologiques (AVC, pathologie dégénérative,…). Chez l’enfant les erreurs les plus fréquentes sont les spasmes du sanglot, les vertiges paroxystiques, les migraines, les clonies d’endormissement, le reflux gastro-oesophagien. Rechercher la cause Le bilan recherchera des circonstances favorisantes, une cause générale (métabolique, toxique, infection), des arguments en faveur d’une lésion cérébrale soit actuelle (hémorragie, tumeur, encéphalite, abcès, AVC, démence…) ou séquellaire, et une prédisposition familiale. La réalisation d’un bilan biologique peut répondre à 3 objectifs : montrer des arguments indirects en faveur d’une crise convulsive (hyperleucocytose modérée par démargination, élévation des enzymes musculaires), aider au diagnostic étiologique (hyponatrémie, deshydratation extracellulaire, hypocalcémie, hypoglycémie, imprégnation alcoolique, signes en faveur d’un alcoolisme chronique, intoxication médicamenteuse, syndrome infectieux…), rechercher des troubles devant être pris en compte pour le choix et le suivi du traitement. Chez un patient traité qui récidive, le dosage sérique des antiépileptiques qu’il prend, permet de rechercher un sevrage ou une intoxication. Tous les antiépileptiques ne sont pas dosables. L’électroencéphalogramme réalisé précocement, et renouvelé si nécessaire, montre des anomalies dans 50% des cas. C’est un argument pour le diagnostic d’épilepsie. Normal il n’exclut pas le diagnostic. La répartition des paroxysmes peut orienter vers un syndrome épileptique. Il a une valeur pronostique : La persistance des paroxysmes augmente le risque de récidive de crise. Il permet le diagnostic d’état de mal non convulsivant et est indispensable à la prise en charge immédiate de tout état de mal. Une imagerie cérébrale est réalisée en urgence un présence de signes d’agression cérébrale aiguë, et pour rechercher une lésion évolutive ou ancienne. Un complément d’exploration différé permet de préciser le bilan étiologique, toujours associé à un avis spécialisé. L’IRM est souvent l’examen le plus rentable. Prise en charge immédiate Tenter d’arrêter le déroulement de la crise par des manoeuvres de contention est inutile. Mettre un objet entre les arcades dentaires est inutile et dangereux pour le patient (traumatisme dentaire, vomissements) et pour l’intervenant (morsure). Il faut protéger la personne des blessures secondaires à la chute, aux convulsions, à la confusion, et la mettre en position latérale de sécurité pendant la phase de coma post-critique pour maintenir libre les voies aériennes supérieures et éviter une inhalation. On recherche des signes de gravité à corriger en urgence (hypoglycémie, hypertension artérielle maligne, trouble du rythme cardiaque…). Il faut surveiller le patient jusque au retour à un état clinique normal, observer et noter la sémiologie clinique. L’injection de benzodiazépine d’action rapide (RivotrilR ou ValiumR) est inutile sauf en cas de crise prolongée ou de récidive, cas particuliers qui font craindre l’évolution vers un état de mal et justifient à ce titre une prise en charge SAMU. L’hospitalisation est nécessaire en cas de « crise accompagnée » : Présence d’au moins un des critères suivants : Récidive précoce, état de mal convulsif, modification de la sémiologie de la crise, déficit post-critique, confusion mentale anormalement prolongée, fièvre supérieure à 38°C, alcoolisation, intoxication, sevrage, trouble métabolique, traumatisme crânien, maladie générale, grossesse, âge supérieur à 60 ans, situation de précarité. L’introduction d’un traitement antiépileptique de fond est une question délicate qui justifie un avis spécialisé : Il faut évaluer les bénéfices et les risques encourus, les expliquer clairement au patient pour obtenir son adhésion. La démarche peut être schématisée, en recherchant les réponses aux questions suivantes : La nature épileptique des crises est -elle certaine ? Existe-t-il des facteurs favorisants les crises (sevrage alcoolique ou en médicament antiépileptique, troubles du sommeil, intoxication éthylique aiguë, usage de drogues) ? Quel est le risque de récidive des crises ? Les facteurs de risque de récidive principaux, sont les antécédents de crises antérieures, la présence d’anomalies paroxystiques épileptiques sur l’EEG, l’existence d’une lésion cérébrale. Quel est le risque de complications liées aux crises ? Quels sont les risques associés à la prise du traitement ? Les conditions sont elles remplies pour que le traitement soit bien pris ? Conclusions Les réflexes : Faire le diagnostic sur des arguments cliniques précis. La crise d’épilepsie est un symptôme dont il faut rechercher la cause. Prendre rapidement un avis spécialisé est utile pour identifier l’étiologie, évaluer le risque de récidive, décider de la mise en route d’un traitement antiépileptique. Les pièges : Les erreurs diagnostiques sont fréquentes conduisant à des prises en charges inadaptées. Chez le sujet âgé, on ne méconnaîtra pas un état de mal non convulsivant parmi les causes nombreuses de confusion. Un EEG anormal ne signifie pas forcément que la crise est épileptique. Références : P. Thomas & A Arzimanoglou. Epilepsies 3e édition. Abrégé Masson. L Valton & G Géraud. Quand débuter et arrêter un traitement antiépileptique ? La Revue du Praticien Médecine Générale.2002 (16). 593 : 1714- 9.