2.2.1 La référence au passé en français
Les cinq temps verbaux majoritairement présents dans le corpus de contrôle francophone sont le passé
composé, l’imparfait, le passé simple, le présent historique et le plus-que-parfait qui, même s’ils
expriment tous l’antériorité du TSit par rapport au MP, se distinguent l’un de l’autre par leurs valeurs
temporelle (la relation entre le TSit et le MP) et aspectuelle (la relation entre le TSit et le TRé). En outre,
le type de discours et la mise en relief du récit (l’avant-plan vs l’arrière-plan) constituent deux paramètres
importants pour la description des temps verbaux en français.
Weinrich (1973) et Labelle (1987) ont mis en relief la position ambiguë du passé composé (désormais
PC) : en tant que temps composé, il marque un aspect résultatif (TRé > TSit) mais il garde un lien avec le
présent. Son sens « prototypique » est celui de parfait : il indique que le TSit est antérieur par rapport au
TRé, qui correspond au MP. Ainsi, il décrit la situation résultant du procès 5 mais il admet également un
sens dérivé, celui d’aoriste, qui exprime un TRé antérieur au MP. Imbs (1960) observe que dans ce cas, il
est accompagné obligatoirement d’une expression temporelle 6.
5. Jean-Baptiste a guéri.
6. Fiorine s’est endormie (TSit) à huit heures du soir (= TRé).
Quant à l’imparfait (désormais IMP), il sert avant tout à exprimer l’aspect imperfectif : le locuteur ne
prend pas en considération l’intervalle entier qui correspond au TSit mais se limite à constater ce qui se
passe au moment pris comme repère, le TRé, excluant ainsi le début ou la fin de l’intervalle. L’IMP situe
le TRé, qui est inclus dans le TSit, avant le MP. Il fonctionne comme un temps coréférentiel de l’arrière-
plan qui décrit des actions simultanées aux événements narratifs. Cependant, d’après Hopper (1979), le
sens premier de l’IMP ne serait pas de donner des renseignements d’arrière-plan : c’est parce qu’il aurait
un sens descriptif qu’il serait capable de fournir des informations d’arrière-plan.
Le passé simple (désormais PS) se distingue de l’IMP par sa valeur aspectuelle perfective (TSit ε TRé).
De même que le PC, il présente le procès exprimé par le verbe comme un tout inanalysable. Il représente
le temps du récit et il permet de se distancier complètement du MP (Delatour et alii 1991). Ce temps
verbal n’exprime jamais l’aspect parfait, comme le fait le PC6. Ceci explique son absence dans la langue
parlée et son emploi fréquent à la troisième personne. Sa fonction de base est de nature aoriste. Il situe le
procès au passé, et plus précisément au passé lointain, et donne au locuteur l’occasion de présenter les
actions multiples comme successives. Le PS sert donc à indiquer l’avant-plan de la narration, comme le
permet également l’emploi du présent historique.
Judge (2002 : 138) décrit le présent historique de manière suivante :
« Pour certains, c’est un présent fictif qui décrit les événements comme s’ils se
déroulaient devant les yeux de celui qui écrit, pour d’autres, il est devenu un temps
‘passe-partout’, une forme neutre dont la valeur dépend uniquement du contexte. »
Le critère de l’alternance possible avec un autre temps au passé permettrait de distinguer le présent
historique à l’intérieur du récit d’un présent atemporel ou d’un présent « par défaut ».
Enfin, la valeur de base du plus-que-parfait (désormais PQP) est celle d’antériorité : il situe le TRé après
le TSit (TRé > TSit), ce qui lui permet d’exprimer un aspect résultatif, comme le PC aux fonctions parfait
et aoriste.
2.2.2 La référence au passé en néerlandais
En néerlandais, l’imperfectum est le temps du récit qui permet de faire avancer l’histoire. Il traduit aussi
bien l’avant-plan que l’arrière-plan et peut exprimer à la fois un aspect perfectif et un aspect imperfectif.
L’imparfait en français, par contre, n’intervient pas pour faire avancer l’histoire dans le temps. En tant
que temps coréférentiel, il occupe une fonction essentiellement descriptive dans le récit. Il ajoute des
informations complémentaires qui se déroulent simultanément par rapport à l’action principale, exprimée
par le passé simple, le passé composé ou le présent historique.
SHS Web of Conferences 8 (2014)
DOI 10.1051/shsconf/20140801373
© aux auteurs, publié par EDP Sciences, 2014
Congrès Mondial de Linguistique Française – CMLF 2014
SHS Web of Conferences
Article en accès libre placé sous licence Creative Commons Attribution 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0) 1036