Phaseolus lunatus, le haricot de Lima

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Ethnobotanique et Interactions Bioculturelles
ECUE Interactions Bioculturelles - Doyle Mc Key
Phaseolus lunatus,
le haricot de Lima
Clochey Louise
M1 EPSED
Février 2014
INTRODUCTION
Phaseolus lunatus appartient à la famille des Fabaceae, une des plus importantes du monde végétal.
Caractérisée par la présence de nombreuses espèces ayant une association symbiotique avec des
fixateurs d’azote atmosphérique, cette famille et plus particulièrement la sous famille des Faboideae ,à
laquelle appartient de genre Phaseolus, s’est diversifiée dans de nombreux types d’habitats et a une
importance agronomique essentielle. Ils sont considérés, comme étant une des légumineuses les plus
utilisées pour l’alimentation directe humaine. Parmi les espèces de ce genre, notre fameux haricot de
Lima est une culture importante et adoptée dans des régions du monde. Quelles est donc l’histoire
biologique et culturelle de cette espèce ? Qu’est ce qui fait d’elle une plante a grand intérêt agronomique
et quelles sont ses caractéristiques écologiques ? Sur le plan environnemental et social, quelle est sa
place dans le monde actuel et quel est son avenir face aux changements globaux ?
LA FABULEUSE HISTOIRE DU HARICOT DE LIMA
Sur l'ensemble des plantes du genre Phaseolus, seulement deux, dont Phaseolus lunatus, le haricot
lima, ont gagné en importance et ont été adoptées dans des régions du monde en dehors de leur
continent d'origine. Elles présentent une particularité remarquable, on leur confère au moins deux
centres de domestication: l'Amérique centrale (Mexique, Guatemala) et en Amérique du Sud
(essentiellement Pérou). Les découvertes de sites archéologiques suggèrent une domestication
contemporaine de celle du haricot commun, datées de 7000 à 10000 ans BP. D'autres sources (B. D.
Smith (l996), Kaplan & Lynch (l999)) affirment même qu'elle serait plus récente: 5,600-3500 BP au Pérou
et 2 400-2 200 BP en Amérique centrale. L'hypothèse d'une domestication bimodale a été récemment
validée par la communauté scientifique grâce à une distinction pour ces deux centres de caractères
morphologiques, écologiques, protéiniques et moléculaires. Les formes sauvage et domestique sont
morphologiquement différentes: en Amérique centrale on observe des gousses à petites graines alors
qu'elles sont à grosses graines en Amérique du Sud. Les preuves génétiques sont également à l'appui,
l'obtention de descendants infertiles à l'issue de croisement entre des plantes originaires des deux
régions montre que celles-ci possèdent un important degré de différenciation génétique.
De plus, les types de phaséoline, séparés par électrophorèse, issues des graines des variétés cultivées
originaires de l'Amérique centrale sont du même type que celles retrouvées dans les formes sauvages de
cette région et différentes de celles des types caractéristiques de plantes de l’Amérique du Sud. Cela
permet aussi de justifier un regroupement des formes sauvages et cultivées comme deux variétés de la
même espèce. Par ailleurs, les populations sauvages d'Amérique du sud ont une répartition
géographique très restreinte (Pérou et Equateur) à l'inverse des types d'Amérique centrale (du Mexique
à l'Argentine). Ce phénomène est en lien avec « the Geographical Axis Argument » enoncé par Diamond,
qu’il explique par l’amplitude de latitude sur laquelle se trouve l’Amérique, qui se retrouve donc soumise
à de nombreux climats différents et donc à différents types de végétations.
Suite à cette domestication, le haricot de Lima s'est ensuite répandu sur la totalité du continent
américain. Lors de la conquête espagnole, le haricot commun était avec le maïs l'aliment de base des
amérindiens Le nom qui a été attribué reflété le fait qu'il ait été décrit pour la première fois par les
conquistadores dans la région de la future capitale du Pérou. Puis, les voyages des colons espagnols dès
le XVème siècle ont entrainé l'introduction des graines aux Philippines et leur diffusion dans d'autres
régions d'Asie ainsi qu'à l'île Maurice. Le commerce des esclaves amena même le haricot de Lima du
Brésil vers l’Afrique (ouest est centre). Certains types à grosses graines originaires de la côte péruvienne
se sont diffusés au sud-ouest de Madagascar et au sud de la Californie.
Les processus de sélection et ces flux intercontinentaux à travers les siècles sont à l'origine de la
distinction de plusieurs types de haricots de Lima, classés en fonction de la taille et de la forme de leur
graine. La plus grande diversité génétique provient des centres primaires de diversité (Amérique latine)
et secondaire (Afrique de l'Ouest (Nigéria Ghana Madagascar), Inde, Philippines). Les variétés
sélectionnées ont remplacé la plupart des variétés traditionnelles qui était cultivée déjà avant l'arrivée
de Christophe Colomb (environ 150). Les types sauvages représentent seulement 3 à 5 % de cette
diversité, et deux groupes prédominent parmi les types cultivés : le groupe Sieva et le groupe Potato.
Relativement très similaires, ces différents types sont cultivés pour les mêmes usages et présentent des
caractéristiques agro écologiques identiques, à quelques variations près.
LES CARACTERISTIQUES ECOLOGIQUES ET L’INTERET AGRONOMIQUE
Le haricot de Lima est une plante herbacée annuelle ou vivace, pouvant atteindre 2 mètres pour les
variétés cultivées traditionnelles. Ses feuilles sont alternes, ses racines sont profondes et largement
développées (jusqu’à 2 mètres de profondeur. Chez le haricot de Lima on distingue 2 types de ports : le
port déterminé (grimpant) et le pseudo-déterminé (buissonnant). Le cycle de reproduction est plus
court pour le second (90 jours pour les précoces) que pour le premier (jusqu'à 6-9 mois) qui est
cependant plus productif. La reproduction, elle se fait de manière sexuée grâce à
des fleurs
papilionacées bisexuées parfois colorées, à inflorescence en grappe axillaire ou panicule. Une gousse
contenant entre 2 et 4 graines relativement aplaties est formée suite à la fécondation, autogame ou
allogame entomochore.
Sur le plan agronomique, le haricot de Lima se cultive en climats tropicaux humides et subhumides de
basse altitude dans les régions chaudes tempérées ou arides et semi-arides. Il tolère une grande
variation altitudinale (0-2000 mètres), mais craint le gel. Son développement est optimal en sol bien aéré
et drainé, de Ph neutre. Un sol peu fertile, pauvre en matière organique, n’est pas un problème puisqu'il
peut fixer l'azote par symbiose avec des bactéries Bradyrhizobium. Son système racinaire lui permet en
général de résister à la sécheresse (500-600 mm par an suffisent une fois la culture établie) Il possède
ainsi une large gamme de conditions écologiques auquel il s'adapte grâce à une importante diversité
phénotypique.
Il reste limité par d'importantes maladies en régions tropicales : fongiques (la maladie du pied du
haricot, le mildiou etc.) et virales (Virus de la mosaïque dorée du haricot de Lima, Virus de la marbrure
verte du haricot de Lima). Les nématodes, ainsi que certains ravageurs (Coccinelle mexicaine du haricot
le thrips des fleurs, le foreur de gousses, la bruche, etc.) peuvent faire chuter considérablement le
rendement de cette culture.
Depuis le 20ème siècle des programmes d'amélioration génétique de P. lunatus ont pour objectif
d'augmenter le rendement agricole de ce dernier. Ils tendent faire augmenter sa production de base
(réduire son cycle de croissance, avoir un type de croissance arbustif, augmenter le nombre de fruits par
plantes et de graines par gousse tout en améliorant leur qualité nutritionnelle), et à le rendre résistant
aux conditions environnementales limitantes (photopériode, etc.), aux ravageurs et aux maladies
bactériennes et fongiques. Entre autres, l'introgression de gènes utiles des taxons sauvages (croisement
interspécifique) sont fortement utilisées. Nombreux de ces programmes ont pour objectif d'obtenir des
cultivars adaptés à la monoculture et à l'agriculture intensive (mécanisation, etc.). Ils ont cependant
conduit à un succès dans les pays à climat tempérée (Etats-Unis) mais les résultats sont nettement
moindres dans les pays tropicaux (Afrique en particulier). Sous les tropiques, les rendements en graines
sèches de haricot de Lima vont de 200–600 kg/ha en culture associée à 1000–1500 kg/ha en
monoculture. La production de haricots lima, est estimée à environ 3,3 MTM en 2010 selon The U.N.
Food and Agricultural Organization Les Etats-Unis sont le plus gros producteur suivit de Madagascar et
du Pérou. Dans les autres pays, le haricot de Lima se cultive surtout de manière horticole en jardins
familiaux ou en association avec des céréales (maïs, sorgho), des plantes à racines ou à tubercules
(igname, manioc) ou d’autres plantes (bananier, arachide, canne à sucre, courge). Il n’existe pas
d’estimations sur la superficie ou la production. . Les graines de maïs et de haricots sont plantées
conjointement de façon à que les plants de haricots puissent grimper et s'accrocher aux chaumes du
maïs dans les régions rurales d'Amérique latine, traditionnellement, ainsi que d’Asie et d’Afrique
Cette association de cultures permettait de compenser leurs déficiences nutritionnelles respectives des
espèces concernées. En effet, le haricot de Lima est très riche en protéines (20-25%), composé d’acides
aminés essentiels comme la lysine, la phénylalanine, la leucine. Il est cependant limité en méthionine et
cystine. Ses graines en particulier possèdent donc de nombreuses qualités nutritionnelles, expliquant
son succès. Elles sont consommées mature ou vertes immatures, cuites en soupes et ragouts, voir
séchées en fonction des régions du monde (Afrique, Asie, …) Dans les pays industrialisés une importante
proportion des haricots consommés se fait sous forme de conserves (Etats-Unis, ..)
Quel que soit
l’usage, elles nécessitent un trempage préalable et une cuisson. La graine contient en effet un complexe
entre l’acide cyanhydrique et le glucose, hydrolysé au cours de ce processus, évitant que cela se fasse
lors de la digestion et soit létale pour le consommateur. Ce n'est qu'avec l'avènement de variétés
modernes exemptes de ces produits toxiques que l'on consomme les gousses vertes de haricots de Lima.
On peut également utiliser les feuilles et les germes (pays asiatiques). Les feuilles et les tiges peuvent
également servir de foin ou d’ensilage pour le bétail. Le haricot peut être aussi cultivé comme engrais
vert ou plante de couverture.
On confère également au haricot de Lima des propriétés médicinales. Une poudre de graine sert pour
traiter tumeurs ou d’abcès au Nigéria par exemple. En médecine traditionnelle asiatique, les graines et
les feuilles sont utilisées pour leurs propriétés astringentes et communément en cas de fièvre.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES POUR DEMAIN
Le haricot de Lima possède de nombreux avantages, tant nutritionnels qu’agronomiques, qui font de lui
une plante cultivée fortement intéressante dans un contexte d’accroissement démographique planétaire
et de réchauffement climatique. La sélection tend difficilement à réduire les points noirs de son
utilisation pour en faire devenir une plante à agriculture intensive. Néanmoins elle reste une plante qui a
une place très importante au sein de petites populations rurales des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique
du Sud. Une expansion des terres d’agricultures intensives est observée sur de nombreux de sites de
répartition des types sauvages, en foyers primaires (Amérique du Sud) et secondaires (Afrique, Asie).
Elle entraine un véritable risque de perte de diversité génétique, protéger les formes sauvages du haricot
de Lima et diversifier ses formes cultivées est donc indispensable.
SOURCE
WEBOGRAPHIE
 www.prota4u.org/protav8.asp?fr=1&p=Phaseolus+lunatus
 www.sologne-nature.org/la-flore-de-sologne/158-la-famille-des-fabacees-ou-legumineuses
 www.mapageweb.umontreal.ca/bruneaua/simon/chapitre11_legumineuses2.pdf
 www.homejardin.com/haricot_de_lima/phaseolus_lunatus.html
 www.eol.org/pages/645300/overview
 www.pfaf.org/user/Plant.aspx?LatinName=Phaseolus+lunatus
 www.eol.org/pages/645300/details
 www.sciencedaily.com/releases/2010/08/100831222310.htm
 www.link.springer.com/article/10.1007%2Fs10722-012-9904-9#page-1
 www.crops.org/publications/cs/abstracts/52/4/1698?access=0&view=pdf
 www.novapublishers.com/catalog/product_info.php?products_id=14302
 www.udel.edu/anthro/roe/diamond10.pdf
BIBLIOGRAPHIE
 Lynch, T. E. et al. (l985) Chronology of Guitarrero Cave, Peru. Science 229: 864-867.
 Kaplan, L. (l965) Archeology and domestication in american Phaseolus (beans). Econ. Bot. 19:
358-368.
 Smith, B. D. (l996) The emergence of Agriculture. Scientific American Library. HPHLP. New York.
pp. 160-167; pp.203, 208.
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