Le système fait de la résistance
“L’espace aérien restera fermé jusqu’en 2009”, a déclaré le ministre des Transports ; “L’espace audiovisuel
restera fermé sans délais”, avait dit le ministre de la Communication.
L’aviation reste le témoin d’un attachement profond à une conception monopolistique de l’efficacité
économique. Le besoin politique de montrer que le pays est fréquentable oblige à l’octroi d’autorisations
conditionnelles au profit de quelques compagnies internationales. Ce qui contrarie à peine l’exclusivisme
aéronautique, commode formule de rentabilité. L’entente sur les tarifs obligera les passagers, essentiellement
nationaux, à financer par tarifs le retard managérial du transport aérien national.
Quant au maintien sous contrôle politique exclusif de l’espace audiovisuel, il correspond à un souci politique
évident. L’obsession de la parole unique est d’autant plus exacerbée qu’un régime doute de son propre discours
et de sa légitimité. L’expérience de la presse écrite, celle-ci n’ayant pas toujours été uniformément
complaisante, ajoute à ce rejet de la contradiction.
Comme pour l’ouverture politique introduite par la Constitution de 1989, la brèche médiatique n’avait pas
d’autre objectif que d’éviter l’éclatement d’un système poussé à ses limites par la crise économique et
pétrolière du milieu des années 1980.
Certaines ouvertures ne sont consenties que pour préserver un système, par nature, fermé. Et s’agissant de
l’Algérie, ce système n’a toujours pas changé. De fausses libertés lui ont servi à faire l’économie de vraies
libertés. Et à l’en préserver.
Faute de conception générale en matière de développement, le régime en est réduit à agir par dosages
successifs. Ainsi, il ouvre les hydrocarbures puis les referme un peu, il ouvre l’école puis la referme beaucoup,
comme autant de vannes dont il ajuste le débit au gré des circonstances et des pressions. La banque illustre
encore mieux cette stratégie de l’ambiguïté — car c’est une stratégie : promise tour à tour à la réforme, à
l’ouverture à la concurrence privée et à la privatisation, elle végète depuis toujours dans son statut
d’administration des comptes et de réseau d’antennes d’octroi des crédits, immense bureaucratie empêtrée
dans ses procédures et affaiblie par les malversations que cette complexité favorise.
De la même manière qu’il s’adapte aux contraintes locales, le système prend en compte les poussées externes.
Mais dépourvu de lignes directrices, le pouvoir valse avec ses partenaires : il négocie l’adhésion avec l’OMC,
mais hésite à abattre les obstacles qui la retardent ; il signe un traité d’association avec l’Union européenne,
mais s’y perd en délibérations. Quant au Maghreb, il remplit bien son rôle de simple thème politicien qui
n’engage à aucune résolution concrète de la part des pays “membres”.
Le tout donne une société ni ouverte ni fermée, sans échanges consistants et sans ruptures critiques avec ses
“partenaires”. Grâce à la manne pétrolière, la viabilité du système ne dépend pas de sa performance
socioéconomique. C’est qu’il n’est pas question de développement du pays, mais de survie du système.
M. H.