Int J Tuberc Lung Dis 2000 ; 4(11) : 997 © 2000 IUATLD CONTREPOINT Les traitements d'épreuve antituberculeux sont d'intérêt discutable comme moyen de diagnostic de la tuberculose à bacilloscopie négative DANS CE NUMERO du Journal, Harries et collègues1 proposent un algorithme de diagnostic de la tuberculose basé sur des traitements d'épreuve antituberculeux dans les situations où une technique de diagnostic sophistiquée n'est pas disponible et où la probabilité d'une tuberculose à bacilloscopie négative est élevée. En principe, il est évidemment nécessaire d'adopter une approche standardisée pour la prise en charge des cas suspects de tuberculose pour lesquels le diagnostic bacilloscopique ne peut être porté. L'approche proposée semble également logique: en premier lieu, éliminer la possibilité d'une infection respiratoire banale par la prescription d'une combinaison d'antibiotiques à large spectre connus comme inefficaces contre le bacille tuberculeux; si l'état du malade ne s'améliore pas et si l'infection ne se nettoie pas après une durée raisonnable, il y a lieu de suspecter la tuberculose. Deuxièmement, prescrire pendant 3 semaines une polychimiothérapie antituberculeuse ne comportant pas la rifampicine: si le patient répond au traitement, il faut déclarer et enregistrer la maladie comme étant une tuberculose à bacilloscopie négative et mettre en route le traitement comportant une cure complète de 6 à 8 mois. Pour éviter les erreurs, on assure un enregistrement provisoire dans une catégorie spéciale, ce qui permet de retirer le cas en présence d'une réponse précoce à des antibiotiques inactifs dans la tuberculose. Cette proposition comporte malheureusement plusieurs difficultés: premièrement, la nécessité d'introduire les médications antituberculeuses dans des traitements d'épreuve n'est pas évidente. Un article récent de Wilkinson et coll.2 a démontré la haute sensibilité (89%) et spécificité (84%) d'un algorithme de diagnostic de la tuberculose pulmonaire qui se base sur la bacilloscopie et sur une application en deux temps d'un traitement d'amoxycilline et d'érythromycine dans les cas à bacilloscopie négative, sans nécessiter un traitement d'épreuve employant des médications anti-tuberculeuses. L'ajout de l'étape supplémentaire du traitement d'épreuve antituberculeux a l'inconvénient supplémentaire d'être à la fois coûteux et de prendre du temps, sans probablement être susceptible de conduire à une efficience de diagnostic supérieure à celle de l'algorithme de Wilkinson. L'administration d'une cure complète de traitement antituberculeux doit toujours bénéficier d'une priorité, même après absence de réponse à des antibiotiques appropriés à large spectre. De plus le risque de non-réponse à court terme après un schéma comportant isoniazide, éthambutol et pyrazinamide pourrait être élevé dans les zones où la résistance à l'isoniazide est fréquente. La probabilité que de véritables cas de tuberculose ne soient pas traités augmente dès lors elle aussi, si de tels non-répondeurs sont retirés prématurément du registre. Le problème se complique par le fait qu'une proportion significative de patients séropositifs pour le VIH et atteints de tuberculose sont des rechutes et nécessitent plus d'une cure de traitement antituberculeux.3 L'algorithme tel qu'il est présenté par Harries ne tient pas compte des épisodes antérieurs de tuberculose. Si l'on traite de tels patients avec un schéma moins puissant, on encourt le risque de favoriser la résistance médicamenteuse, particulièrement dans les zones comme l'Afrique sub-saharienne où la prévalence de la résistance à l'isoniazide est élevée. Finalement, il faut tenir compte de la possibilité réelle d'une utilisation malencontreuse de l'algorithme dans les conditions du programme de lutte antituberculeuse. Si l'on propose une façon aisée d'obtenir un diagnostic de tuberculose, on ouvre la porte à la négligence en matière de bacilloscopies, à la surcharge des services de santé, à des traitements inutiles de sujets ne souffrant pas de tuberculose et au gaspillage des ressources humaines et financières. C'est aux cliniciens que reviennent la prérogative et la responsabilité de décider de la conduite à tenir lorsque des sujets suspects de tuberculose à bacilloscopie négative ne répondent pas à une thérapeutique antibiotique banale: prescrire une chimiothérapie antituberculeuse est toujours possible en dernier recours. Toutefois, l'introduire dans la politique nationale consiste à confondre l'application clinique avec les intérêts de la santé publique. Des chimiothérapies antitu- [Traduction de l'article "Trials of anti-tuberculosis treatment as a diagnostic tool in smear-negative tuberculosis are of questionable benefit" Int J Tuberc Lung Dis 2000 ; 4(11) : 997 2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease berculeuses d'épreuve sont de toute manière probablement limitées aux patients hospitalisés 1,2 et exigent une structure particulière de prise en charge. Il y a lieu de décourager leur introduction comme politique du programme national de lutte antituberculeuse. BERNARD FOURIE KARIN WEYER Medical Research Council Pretoria, South Africa Références 1. 2. 3. Harries A D, Hargreaves N J, Kumwenda J, Kwanjana J H, Salaniponi F M. Trials of anti-tuberculosis treatment in areas of high human immunodeficiency virus prevalence in sub-Saharan Africa. Int J Tuberc Lung Dis 2000; 4: 000-000. Wilkinson D, Newman W, Reid A, Squire S B, Sturm A W, Gilks C F. Trial-of-antibiotic algorithm for the diagnosis of tuberculosis in a district hospital in a developing country with high HIV prevalence. Int J Tuberc Lung Dis 1999; 4: 513-518. Harries A D, Hargreaves N J, Kwanjana J H, Salaniponi F M. Recurrent tuberculosis: definitions and treatment regimens. Int J Tuberc Lung Dis 1999; 3: 851-854.