Remplacement valvulaire aortique par cathéter
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Numéro 40 vrier 2013
Contexte
La sténose aortique, la cardiopathie valvulaire la
plus courante, résulte du rétrécissement de la
valve aortique. Elle est en général causée par
une calcification progressive et liée à l’âge et
par la formation de tissu cicatriciel au niveau de
la valve aortique, lesquelles entravent l’éjection
du sang par le ventricule gauche. Faute de
traitement, la sténose aortique peut mener à
l’insuffisance cardiaque. Le pronostic est
défavorable en l’absence de traitement : la
plupart des patients meurent en moins de cinq
ans1. Il n’y a actuellement pas de traitement
médical efficace pour prévenir l’évolution de la
sténose aortique. La chirurgie de remplacement
valvulaire aortique (CRVA) est la seule option en
présence de sténose aortique grave2. Le
remplacement valvulaire aortique par cathéter
(RVAC) est une nouvelle option pour les
patients atteints de sténose aortique grave qui
sont jugés à haut risque ou chez qui la CRVA
classique ne convient pas parce qu’ils sont trop
âgés ou qu’ils présentent d’autres maladies.
On estime qu’environ 3 % des personnes de
plus de 75 ans et 4 à 8 % des personnes de
80 ans et plus sont atteintes de sténose
aortique grave2. La prévalence de la sténose
aortique est en hausse au Canada en raison du
vieillissement de la population.
Pour le RVAC, les deux dispositifs les plus
souvent utilisés sont les valves Sapien et
CoreValve3. Ces deux prothèses sont
disponibles au Canada depuis 2007 par
l’entremise du Programme d’accès spécial pour
les patients présentant une sténose valvulaire
aortique symptomatique qui ne sont pas
candidats à la chirurgie de remplacement
valvulaire4. La valve Sapien (Edwards Lifesciences)
a été homologuée par Santé Canada comme
instrument de classe IV le 22 juin 2011 (numéro
de l’homologation : 86404) sur la foi des données
des douze premiers mois de l’essai PARTNER I. Le
système CoreValve (Medtronic) a éhomolog
par San Canada le 1er août 2012 (nuro de
l’homologation : 89391). Il a été recommandé
comme instrument médical de classe IV à
condition que le fabricant présente de fon
continue pendant une période de cinq ans après
l’homologation des données probantes sur son
innocui et son efficaci provenant tant
d’études cliniques que de l’historique de la
commercialisation.
Objectifs
La présente Analyse prospective a pour objet de
repérer les données probantes nouvelles et
émergentes sur le RVAC comme solution de
rechange pour le traitement des patients
atteints de sténose aortique grave. Elle répond
aux questions suivantes :
1. A-t-on publié des évaluations des
technologies de la santé (ETS) pour
comparer le RVAC à la CRVA et a-t-on
obtenu d’autres données probantes depuis
la publication de ces ETS ?
2. Des essais cliniques comparatifs et
randomisés (ECR) sont-ils en cours pour
comparer le RVAC à la CRVA ou au
traitement habituel ?
3. De nouvelles techniques de RVAC se
profilent-elles à l’horizon ?
4. Quelle est la fréquence d’utilisation du RVAC
au Canada et comment l’intervention
est-elle financée ?
Analyse prospective
Remplacement valvulaire aortique par cathéter
2
Démarche
La présente Analyse prospective ne constitue
pas un examen exhaustif de la question. Ses
résultats sont fondés sur une recherche
documentaire limitée dans les ETS publiées
entre 2009 et 2012. On a utilisé d’autres
sources du domaine public pour repérer les
essais, lignes directrices et dispositifs
nouveaux et émergents ayant trait au RVAC.
On a mené une enquête sur l’utilisation et le
financement du RVAC au Canada. La présente
Analyse prospective ne comporte pas
d’examen méthodique ni d’évaluation
critique des données probantes.
Constatations
1. A-t-on publié des évaluations des
technologies de la santé (ETS) pour
comparer le RVAC à la CRVA et a-t-on
obtenu d’autres données probantes
depuis la publication de ces ETS ?
Évaluation des technologies de la santé
Dix ETS ont été publiées sur le RVAC chez les
patients atteints de sténose aortique grave
(dont quatre examens rapides de la
technologie) entre janvier 2009 et septembre
20125-16. La plupart de ces évaluations ont été
effectuées après la publication des résultats
du suivi d’un an des sujets de l’essai PARTNER
I5,7,9-12,16. L’essai PARTNER I est le seul ECR
mené à ce jour sur l’innocuité et l’efficacité
du RVAC chez les patients atteints de sténose
aortique symptomatique grave chez qui on
considérait que la chirurgie classique
présentait un risque élevé17,18. Dans une des
cohortes de l’essai PARTNER I (cohorte A;
patients à risque chirurgical élevé, mais
opérables), le comparateur était la CRVA.
Dans l’autre cohorte de l’essai PARTNER I,
(cohorte B; patients à risque chirurgical élevé,
mais inopérables), le comparateur était le
traitement médical et/ou la valvuloplastie
aortique par ballonnet (pour de plus amples
détails sur l’essai, voir l’annexe A).
Sept ETS portaient entre autres sur les
données de l’ECR PARTNER I5,7,9-12,16, trois ETS
portaient exclusivement sur ces données9,11,12
et quatre ETS portaient sur d’autres niveaux
de données probantes, dont autres ETS 5,14-16,
études comparatives non randomisées5,7,10,
séries de cas5,7,10, données de registres10 et
lignes directrices fondées sur des données
probantes16. Parmi les dix ETS, quatre ont été
publiées en 20125,7,9,10, trois en 201111,12,16,
deux en 201014,15 et une en 200913. Six d’entre
elles ont été effectuées au Canada9,10,13-16.
Quatre des ETS ont conclu qu’une équipe de
médecins de diverses disciplines, par exemple
composée d’un cardiologue interventionnel,
d’un chirurgien cardiaque, d’un anesthésiste
cardiaque et d’un spécialiste en imagerie
cardiaque, doit participer à la sélection des
patients et à la détermination du risque du
RVAC5,7,10,11.
Canada : considérations cliniques
Au Canada, trois organismes, soit Qualité des
services de santé Ontario (QSSO)9, l’Institut
national d’excellence en santé et en services
sociaux (INESSS)10 et l’Agence canadienne des
médicaments et des technologies de la santé
(ACMTS) (2011)16, ont effectué une ETS
tenant compte des données de l’essai
PARTNER. Ces évaluations ont comparé le
RVAC à la CRVA et/ou au traitement médical
dans un des sous-groupes suivants ou dans
les deux : patients inopérables et patients
opérables, mais à risque élevé.
L’évaluation de QSSO9 a comparé le RVAC aux
soins habituels et à la CRVA. La comparaison à
la CRVA a porté sur deux groupes de patients
(soit le RVAC par rapport à la CRVA chez les
patients qui ne sont pas considérés candidats
à la chirurgie et le RVAC par rapport à la CRVA
chez les patients jugés à risque chirurgical
élevé). L’évaluation de l’INESSS10 a porté sur
Analyse prospective
Remplacement valvulaire aortique par cathéter
3
trois comparateurs (CRVA, traitement médical
et valvuloplastie par ballonnet) et deux
groupes de patients (patients qui ne sont pas
considérés candidats à la chirurgie et patients
jugés à risque chirurgical élevé). L’évaluation
effectuée par l’ACMTS16 en 2011 a comparé le
RVAC à la CRVA chez les patients qui ne sont
pas considérés candidats à la chirurgie.
Toutes les évaluations qui ont porté sur les
patients qui ne sont pas candidats à la
chirurgie ont conclu que le RVAC était une
solution de rechange à la CRVA convenable
ou efficace9,10,16. Les évaluations portant sur
les patients jugés à risque chirurgical élevé9,10
ont montré l’utilité du RVAC chez ces
patients. Selon l’évaluation de QSSO9, chez les
patients jugés à risque chirurgical élevé, le
RVAC produit un taux de mortalité semblable
à celui de la CRVA et est associé à
d’importants effets indésirables.
Trois évaluations canadiennes ont été
publiées avant que les données de l’essai
PARTNER I soient rendues publiques. Ces
évaluations étaient fondées sur les données
d’études comparatives non randomisées, de
séries de cas et de registres de patients non
contrôlés13-15. Selon une de ces évaluations,
même si le RVAC est associé à un risque de
mortalité élevé, il soulage les symptômes et
pourrait prolonger la vie13. Selon une autre
évaluation, le RVAC est possible et peut
soulager les symptômes chez les patients
jugés inopérables15. Selon la troisième
évaluation, l’innocuité et l’efficacité du RVAC
par rapport à la CRVA, au traitement médical
ou à la valvuloplastie sont inconnues (pour de
plus amples détails, voir l’annexe A).14
Canada : considérations financières
L’évaluation de QSSO9 comporte une analyse
économique visant à déterminer le rapport
coût-efficacité du RVAC relativement aux
soins habituels chez les patients inopérables
et à la CRVA chez les patients opérables.
Selon cette évaluation, la valve coûtait
37 606 $. Le coût par année de vie du RVAC
par rapport aux soins habituels chez les
patients inopérables était 33 141 $ et le coût
par année de vie du RVAC par rapport à la
CRVA chez les patients opérables était de
870 143 $. L’évaluation conclut que le RVAC
peut être rentable chez les patients
inopérables, mais qu’il ne l’est pas chez les
patients opérables. Ces résultats ont toutefois
beaucoup varié selon les hypothèses du
modèle économique relatives au coût des
répercussions à long terme du RVAC.
L’hypothèse relative à l’impact sur la
mortalité et la qualité de vie à long terme
était particulièrement importante.
L’évaluation de l’INESSS10 a conclu à la
nécessité d’un financement adéquat et
particulier afin d’assurer la stabilité et la
pérennité des programmes dans les divers
centres où le RVAC est pratiqué. Il
recommande aussi que le financement couvre
les coûts liés à la sélection des patients, à
l’intervention (y compris le coût de la
prothèse) et au suivi à court et à long terme
des patients ayant subi un RVAC. Selon une
évaluation effectuée par le Centre
universitaire de santé McGill (CUSM)13, le
coût net de l’intervention au CUSM chez un
patient inopérable était de 24 024 $ (en 2009).
L’évaluation du CUSM a été publiée avant la
publication des données de l’essai PARTNER I
et ses résultats sont fondés sur une plus
vieille version de la valve Edwards Sapien qui
était homologuée par SanCanada.
L’examen rapide de l’ACMTS14 n’a pas porté
sur la rentabilité, parce qu’il n’y avait pas de
données publiées au moment où il a été
effectué.
Selon de plus récentes données sur la
rentabilité provenant du fabricant de la valve
aortique transcathéter Edward Sapien, le coût
de la trousse de RVAC (qui contient les
éléments du dispositif fournis par le fabricant
en vue de l’intervention) actuellement sur le
marché au Canada est d’environ 24 000 $. Les
Analyse prospective
Remplacement valvulaire aortique par cathéter
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analyses coût-efficacité à venir devront être
fondées sur le prix le plus récent du dispositif,
ainsi que sur des données à jour sur les coûts
des soins de santé.
À l’étranger : considérations cliniques
Quatre évaluations ont été effectuées à
l’étranger sur les données de l’essai PARTNER
I5,7,11,12. L’évaluation du National Institute for
Health and Clinical Excellence (NICE) du
Royaume-Uni5 a comparé le RVAC à la CRVA
dans trois groupes de patients : les patients qui
étaient candidats à la chirurgie, mais chez qui le
risque chirurgical était élevé, les patients qui
n’étaient pas candidats à la chirurgie et les
patients qui étaient candidats à la chirurgie et
chez qui le risque chirurgical n’était pas élevé5.
Le troisième groupe de patients, soit ceux qui
étaient candidats à la chirurgie, n’avait jusque-
pas été évalué. L’évaluation a conclu que
chez les patients qui n’étaient pas candidats à
la chirurgie, il y avait assez de données
probantes pour recommander le RVAC. Il n’y
avait par contre pas assez de données
probantes pour recommander le RVAC chez les
patients qui étaient candidats à la chirurgie,
mais chez qui le risque chirurgical était élevé, et
chez les patients qui étaient candidats à la
chirurgie et chez qui le risque posé par la CRVA
n’était pas élevé.
Deux évaluations effectuées à l’étranger, soit
celle du Scottish Health Technologies Group
(SHTG)11 et du Centre fédéral d’expertise des
soins de santé (KCE, Belgique)12 , ont compa
le RVAC à la CRVA (cohorte A) et aux soins
habituels (cohorte B)11,12. Selon ces évaluations,
chez les patients qui n’étaient pas candidats à
la chirurgie, le RVAC était une solution de
rechange efficace aux soins habituels. Pour ce
qui est des patients chez qui on jugeait que le
risque chirurgical était élevé, une des
évaluations a révélé que le RVAC n’était pas
inférieur à la chirurgie, mais était associé à une
augmentation significative de lincidence des
complications vasculaires et des effets
indésirables neurologiques11, tandis que selon
l’autre, le RVAC pourrait être considéré comme
une solution de rechange à la chirurgie chez les
patients à risque élevé qui sont prêts à
accepter l’augmentation du risque d’accident
vasculaire cérébral. Les auteurs ont fait
remarquer que d’un point de vue économique,
il était difficile d’affirmer que le
remboursement du RVAC constituait une
utilisation efficiente des ressources12.
Selon l’évaluation du California Technology
Assessment Forum (CTAF)7, qui a uniquement
comparé le RVAC aux soins habituels, le RVAC
est plus efficace que les soins habituels chez
les patients qui ne sont pas candidats à la
chirurgie7.
Les quatre évaluations effectuées à l’étranger
sur les données de l’ECR PARTNER ont conclu
que pour les patients qui ne sont pas
candidats à la chirurgie, le RVAC était à tout le
moins considéré comme une bonne solution
de rechange à la CRVA et aux soins habituels.
Les trois évaluations qui ont porsur le RVAC
ont donné des résultats contradictoires chez
les patients jugés à risque chirurgical élevé
(pour de plus amples détails, voir l’annexe
A)5,11,12.
À l’étranger : considérations financières
Trois évaluations effectuées à l’étranger ont
porté sur les répercussions du RVAC sur les
coûts8,11,12. L’évaluation du CTAF8 a porté sur
deux études sur les coûts du RVAC fondées
sur les analyses des sujets de la cohorte B de
l’essai PARTNER. Selon une de ces études, le
coût de la valve était de 30 000 $ US et le
rapport coût-efficacité différentiel était
d’environ 50 200 $ US par année de vie
gagnée et de 61 889 $ US par année de vie
pondérée par la qualité. Selon la seconde
étude, le rapport coût-efficacité différentiel
était de 16 100 £ par année de vie pondérée
par la qualité. Ni l’une ni l’autre des études ne
tenait compte des coûts en capital de la
Analyse prospective
Remplacement valvulaire aortique par cathéter
5
construction et de l’exploitation de la salle
d’opération/de cathétérisme cardiaque
hybride dans laquelle l’intervention est en
général pratiquée. Les coûts variaient selon
les caractéristiques particulières de la salle
d’opération hybride, mais étaient estimés à
environ 3 millions de dollars américains. Dans
son évaluation, le KCE12 a conclu que le RVAC
devrait être remboursé pour les patients qui
sont jugés inopérables en raison de facteurs
anatomiques. Les patients jugés inopérables
en raison de facteurs médicaux ne sont pas
admissibles au remboursement. L’évaluation
du SHTG11 n’a pas porté sur la rentabilité,
parce qu’il n’y avait pas de données publiées
au moment où elle a été effectuée.
Nouvelles données probantes
Depuis la publication des ETS décrites ci-
dessus, trois nouvelles études ont été
publiées sur le RVAC chez les patients atteints
de sténose aortique grave19-21. L’ECR de
Kodali et al.19 était un suivi de deux ans des
sujets de la cohorte A de l’essai PARTNER qui
visait à comparer le RVAC à la CRVA chez
699 patients à risque élevé atteints de
sclérose aortique grave. Au bout de deux ans,
les auteurs ont conclu que les traitements
étaient associés à des taux semblables de
mortalité, d’atténuation des symptômes et
d’amélioration de l’hémodynamique de la
valve, mais que la régurgitation paravalvulaire
était plus fréquente chez les sujets qui
avaient subi un RVAC et était associée à une
augmentation de la mortalité tardive.
L’ECR de Makkar et coll.20 était un suivi de
deux ans des sujets de la cohorte B de l’essai
PARTNER visant à comparer le RVAC aux soins
habituels auprès de 358 patients qui n’étaient
pas candidats à la chirurgie. Les auteurs ont
conclu que dans cette population, le RVAC
avait réduit les taux de mortalité et
d’hospitalisation, l’amélioration de
l’hémodynamique de la valve et l’atténuation
des symptômes ayant persisté pendant les
deux années du suivi.
Lange et al.21 ont effectué une analyse
multivariable des données portant sur
420 patients atteints de sténose aortique
grave jugés à risque chirurgical élevé. Les
auteurs ont conclu que les résultats de
l’étude mettent en évidence une nette
tendance vers la sélection de patients à faible
risque chirurgical pour le RVAC et que les
sultats cliniques du RVAC sont
significativement meilleurs chez les patients à
faible risque chirurgical que chez les patients
à risque chirurgical élevé (pour de plus
amples détails, voir l’annexe B).
Un autre ECR,22 l’essai STACCATO, visant à
comparer le RVAC à la CRVA chez des patients
opérables a été interrompu prématurément
en raison des complications du RVAC dans
cette population de patients.
Guides cliniques
Deux documents d’orientation sur le RVAC
ont été publiés en Amérique du Nord en 2012.
Le premier est un énoncé de position de la
Société canadienne de cardiologie23 qui
présente le consensus d’un groupe
représentatif de cardiologues et de
chirurgiens cardiaques, et est fondé sur une
revue de la littérature et sur une évaluation
des données probantes faite selon la
méthode GRADE24. Selon cet énoncé de
position, le RVAC est une option viable chez
les patients atteints de sténose aortique
quand le risque de la chirurgie à cœur ouvert
est prohibitif ou élevé. L’énoncé contient
aussi des recommandations sur l’implantation
dite « valve-sur-valve », le processus
d’évaluation des candidats au RVAC et les
programmes de RVAC, ainsi que des
directives à l’intention des établissements.
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