Nouvelle législation relative aux marchés publics: analyse

Nouvelle législation relative aux marchés publics: analyse et
commentaires
Sylvie Bollen - Avril 2007
C'est au Moniteur belge du 15 février 2007 qu'ont été publiées les quatre nouvelles lois
[1] relatives aux marchés publics.
Ces législations transposent les Directives 2004/17/CE du 31 mars 2004 portant
coordination des procédures de passation des marchés publics dans les secteurs de l'eau,
de l'énergie, des transports et des services postaux, et 2004/18/CE du 31 mars 2004
relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics, de travaux,
de fournitures et de services.
Les arrêtés d'exécution de ces nouvelles lois sont encore à venir; il nous a toutefois
semblé intéressant de procéder à une première analyse de ces textes, d'autant que
certaines de leurs dispositions sont d'application immédiate.
I. REM ARQUE PRELIMINAIRE: POURQUOI QUATRE LOIS?
A. POURQUOI LES LOIS DES 15 ET 16 JUIN 2006 ?
Le texte a initialement été déposé à la Chambre des Représentants sous forme d'un projet
de loi unique, puis la Chambre "a finalement décidé de scinder le projet conformément
aux différentes qualifications constitutionnelles" [2] (certaines dispositions en projet
affectaient les compétences du pouvoir judiciaire, notamment celles relatives au délai
d'attente), et ce, après avoir pris connaissance de la décision de la commission
parlementaire de concertation [3] du 30 mars 2006.
Sans entrer dans les arcanes de la légistique, l'on relèvera donc simplement que la loi du
15 juin 2006 règle une matière visée par l'article 78 de la Constitution, tandis que la loi
du 16 juin 2006 règle une matière visée par l'article 77 de la Constitution.
B. POURQUOI LES LOIS DU 12 JANVIER 2007 MODIFIANT LES LOIS DES 15
ET 16 JUIN 2006?
La scission du projet initial en deux textes a eu divers effets [4]:
- la loi du 16 juin 2006 n'avait pas repris la disposition selon laquelle il appartenait au
Roi de fixer la date d'entrée en vigueur des dispositions, en manière telle qu'elle allait
entrer en vigueur le 10ème jour de sa publication au Moniteur belge, sans les arrêtés
d'exécution nécessaires: une disposition a été insérée en ce sens;
- les deux textes ne forment pas un tout cohérent, contrairement aux dispositions
européennes transposées: un article 79bis a été intégré dans la loi du 15 juin 2006,
habilitant le Roi à coordonner toutes les dispositions légales relatives aux marchés
publics;
- enfin, "Les dispositions rectificatives s'imposant actuellement, le Gouvernement a
profité de l'occasion pour apporter quelques améliorations techniques supplémentaires
à la loi du 15 juin 2006, notamment pour ce qui concerne les dispositions qui doivent
entrer immédiatement en vigueur le jour de leur publication au Moniteur belge (…)" [5]
(à savoir les dispositions relatives aux centrales d'achats et de marchés, et la modification
de la loi du 20 mars 1991 organisant l'agréation d'entrepreneurs de travaux).
II. INTRODUCTION: POURQUOI CETTE NOUVELLE LEGISLATION?
D'aucuns le regretteront sûrement: alors que la précédente réforme importante en la
matière est pleinement en vigueur depuis moins de dix ans (à savoir la loi du 24
décembre 1993 et ses arrêtés d'exécution), voilà publiée une nouvelle législation, appelée
– à terme à tout le moins [6] – à abroger la première.
Mais - ainsi que le rappelle l'exposé des motifs du projet de loi relatif aux marchés
publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services [7] - les directives
européennes en matière de commandes publiques ont connu une nouvelle refonte
récente: deux nouvelles directives [8] du Parlement européen et du Conseil ont été
adoptées en date du 31 mars 2004, regroupant en un seul texte les procédures de
passation dans les marchés publics, et portant coordination des procédures de passation
des marchés publics dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services
postaux.
"(…). La transposition des ces directives nouvelles dans le droit belge nécessite une
nouvelle réforme de la législation afin d'y intégrer toutes les dispositions et règles
établies dans ces nouvelles directives. Sur la proposition de la Commission des marchés
publics, il a été jugé opportun d'abroger la législation antérieure afin de maintenir une
structure cohérente et une suite logique dans les dispositions de la loi, tout en
sauvegardant comme précédemment la distinction entre les deux différents régimes
applicables. (…) " [9].
L'on se souviendra par ailleurs que la transposition desdites directives était normalement
prévue pour le 1er février 2006. Dès lors, pour rendre notre réglementation conforme, à
cette date, "(…) sur un certain nombre de points importants et urgents (…), dans l'attente
de la prochaine révision globale de la législation relative aux marchés publics (…)"
[10], c'est par le biais d'un arrêté royal du 12 janvier 2006 [11]qu'ont été introduites dans
notre réglementation, notamment:
- en matière de sélection qualitative, la possibilité, pour le candidat ou le
soumissionnaire, de se prévaloir de la capacité d'entités tierces (quels que soient leurs
liens juridiques avec ces dernières), le candidat ou le soumissionnaire devant alors "(…)
prouver au pouvoir adjudicateur que, pour l'exécution du marché, il disposera des
moyens nécessaires par la production de l'engagement de ces entités de mettre de tels
moyens à (…) disposition (…)" [12];
- l'exigence de pondération des critères d'attribution pour les marchés – atteignant les
seuils de publicité européenne – à passer par appel d'offres [13] ou par procédure
négociée avec publicité, lorsque l'attribution se fait au soumissionnaire qui a remis l'offre
la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur [14]. Il avait en effet été
considéré que l'absence de pondération ou une pondération non transparente était
susceptible d'affecter le classement des soumissionnaires. Une cotation doit, depuis, être
intégrée aux critères d'attribution, s'agissant de "(…) préciser la valeur des critères
exprimés en points, en pourcents ou en d'autres valeurs. (…)" [15]. La pondération peut
être exprimée par une fourchette, dont l'écart maximal doit être "approprié". Il s'agit de
déterminer ce niveau d'exigence au cas par cas, en fonction de chaque marché considéré,
de façon à ne pas priver de sens le classement des critères d'attribution, ou à ne pas
laisser une liberté de choix illimitée au pouvoir adjudicateur. Le classement simplement
en ordre décroissant d'importance ne peut plus avoir lieu que dans des cas exceptionnels,
quand la pondération n'est pas possible pour des raisons démontrables.
III. ANALYSE DES LOIS DES 15 ET 16 JUIN 2006 [16]
A. INTRODUCTION
Les nouvelles lois transposent donc les Directives 2004/17/CE et 2004/18/CE du 31 mars
2004.
Quelles étaient les grands axes de ces directives [17]?
- la simplification et la clarification des textes: utilisation exclusive du vocabulaire
commun pour les marchés publics; refonte de quatre directives en deux, l'une générale,
l'autre sectorielle; présentation chronologique de la procédure de passation; …
- la modernisation et l'assouplissement des procédures: rôle accru de la discussion avec
les opérateurs économiques au travers du dialogue compétitif; globalisation des achats
via les accords-cadres et les centrales d'achat;
- l'élargissement de la dématérialisation: les technologies électroniques sont mises "(…)
sur pied d'égalité avec le papier (…)" [18].
Ce sont également ces objectifs que les deux lois, que nous analysons ci-après, tentent
d'atteindre.
A notre sens, ces deux lois n'emportent pas véritable révolution de la matière.
B. LA LOI DU 15 JUIN 2006, RELATIVE AUX MARCHES PUBLICS ET A
CERTAINS MARCHES DE TRAVAUX, DE FOURNITURES ET DE SERVICES
1. Présentation
La loi du 15 juin 2006 se divise en cinq titres:
Titre Ier Dispositions générales et définitions
Titre II Des marchés publics
Titre III Des marchés publics de travaux, de fournitures et de services dans les
secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux
Titre IV Mise en concurrence dans le cadre de la Communauté européenne de
certains marchés de travaux, de fournitures et de services dans les secteurs de l'eau, de
l'énergie, des transports et des services postaux
Titre V Dispositions diverses et finales
Le Titre Ier (articles 1 à 4) traite des définitions applicables, par exemple: pouvoir
adjudicateur [19], centrale d'achat ou centrale de marchés, marché public, procédure
ouverte, dialogue compétitif, …
Le Titre II est d'application pour tous les marchés publics. Il est scindé en cinq
chapitres, qui abordent successivement:
- chapitre Ier Principes généraux (articles 5 à 11): ce sont sous ces dispositions que
l'on va notamment retrouver le principe de passation des marchés à forfait; l'obligation
de respecter les principes d'égalité, de non-discrimination, et de transparence; la notion
de paiement pour service fait et accepté; les conflits d'intérêts, les interdictions des
ententes; … .
- chapitre II Champ d'application quant aux personnes (articles 12 à 15);
- chapitre III Champ d'application quant aux marchés (articles 16 à 18): c'est au sein
de ces dispositions que l'on va notamment retrouver la règle selon laquelle la loi ne
s'applique pas aux marchés publics de services attribués par un pouvoir adjudicateur à un
autre pouvoir adjudicateur ou à une association de pouvoirs adjudicateurs, sur base d'un
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