le risque d’immunisation, voire d’hyperimmunisation
anti-HLA, qui rend plus difficile l’accessibilité
à une autre transplantation. On peut aussi tout à fait
comprendre une attitude de principe qui consiste
à ne transplanter un patient qu’avec un rein “idéal”,
au risque cependant de ne pas pouvoir le transplanter.
QUELLE INFORMATION DÉLIVRER AU RECEVEUR ?
Dans ce contexte, quelle information au sujet des reins
marginaux est-il possible et souhaitable de délivrer
au patient en attente de transplantation ?
Cette information spécifique s’intègre dans une information
plus générale sur les bénéfices, les risques et les contraintes
de la transplantation, les règles de répartition des organes,
les résultats escomptés ainsi que les modalités pratiques
du déroulement de la transplantation et de son suivi
immédiat et à moyen terme. Cette information doit être
délivrée par le médecin transplanteur au cours de la
ou des consultation(s) pré-transplantation. Elle est ensuite
relayée par le médecin néphrologue et alimentée
par des discussions en famille et avec les autres patients
en dialyse. Il me paraît donc fondamental de tenir
un langage de vérité et d’expliquer le plus clairement
possible les risques inhérents à l’utilisation des reins
marginaux, mais de mettre également en regard les bénéfices
d’une transplantation, ainsi que la possibilité même
d’être transplanté un jour. Cet enjeu est particulièrement
crucial pour les patients les plus âgés qui, d’une part,
sont souvent (à tort) persuadés qu’ils ne sont pas prioritaires
pour l’obtention d’un greffon et, d’autre part,
sont effectivement dans l’incapacité d’attendre un greffon
aussi longtemps qu’un patient plus jeune.
C’est d’ailleurs chez les patients les plus âgés
que le problème des reins marginaux est abordé avec le plus
de facilité, voire une sérénité teintée de fatalisme !
Il est important que cette information et la discussion
qui s’ensuit aient lieu au moment de la consultation
pré-transplantation car, lorsque le patient est inscrit
sur une liste d’attente, il pourra être amené à être confronté
à ce choix, qui sera d’autant moins difficile qu’il aura
réfléchi à ce sujet. En effet, au moment de la proposition
d’un rein marginal, il me paraît indispensable que le patient
puisse discuter avec son néphrologue traitant, le plus proche
du patient et donc le plus à même de l’écouter, de le conseiller
et de l’aider à prendre la décision finale avec davantage
de sérénité. C’est dire que, là aussi, le médecin transplanteur
doit avoir un rôle pédagogique vis-à-vis du néphrologue
traitant. Il serait également utile de pouvoir disposer
d’un document d’information (si possible consensuel
entre toutes les équipes !) qui reprenne les différents points
abordés au cours de la consultation pré-transplantation,
afin que le patient puisse, le cas échéant, s’y reporter
et approfondir certains aspects avec son néphrologue traitant
ou le médecin transplanteur.
Pour établir le bien-fondé de cette attitude pragmatique,
il conviendrait de disposer d’une étude rétrospective menée
auprès des patients qui ont été transplantés avec un rein
marginal pour connaître finalement leur sentiment vis-à-vis
de cette transplantation. En première approximation,
je répondrais à la faveur d’une expérience personnelle que,
dans la très grande majorité des cas, une transplantation
qui ne se traduit pas par un échec en moins de trois mois
est considérée par les patients comme un bénéfice,
sinon sur le plan strictement médical, mais assurément
sur le plan personnel, en termes de qualité de vie.
ÉQUITÉ DE L’ACCÈS À LA TRANSPLANTATION
L’utilisation des reins marginaux en transplantation pose,
enfin, le difficile problème de l’équité d’accès
à la transplantation. En France, l’organisation
de la transplantation rénale est essentiellement régionale.
Si l’on considère le délai d’attente des patients inscrits
dans différentes régions, on observe des disparités
considérables dues à de multiples facteurs
(activité de prélèvement, épidémiologie de l’insuffisance
rénale, critères d’inclusion sur les listes d’attente, etc.).
De plus, au sein d’une même région, certains patients
au phénotype ABO et HLA rare auront un délai d’attente
supérieur à la moyenne. Aucun système de distribution
des organes n’est, bien sûr, parfait ni parfaitement équitable.
On doit certes s’interroger sur les causes profondes
de cet état de fait, mais il faut avant tout en prendre conscience.
Il est bien évident, par conséquent, que les reins marginaux
sont davantage utilisés dans les régions de longue attente,
l’Ile-de-France en particulier. Il faut également noter que
l’utilisation de ces reins marginaux devrait s’accompagner,
pour tenter d’améliorer au maximum les résultats, de conditions
de transplantation différentes : règles d’attribution différentes,
durée d’ischémie froide raccourcie, immunosuppression
moins néphrotoxique, chirurgiens “seniors”.
Dans une situation de pénurie relative, à condition
de se donner les moyens de les transplanter différemment
et après avoir informé les futurs receveurs,
l’utilisation des reins marginaux en transplantation
me paraît sinon idéale, du moins acceptable. ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Cecka JM. The UNOS scientific renal transplant registry, 2000. In : J.M. Cecka,
P.I. Terasaki Ed, Clinical Transplants 2000, UCLA, Los Angeles, 2000 : 1-18.
2. Persson MO, Persson NH, Källen R et al. Kidneys from marginal donors : views of
patients on informed consent. Nephrol Dial Transplant 2002 ; 17 : 1497-502.
3. Smits JM, Persijn GG, van Houwelingen HC et al. Evaluation of the Eurotransplant
Senior Program. The results of the first year. Am J Transplant 2002 ; 2 : 664-70.
4.Dew MA, Switzer GE, Goycoolea JM et al. Does transplantation produce quality of life
benefits ? A quantitative analysis of the literature. Transplantation 1997 ; 64 : 1261-73.
5. Wolfe RA, Ashby VB, Milford EL et al. Comparison of mortality in all patients on
dialysis, patients on dialysis awaiting transplantation, and recipients of a first cadave-
ric transplant. N Engl J Med 1999 ; 341 : 1725-30.
6. Ojo AO, Hanson JA, Meier-Kriesche H et al. Survival in recipients of marginal
cadaveric donor kidneys compared with other recipients and wait-listed transplant
candidates. J Am Soc Nephrol 2000 ; 12 : 589-97.
Éthique
Le Courrier de la Transplantation - Volume II - n o4 - oct.-nov.-déc. 2002
176