L'individu dans les sociétés du savoir :
Regard sociologique sur l'éducation à travers le concept de
« capital »
1. L’individu : producteur de savoirs
En 2005, le rapport mondial de l’UNESCO1 définissait un des piliers de la
société des savoirs, à travers la participation de l’individu en tant que
« producteur du savoir » et non plus seulement comme consommateurs du
savoir disponible dans la société. La reconnaissance de l’individu s’exprimant
par son rôle actif dans le développement humain et le développement des
connaissances. Ce rapport mentionnait également un écueil à éviter celui de ne
pas tomber dans une marchandisation des savoirs, c'est-à-dire de ne pas
seulement considérer la société des savoirs à travers une économie des
connaissances. Un certain nombre de valeurs n’étant pas réductibles à un
échange marchand. Il conviendra alors « d’éviter le risque de trafic, et d’établir
une frontière claire entre ce qui a un prix et ce qui a une dignité. » Ce qui est
marchandable et ce qui ne l’est pas. Ceci étant, comme il n’y a pas de société
sans activité économique. On peut se demander, notamment à travers les
termes employés de producteur et de consommateur de savoir, si la
participation de l’individu n’est pas réduite à sa seule expression économique ?
Il n’est pas question de diaboliser la perspective économique mais d’émettre
une réserve à l’image de Karl Polanyi, qui exprimait qu’en un sens, toute
société doit être fondée sur l’économique, mais émettait une critique sur la
prédominance de l’intérêt personnel dans le fondement de l’économique
(Polanyi, 1983). Il nous semble que les discours véhiculent une certaine
ambivalence entre un rapport philosophique de l’être dans sa condition
humaine et son rôle dans la sphère économique. L’individu, porteur de valeur
absolu en tant qu’homme citoyen doit s’intégrer dans un système de rentabilité,
d’efficacité et de productivité. L’individu est porteur de connaissances, de
compétences, qu’il doit valoriser au sein de la société. Il est sollicité dans son
autonomie, ses capacités d’adaptation, de flexibilité. Il doit être de plus en plus
formé, compétent, polyvalent et son potentiel ou sa valeur ajoutée, est un bien
précieux et exploitable. Cette ambivalence peut être également constatée dans
le monde de la recherche entre théories économiques et théories sociologiques,
Pierre Bourdieu, notamment, contestait ceux qui ne voulaient « connaître
d’autre principe de pratiques que le calcul intéressé » (Bourdieu, 1989, p.392).
Plus récemment, des théories en sociologie clinique émettent de fortes critiques
face à l’évolution de nos sociétés et à une certaine instrumentalisation de
l’individu (Enriquez ; Haroche, 2002). La thèse principale étant que la
consommation s’impose à nous comme la seule valeur de référence. La quête
de sens s’instaurerait sur un mode marchand : dans laquelle la maxime pourrait
être : je vaux ce que je gagne et je gagne ce que je vaux (Aubert, 2006). Dans
1 United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
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