L`individu dans les sociétés du savoir: regard sociologique sur l

S
ciences-
C
roisées
Numéro 12 : L'éducation
L'individu dans les sociétés du savoir :
Regard sociologique sur l'éducation
à travers le concept de « capital »
A
udrey Garaffa
Sociologue – Docteur en sciences de l'éducation
audreygaraffa@ yahoo
. f
r
L'individu dans les sociétés du savoir :
Regard sociologique sur l'éducation à travers le concept de
« capital »
Résumé
Cet article interroge le processus d'éducation et ses effets en termes
d'investissement sur le capital humain et social au sein de notre société.
L'objectif étant de présenter les premiers pas de la construction d'un objet de
recherche en interrogeant le concept de « capital ».
Mots-clés : éducation capital production processus retombées
socio-économiques
Abstract
This article examines the educational process and its effects in terms of
investment in the human and social capital in our society. The objective is to
present the first steps of the construction of a research by interviewing the
concept of “capital”.
Key words: education capital production processsocio-economic
consequences
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L'individu dans les sociétés du savoir :
Regard sociologique sur l'éducation à travers le concept de
« capital »
1. L’individu : producteur de savoirs
En 2005, le rapport mondial de l’UNESCO1 définissait un des piliers de la
société des savoirs, à travers la participation de l’individu en tant que
« producteur du savoir » et non plus seulement comme consommateurs du
savoir disponible dans la société. La reconnaissance de l’individu s’exprimant
par son rôle actif dans le développement humain et le développement des
connaissances. Ce rapport mentionnait également un écueil à éviter celui de ne
pas tomber dans une marchandisation des savoirs, c'est-à-dire de ne pas
seulement considérer la société des savoirs à travers une économie des
connaissances. Un certain nombre de valeurs n’étant pas réductibles à un
échange marchand. Il conviendra alors « d’éviter le risque de trafic, et d’établir
une frontière claire entre ce qui a un prix et ce qui a une dignité. » Ce qui est
marchandable et ce qui ne l’est pas. Ceci étant, comme il n’y a pas de société
sans activité économique. On peut se demander, notamment à travers les
termes employés de producteur et de consommateur de savoir, si la
participation de l’individu n’est pas réduite à sa seule expression économique ?
Il n’est pas question de diaboliser la perspective économique mais d’émettre
une réserve à l’image de Karl Polanyi, qui exprimait qu’en un sens, toute
société doit être fondée sur l’économique, mais émettait une critique sur la
prédominance de l’intérêt personnel dans le fondement de l’économique
(Polanyi, 1983). Il nous semble que les discours véhiculent une certaine
ambivalence entre un rapport philosophique de l’être dans sa condition
humaine et son rôle dans la sphère économique. L’individu, porteur de valeur
absolu en tant qu’homme citoyen doit s’intégrer dans un système de rentabilité,
d’efficacité et de productivité. L’individu est porteur de connaissances, de
compétences, qu’il doit valoriser au sein de la société. Il est sollicité dans son
autonomie, ses capacités d’adaptation, de flexibilité. Il doit être de plus en plus
formé, compétent, polyvalent et son potentiel ou sa valeur ajoutée, est un bien
précieux et exploitable. Cette ambivalence peut être également constatée dans
le monde de la recherche entre théories économiques et théories sociologiques,
Pierre Bourdieu, notamment, contestait ceux qui ne voulaient « connaître
d’autre principe de pratiques que le calcul intéressé » (Bourdieu, 1989, p.392).
Plus récemment, des théories en sociologie clinique émettent de fortes critiques
face à l’évolution de nos sociétés et à une certaine instrumentalisation de
l’individu (Enriquez ; Haroche, 2002). La thèse principale étant que la
consommation s’impose à nous comme la seule valeur de référence. La quête
de sens s’instaurerait sur un mode marchand : dans laquelle la maxime pourrait
être : je vaux ce que je gagne et je gagne ce que je vaux (Aubert, 2006). Dans
1 United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
- 2 -
cette perspective, l’individu serait un néoconsommateur : fonctionnant sur le
principe de la possession comme forme d’existence.
Aussi, même si cet écueil de marchandisation est clairement formulé,
comment les individus peuvent-ils ne pas être réduits dans une marchandisation
des savoirs et par extension dans une marchandisation de leur être en tant que
détenteur de savoir ?
Afin de donner des éléments de réponse, un premier moyen peut être
utilisé : celui de considérer la circulation des savoirs au sein de la société. Pour
ce faire, une illustration sera faite à travers quatre schémas, issu d’un ouvrage
de l’OCDE sur l’impact social de l’éducation (CERI, 2007). L’intérêt étant
d’avoir une vision globale du processus d’éducation (ou d'apprentissage) et de
ses effets sur l’individu et la société.
2. Regard sur le processus d'éducation
Dans un emploi générique, le savoir est considéré comme un bien
commun ou une richesse collective, véhiculé par un vecteur privilégié qui est le
processus d’apprentissage. Ce processus est lui-même apprécié dans sa
globalité à travers le principe de formation tout au long de la vie,
l’apprentissage est reconnu dans des contextes multiples.
2. 1. Les effets du processus d'éducation
Ce premier tableau2 montre les effets du processus d’apprentissage sur des
retombées économiques et sociales d’une part et, sur les individus d’autre part.
Premièrement, il y a donc reconnaissance de l’impact socio-économique de
l’apprentissage d’un point de vue individuel et collectif selon des
2Principaux liens entre l’apprentissage, le développement des compétences et des capitaux
humain et social, et l’impact de l’apprentissage sur les sphères économique et sociale
(figure 2.1 p.42).
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caractéristiques financières et non financières. Le deuxième tableau3
schématise ces interactions afin d’en donner des exemples plus concrets :
Types d'effets du
processus d'éducation
Individuelles Collectives
Financières Rémunération, revenus,
patrimoine, productivité
Recettes fiscales
Coûts des transferts sociaux
Coûts des prestations de
santé
Non-financières État de santé
Satisfaction personnelle
Cohésion sociale, confiance
bon fonctionnement de la
démocratie, stabilité
politique
Nous voyons, de manière succincte, en quoi la circulation des savoirs au
sein de la société joue un rôle essentiel tant dans des échanges économiques
qu’au point de vue d’un bien-être général (satisfaction personnelle, cohésion
sociale). Le processus d'éducation entraîne ainsi des répercussions sociétales
que l'on peut analyser à travers le capital.
2. 2. Le processus d'éducation au regard du capital
Si l’on s’intéresse au point de vue de l’individu, le troisième tableau4
exprime les effets de l’apprentissage en terme d’actions sur deux formes de
capitaux : humain et social.
3 Les différents types de retombées économiques et sociales de l’éducation (tableau 2.3.
p.48, inspiré par les travaux de McMahon, W. (1997) « Conceptuel framework for
measuring the total social and private benefits of education », International Journal of
Educational Research, vol.27, pp.453-479).
4 Impact potentiel des expériences d’apprentissage sur les retombées sociales via leurs effets
sur les caractéristiques du sujet et la faculté d’action individuelle/collective (figure 3.2. p.
64).
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Le capital humain et le capital social, considérés comme variables
contextuelles générales, sont des paramètres d’entrée déterminants dans le
processus d’apprentissage et des retombées issues de ce même processus :
l’éducation jouant un rôle dans le développement et la promotion du capital
humain et social. Ces capitaux représentent l’influence du processus
d’apprentissage tant sur des caractéristiques individuelles que collectives, ce
qu'exprime le dernier schéma5.
Influences du processus
d'éducation
Capital humain Capital social
Aspect central Individu Relations sociales
Objet des mesures Durée de scolarisation
Qualifications
Talents
Attitudes/valeurs
Adhésion/participation
Degrés de confiance
Modèle Linéaire Interactif/circulaire
Cela ne donne de dimensions que très générales des interactions entre
principe de formation, individus et retombées sociales et économiques mais il y
a bien reconnaissance d’une richesse humaine caractéristiques individuelles
et collectives interagissent dans un processus de développement humain et
socio-économique.
À travers ces schémas, l’individu est représenté à travers trois termes
génériques : le capital humain, le capital social et les compétences. Ces
dernières pouvant être désignées par la capacité à répondre à des exigences
complexes et à pouvoir mobiliser et exploiter des ressources psychologiques
(dont des savoir-faire et attitudes) dans un contexte particulier. Le capital
humain représente les connaissances, les qualifications, les compétences et
caractéristiques individuelles qui facilitent la création de bien-être personnel,
social et économique enfin, le capital social concerne les réseaux ainsi que les
normes, les valeurs et les convictions communes qui facilitent la coopération
dans et entre les groupes.
Les notions employées sont tout autant générales que ce qu’elles tentent
de définir et les frontières entre les termes ne semblent pas très claires. Les
compétences font partie du capital humain et le capital social, mentionnant un
réseau interactif autour de l’individu, n’a pas toujours été séparé du capital
humain. Pour autant, dans une perspective de recherche, l’emploi de notion, de
termes ou de concept a nécessairement un sens et un fondement.
5 Différence entre capital humain et capital social (tableau 2.1. p.43. issu des travaux de
Schuller, T. (2001) « The complementary Roles of human and social capital », in
J.F.Helliwell, The contribution of human and social capital to sustained economic growth
and well-being, international symposium report, RHD Canade et OCDE, pp.89-106).
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