Le Mahæbhærata
ma‹ha‹Baa‹r‹ta‹
Mahæbhærata
åa‹id‹pa‹vaR Ædiparva
sa‹Baa‹pa‹vaR Sabhæparva
va‹na‹pa‹vaR Vanaparva
iva‹r‹a‹‹¢‹pa‹vaR Viræ†aparva
G‹‹dY‹ae‹g‹a‹pa‹vaR Udyogaparva
BaI‹xma‹pa‹vaR BhÒmaparva
%dae‹,‹a‹pa‹vaR Droaparva
Texte traduit du sanskrit
par Gilles Schaufelberger
et Guy Vincent
Tome V
2016
Préface de Gérard Fussman
Jusqu’en 1947, le sous-continent indien, politique-
ment unifié dans les dernières années de l’Empire
britannique seulement, s’appelait Hind ou Hindustan
en hindustani, India en anglais. Pour les nationalistes
hindous et musulmans qui rêvaient d’une Inde unifiée
et indépendante dans les frontières que l’Empire Bri-
tannique lui avait données, Hind comme India avait
l’avantage d’être une dénomination géographique sans
connotation religieuse. L’armée de libération de l’Inde
levée avec l’aide ou à l’initiative des Japonais par le Pan-
jabi de religion sikhe Mohan Singh et plus tard dirigée
par le Bengali hindou Subhas Chandra Bose, ancien
maire de Calcutta, s’appelait ainsi en hindustani Azad
Hind Fauj, trois mots urdu d’origine arabo-persane
signifiant «armée de l’Inde libre». Elle est plus connue
sous le nom que les Britanniques lui donnèrent après
la guerre : Indian National Army (INA). Elle incarnait
le rêve d’une Inde indépendante dont les habitants
cohabiteraient pacifiquement quelles que soient leur
langue, leur ethnie et leur religion. Malgré les tensions
extrêmes qui la parcouraient et les affrontements san-
glants qui déjà la déchiraient, cette Inde rêvée n’était
pas une impossibilité. Elle avait une culture commune :
12 LE MAHÆBHÆRATA
la conscience de l’existence d’une unité géographique
qui pouvait devenir une unité politique ; dans le nord,
une grande langue de culture à syntaxe indo-aryenne
(celle de l’hindi, pour faire court) et à deux registres
de vocabulaire, majoritairement arabo-persan (c’est ce
qu’on appelle l’urdu), plus ou moins indo-aryen, ara-
bo-persan, sanskrit ou dialectal selon la région d’origine
de son locuteur (le hindi, aujourd’hui de plus en plus
sanskritisé) ; des éléments de cuisine et de costume
communs à plusieurs régions ; une même passion pour
le chant, le spectacle et le cinéma ; un réseau commer-
cial et bancaire pan-indien ; des institutions communes
introduites par les Britanniques ; des partis politiques
pan-indiens. De cette culture commune faisaient par-
tie deux grands textes sanskrits, le Rāmāyaṇa et le
Mahābhārata, dont il existait des traductions en persan,
en bengali, en urdu, en hindi, en tamoul, en telugu, en
oriya etc. Peu de gens les avaient lus entièrement, ni
même les avaient lus car peu de gens savaient lire, mais
presque tous, musulmans et hindous, en avaient enten-
du des récitations partielles ou intégrales, en connais-
saient des épisodes devenus légendaires popularisés
par le chant, le théâtre et le cinéma, savaient le nom
des principaux protagonistes et pouvaient reconnaître
ceux-ci dans les chromos vendus au coin des rues, sur
les affiches de cinéma ou dans les annonces publici-
taires illustrées.
La partition de 1947 mit fin à beaucoup d’éléments
de cette culture commune. Le Pakistan, dont presque
toute la population de religion hindoue et sikhe dut fuir,
et qui s’est bâti sur une référence de plus en plus forte à
un islam de plus en plus radical, a tout fait pour éliminer
de sa culture tout élément hindou. Y représenter au-
jourd’hui un épisode du Rāmāyaṇa ou du Mahābhārata
PRÉFACE 13
serait s’exposer à une accusation d’apostasie et risquer
la peine de mort. Mais la télévision diffusée par sa-
tellites n’a pas de frontières et beaucoup au Pakistan
connaissent au moins de nom ces œuvres popularisées
en Inde par le cinéma et les séries télévisées. Quant
à savoir s’ils s’y intéressent vraiment et si le physique
des actrices et leur gestuelle ne les passionnent pas plus
que l’histoire, je ne saurais le dire.
La République Indienne devenue indépendante,
gardant le rêve d’une Inde multiraciale et multireli-
gieuse, conserva dans sa lingua franca officielle, l’an-
glais, le nom d’India (Indian Republic ou simplement
India). Témoignage de l’importance culturelle du
Mahābhārata, Indian Republic devint en hindi forte-
ment sanskritisé Bhāratiya Gaṇarājya, littéralement
«l’État républicain des descendants de Bharata» La plupart
des Indiens, surtout dans les régions non hindiphones,
continuèrent à employer Hind ou India. Je n’ai jamais
entendu personne appeler la Bhāratiya Vāyu Senā au-
trement qu’Indian Air Force. Ce sont les initiales IAF
que l’on utilise pour la désigner. Le Mahābhārata resta
une référence culturelle pan-indienne, connue de tous,
y compris dans le sud de l’Inde qui parfois rechigne à
accepter le poids culturel et linguistique de l’Inde du
nord où se déroule toute l’action de l’épopée. On en
citera deux exemples seulement, le Tamilnad, où cinq
petits monuments monolithiques de Mahābalipuram
sont considérés comme représentant les cinq chars de
guerre des Pāṇḍavas, et le Kerala dont le théâtre katha-
kali met souvent en scène des épisodes du Mahābhāra-
ta. Quant aux musulmans de la République Indienne, ils
étaient, tout comme leurs compatriotes hindous, rivés
le dimanche matin devant leur écran lorsque, de 1988
à 1990, la télévision nationale (Doordarshan) diffusa en
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