12 LE MAHÆBHÆRATA
la conscience de l’existence d’une unité géographique
qui pouvait devenir une unité politique ; dans le nord,
une grande langue de culture à syntaxe indo-aryenne
(celle de l’hindi, pour faire court) et à deux registres
de vocabulaire, majoritairement arabo-persan (c’est ce
qu’on appelle l’urdu), plus ou moins indo-aryen, ara-
bo-persan, sanskrit ou dialectal selon la région d’origine
de son locuteur (le hindi, aujourd’hui de plus en plus
sanskritisé) ; des éléments de cuisine et de costume
communs à plusieurs régions ; une même passion pour
le chant, le spectacle et le cinéma ; un réseau commer-
cial et bancaire pan-indien ; des institutions communes
introduites par les Britanniques ; des partis politiques
pan-indiens. De cette culture commune faisaient par-
tie deux grands textes sanskrits, le Rāmāyaṇa et le
Mahābhārata, dont il existait des traductions en persan,
en bengali, en urdu, en hindi, en tamoul, en telugu, en
oriya etc. Peu de gens les avaient lus entièrement, ni
même les avaient lus car peu de gens savaient lire, mais
presque tous, musulmans et hindous, en avaient enten-
du des récitations partielles ou intégrales, en connais-
saient des épisodes devenus légendaires popularisés
par le chant, le théâtre et le cinéma, savaient le nom
des principaux protagonistes et pouvaient reconnaître
ceux-ci dans les chromos vendus au coin des rues, sur
les affiches de cinéma ou dans les annonces publici-
taires illustrées.
La partition de 1947 mit fin à beaucoup d’éléments
de cette culture commune. Le Pakistan, dont presque
toute la population de religion hindoue et sikhe dut fuir,
et qui s’est bâti sur une référence de plus en plus forte à
un islam de plus en plus radical, a tout fait pour éliminer
de sa culture tout élément hindou. Y représenter au-
jourd’hui un épisode du Rāmāyaṇa ou du Mahābhārata