I2c: un instrument pour la didactique universitaire de la

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Education en contextes pluriculturels : la recherche entre bilan et prospectives, Genève 2007
I2c: un instrument pour la didactique
universitaire de la communication
interculturelle
Edo Poglia*, Manuel Mauri Brusa**
Université de la Suisse italienne,
Via Buffi 13, 6900 Lugano, Suisse
*[email protected] ; **manuel.mauri@lu.unisi.ch
RÉSUMÉ : On assiste actuellement, dans divers secteurs professionnels, à un accroissement
sensible de la demande de compétences interculturelles et particulièrement de compétences de
communication interculturelle.
L’université et les autres institutions d’enseignement supérieur (ex celles qui forment les
enseignants) se doivent de répondre à ces demandes en offrant des formations appropriées.
L’article présente une de ces offres de formation : le cours multimédial I2C, développé dans le
cadre du programme Campus virtuel suisse, par l’université de la Suisse italienne à Lugano en
collaboration avec celles de Neuchâtel et Genève. Ce cours a la particularité de faire appel à une
riche palette de matériaux didactiques (audiovisuels, études de cas, jeux de rôle, etc) disponibles
on-line ou sur DVD.
La conception de ce cours a été précédée par un travail de clarification épistémologique
concernant la communication interculturelle et les apports des différentes disciplines scientifiques
qui s’en occupent, travail présenté dans la première partie de cet article.
MOTS-CLES : Communication interculturelle, épistémologie, didactique multimédiale,
enseignement supérieur
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1. Demande professionnelle et offre universitaire de compétences de
communication interculturelle
a) L’exigence de disposer de meilleures compétences dans le domaine de la
communication interculturelle (ci-après : CI) est aujourd’hui ressentie dans de nombreux
secteurs de la vie professionnelle, notamment par les entreprises actives sur le marché
globalisé (ex Adler, 2002), les institutions publiques et privées qui s’occupent
d’intégration des migrants, par les services (sociaux, de santé, de sécurité publique)
touchant des publics multiculturels, ainsi que par les organisations internationales et
naturellement par les écoles avec une forte présence d’élèves de provenance culturelle
hétérogène.
Pour les professionnels actifs dans ces domaines il s’agit notamment des instruments
pour pouvoir acquérir, de manière autonome, les connaissances nécessaires sur les
différentes réalités culturelle spécifiques avec les quelles ils sont confrontés, de la
capacité d’interagir de manière appropriée avec des interlocuteurs « culturellement
différents » et d’une attitude suffisamment positive envers la différence culturelle alliée
à une capacité de créer une certaine distanciation avec sa propre culture comme avec
celle des autres.
Les institutions de formation, notamment celles universitaires sont ainsi de plus en
plus conviées à offrir ces compétences, lesquelles ne peuvent pas se résumer à quelques
grands principes éthiques (nécessaires…) ou quelques recettes éprouvées (même si elles
le sont souvent aussi…), mais qui impliquent en tout cas, outres les capacités et attitudes
précitées:
- une connaissance, pour le moins élémentaire, des processus psychologiques, sociaux
et culturels qui sont à la base des problèmes et des potentialités de la CI,
- une familiarité suffisante avec les modalités et les instruments de communication
appropriés aux divers types de communication interculturelle,
- la capacité pratique mais aussi l’attitude appropriée permettant de les appliquer dans
différents contextes: éducation, gestion du personnel, médiation, etc.
Les compétences en CI requises par le marché du travail sont partiellement
communes à ces divers contextes, mais une partie est spécifique au cadre professionnel
et socio-culturel (école ou formation d’adultes, entreprise ou administration, etc.)
Improving intercultural communication
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b) Pour le moment, les institutions universitaires européennes (y compris celles
spécifiquement professionnalisantes 1) commencent seulement à s’engager sur ce terrain
et ceci pour différentes raisons:
- une certaine réticence à faire de la place à ces nouveaux thèmes dans des curricula
déjà chargés,
- la difficulté d’intégrer les apports (nécessaires) de différentes disciplines
scientifiques dans une offre didactique cohérente dont le volume est nécessairement
limité et qui en outre doit être adaptée à des champs professionnels spécifiques (ex.
formation des enseignants),
- le peu d’efficacité des modèles didactiques traditionnels dans un domaine où il ne
s’agit pas seulement de « dire » et « expliquer », mais souvent aussi de « montrer »
et « faire ressentir ».
c) Pour donner une idée de la variabilité de cette demande de compétences et aussi des
problèmes de CI en amont de celle-ci, nous proposons ci-après un choix de quelques
situations, tirées d’une série d’études de cas proposées par des professionnels qui on
suivi l’une ou l’autre des trois éditions de l’executive Master en Communication
Interculturelle dénommé MIC 2) : cfr Poglia (2005) :
- Problèmes de communication interne dans une ONG européenne qui œuvre contre
l’infanticide féminin au Tamil Nadu, problèmes liés à la fois aux différentes cultures
1 En Suisse: Hautes Ecoles Spécialisées et Hautes Ecoles Pédagogiques : ce sont probablement
ces dernières institutions qui portent l’intérêt plus marqué aux problématiques interculturelles (ex
Sieber, Bischoff, 2007).
2 L’Executive Master en Communication Interculturelle (MIC) que la Faculté de Sciences de la
Communication de l’Université de la Suisse italienne de Lugano offre à des professionnels, tels
des responsables de la communication ou des responsables de projets dans des institutions
publiques et privées ainsi que dans des entreprises qui œuvrent dans un contexte (interne ou/et
externe) multiculturel. Pour chacune des trois éditions des cette formation (qui a débuté en 2004),
25 à 30 professionnels suisses et étrangers provenant de divers pays d’Europe mais aussi
d’Afrique, Amérique et Asie, actifs dans les plus différentes professions (tels que responsables de
projet d’Organisations internationales, notamment dans le secteur de l’aide au développement,
administrateurs nationaux ou locaux, ecclésiastiques, enseignants, responsables de la
communication dans des ONG, etc.) et ayant des formations de base très variées (sciences
sociales, économie, journalisme, pédagogie, architecture, design, etc.) ont suivi les cours et
séminaires de professeurs universitaires et de professionnels de haut niveau avec des provenances
nationales et disciplinaires presqu’autant variées.
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en présence (ex manières contrastées de considérer les rapports homme-femme)
mais aussi aux différences de classe, de caste et de niveau de formation,
- Campagne de communication - très problématique - sur le SIDA gérée par un
congolais (catholique) au Sénégal (où l’islam est prédominant) pour le compte
d’une ONG européenne,
- Problèmes de gestion de la communication entre les services sociaux d’une ville
suisse-alémanique et des demandeurs d’asile (femmes africaines en particulier),
difficultés sur lesquelles tente d’intervenir une médiatrice, elle-même africaine,
- Problèmes rencontrés par un opérateur social, actif dans le secteur de l’intégration
des jeunes de très récente immigration en Suisse, face à des familles transnationales
n’ayant pas une langue commune entre leurs membres (ex chinois, italien, anglais)
au moment du regroupement familial sur sol suisse,
- Problèmes de gestion des controverses politiques locales liées au séjour de
Tziganes sur des terrains appartenant à des communes suisses, avec l’intervention
des média et en filigrane les contrapositions idéologiques et électorales entre partis
politiques,
- Problèmes liés à la diffusion d’un magazine qui opère sur le « marché ethno » dans
une grande métropole italienne,
- Problèmes de gestion (sociale et didactique) de groupes d’étudiants saoudiens dans
le contexte d’une grande université hollandaise,
- Problèmes liés à la sensibilisation à la multiculturalité du personnel d’un corps de
police cantonal ou du personnel sanitaire d’un grand hôpital,
- Problèmes de gestion des relations entre cadres suisses et cadres anglais dans
une entreprise suisse récemment rachetée par une multinationale britannique.
Si, aux delà des cas précités, on considère de manière globale les demandes de
compétences des participant(e)s 3) à ce Master, on constate qu’il s’agit, en premier lieu,
de celles nécessaires pour maîtriser l’inéducable complexité des situations de CI
auxquelles ils sont confrontés, situations caractérisées par un mélange d’attitudes et
langages différents, impliquant des valeurs et des représentations des autres ainsi que
3 Pour ne pas surcharger le texte nous n’avons pas systématiquement utilisée la forme masculine +
féminine.
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traditions divergentes, le tout influencé par les effets des stratifications sociales et par la
répartition inégale du capital culturel et social.
Ensuite leur demande pressante porte sur les instruments nécessaires à l’intervention
professionnelle: des informations et des connaissances spécifiques, des concepts et
modèles d’explication (d’utilisation facile si possible…) et spécialement des modèles
d’action, des procédures-type, des best-practices.
Naturellement une forte demande porte aussi sur la panoplie d’outils nécessaires - en
situation de CI encore plus que dans n’importe quelle autre situation professionnelle -
pour l’implémentation d’une bonne :
- communication interpersonnelle (verbale et non-verbale, par ex. dans le contexte de
la négociation)
- gestion de la communication médiale (tant celle générée par les mass-médias que
celle implémentée par leur intermédiaire)
- utilisation des différentes technologies la communication adaptée aux situations de
CI
Au-delà de ces demandes opérationnelles un idéal pointe aussi : celui de pouvoir
disposer des instruments qui permettraient de réaliser les grandes potentialités positives
que chacun d’eux entrevoit dans la multiculturalité (enrichissement culturel et
émotionnel, amélioration des relations humaines, etc).
L’analyse de la demande de ces compétences en CI qui émane des professionnels
insérés dans les secteurs avec une forte présence multiculturelle, nous a paru utile, voire
nécessaire, non seulement pour planifier les offres de formation qui leurs sont adressées,
mais aussi pour concevoir celles adressées aux jeunes étudiant(e)s universitaires qui se
destinent par la suite à œuvrer dans ces secteurs.
Du point de vue du design didactique, la différence essentielle entre les deux offres
de formation est due au fait que les professionnels peuvent puiser dans leur réservoir
d’expériences de CI : pour eux la théorie est donc un instrument bienvenu pour décrire et
expliquer une réalité qu’ils connaissent, alors que pour les étudiants inexpérimentés cet
ancrage fait défaut.
Il s’agit, dans ce cas, de pouvoir rendre visibles, vivantes, « palpables », des
« tranches de réalité » de CI : performance difficile à réaliser avec les outils didactiques
traditionnels (parole, textes,…). Les documents audio-visuels, les études de cas, les
récits directs etc. deviennent alors d’autant plus nécessaires pour une didactique efficace.
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