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Les temps forts
de l’ASCO®-GU 2013
dossier
thématique
Actualités sur le cancer du rein
Update on kidney cancer
S. Oudard*
» Un risque cardiovasculaire chez les patients néphrectomisés doit
A cardiovascular risk in patients nephrectomized must be
taken into account in the presurgical check-up.
être pris en compte dans le bilan préchirurgical.
sont négatifs en termes de survie sans progression (SSP). La médiane
de SSP est de 10,1 mois pour l’axitinib versus 6,5 mois pour le
sorafénib (HR = 0,77 ; IC95 : 0,56-1,05 ; p = 0,038). Malgré les résultats
négatifs en phase III avec l’axitinib, l’étude de phase II de titration
des doses rapporte des taux de réponse pour l’axitinib de 48 % et
une médiane de SSP de 14,6 mois.
» Deux inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) de deuxième génération,
le pazopanib et le tivozanib, ont montré leur intérêt en termes
d’efficacité et surtout de tolérance.
» Confirmation des résultats intéressants avec l’anti-PD1 (nivolumab)
et attente de la finalisation de l’étude de phase III comparant le
nivolumab à l’évérolimus après ITK.
highlights
P o i nt s f o rt s
» Les résultats de l’étude AGILE 1051 comparant l’axitinib au sorafénib
Mots-clés : Axitinib − Titration des doses − Nivolumab − Nouveaux ITK.
14
Two second-generation TKI, pazopanib and tivozanib,
have shown their interest in terms of efficiency and
especially tolerance.
Confirmation of interesting results with anti-PD1
(nivolumab) and pending the completion of the phase III
study comparing everolimus versus nivolumab post TKIs.
Keywords: Axitinib − Dose titration − Nivolumab − New TKIs.
Actualité moléculaire
*Service de cancérologie
médicale,
hôpital européen
Georges-Pompidou,
Paris.
The results of the AGILE 1051 study comparing axitinib
versus sorafenib are negative in terms of PFS. The median
PFS was 10.1 months for axitinib versus 6.5 months for
sorafenib (HR = 0.77; CI95: 0.56 to 1.05; p = 0.038). Despite
the negative results in phase III axitinib study, the phase II
dose titration reported response rates for axitinib of 48%
and a median PFS of 14.6 months.
Le pronostic des patients souffrant d’un cancer du
rein se fonde aujourd’hui, dans le cas d’une maladie
localisée, sur le stade TNM, la taille de la tumeur, le
grade de Fuhrman et la nécrose tumorale, et, dans le cas
d’une maladie métastatique, sur les critères de Motzer
ou, plus récemment, de Heng. Un certain nombre de
gènes de prédisposition au cancer du rein ont été mis
en évidence, comme le gène du VHL, par exemple.
D’autres gènes sont impliqués dans le cancer du rein
à cellules claires, comme le PBRM1 (polybromo 1), muté
dans 41 % des cas, le SETD2, le KDM6A (UTX), ou le
KDM5C (JARIDIC). À partir d’une série de 145 patients
néphrectomisés, l’équipe de J. Brugarolas (1) a identifié
un nouveau gène, le BAP1 (BRCA1-associated protein-1),
muté dans 15 % des cas dans les carcinomes à cellules
claires. Les mutations de BAP1 et de PBRM1 sont
mutuellement exclusives, et les mutations de BAP1
sont plutôt retrouvées chez les patients avec un grade
de Fuhrman élevé, contrairement à celles de PBRM1.
Les patients ayant une mutation de BAP1 ont une
survie de 4,6 ans, versus 10,6 ans pour ceux ayant une
mutation de PBRM1, résultat confirmé sur une série de
validation (n = 327). Les rares patients (1 à 2 %) qui ont
les 2 mutations sur les 2 gènes ont le pronostic le plus
défavorable (2,1 ans). Ces résultats établissent la base
d’une classification pronostique utilisant ces données
moléculaires pour le suivi des sujets et les stratégies
thérapeutiques. La recherche de biomarqueurs, et
en particulier celle de biomarqueurs prédictifs de la
réponse aux antiangiogéniques, est une des clés du
succès et doit constituer une priorité.
Consultation d’oncogénétique
Un à 4 % des cancers du rein sont héréditaires. Il n’existe
pas de règles définies pour adresser un patient en
consultation d’oncogénétique. Une analyse de la SEER
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2013
Actualités sur le cancer du rein
(Surveillance and Epidemiology and End Results) et de la
base de données des patients atteints d’un cancer du
rein héréditaire a été présentée par l’équipe du National
Cancer Institute de Bethesda (2). L’âge a été comparé
au sexe, à la race, à l’histologie et à la présence d’un
syndrome héréditaire. L’âge médian au moment du
diagnostic de cancer du rein est de 64 ans. Le dixième
percentile de la population générale est de 46 ans.
L’âge médian des 608 patients ayant un cancer du rein
héréditaire est de 37 ans. En l’absence de symptômes
dans les familles à risque, l’âge de la détection et de
la consultation d’oncogénétique devrait être inférieur
à 46 ans.
Surveillance des petites masses rénales
La chirurgie est le traitement habituel des petites
masses rénales. Cependant, la découverte des masses
de façon inopinée, sans symptôme, ne doit pas systématiquement faire envisager une chirurgie. À partir de
la base de données de la SEER, une étude rétrospective
a été réalisée sur des patients âgés de 66 ans ou plus
répartis entre traitement chirurgical et surveillance
pour une masse rénale de moins de 4 cm diagnostiquée entre 2000 et 2007 (3). Parmi 8 317 patients, 7 148
avaient une preuve histologique de tumeur rénale ;
5 564 d’entre eux (78 %) ont eu une chirurgie (néphrectomie élargie [65 %] versus néphrectomie partielle
[35 %]), et 22 % n’ont bénéficié que d’une surveillance.
Seuls 6 % des sujets (n = 100) du groupe surveillance
ont ensuite bénéficié d’une chirurgie. Le suivi médian
de cette étude est de seulement 5 ans environ. Au cours
du temps, 1 536 patients sont décédés, 24 % dans le
bras chirurgie et 13 % dans le bras surveillance. Dans
ce même bras, une diminution du risque de décès
était notée, toutes causes confondues. Les complications cardiaques ont été plus nombreuses dans le bras
chirurgie que dans le bras surveillance (27 % versus
13 %). On observe une réduction du risque de complications cardiaques de 49 % (HR = 0,51 ; IC95 : 0,440,60) dans le bras surveillance. Cette étude conclut
à une majoration du risque cardiovasculaire dans le
bras chirurgie. Elle comporte néanmoins beaucoup
de biais, et aucune donnée n’est apportée quant aux
caractéristiques initiales des patients, en particulier en
termes de comorbidités. Par ailleurs, cette étude ne
s’adressait qu’aux sujets de plus de 65 ans et ne doit
pas être généralisée. Le risque est de laisser en place
une tumeur potentiellement létale, et il n’existe pas,
aujourd’hui, de données permettant de caractériser
une tumeur “indolente”.
Prise en charge des lésions
classées Bosniak IIF, III et IV
Une étude rétrospective portant sur une population de
patients ayant des lésions classées Bosniak IIF (n = 143),
III (n = 114) et IV (n = 29) a été réalisée (4). Les patients
ont été soit traités par chirurgie, soit traités par radiofréquence, soit mis sous surveillance. Les complications ont été enregistrées en utilisant la classification
de Clavien. Très peu de patients ont présenté une progression métastatique. Des complications modérées
à sévères ont été enregistrées avec la chirurgie (19 %
[16/86]) et avec les traitements thermoablatifs (5 %
[1/19]) ; aucune complication n’a été observée avec
la surveillance par imagerie simple (n = 181). Le coût
est 2 fois plus important pour la chirurgie que pour
la thermoablation (p = 0,001). Aucun décès n’a été à
déplorer avec aucune des stratégies proposées.
Essais randomisés dans le cancer
du rein métastatique en première ligne
Étude de phase III : axitinib versus sorafénib
Dans l’étude AXIS, l’axitinib avait été comparé au sorafénib et avait démontré un avantage en survie sans
progression (SSP). Une étude de phase III a été conduite
en première ligne de façon à comparer ces 2 molécules,
avec comme objectif une augmentation de la SSP de
78 % avec une puissance de 90 % (passage d’une SSP de
5,5 mois à 9,8 mois, correspondant à un HR de 0,56) [5].
Les patients souffrant d’un cancer du rein métastatique
à cellules claires (n = 288) et ayant un performance status
(PS) de 0 ou 1 ont été randomisés (2:1) entre axitinib
(5 mg × 2/j) et sorafénib (400 mg × 2/j per os). Les
sujets étaient stratifiés en fonction du PS. La médiane
de la SSP est de 10,1 mois pour l’axitinib et de 6,5 mois
pour le sorafénib (HR = 0,77 ; IC95 : 0,56-1,05 [p = 0,038]).
Pour les patients avec un PS à 0, la SSP est de 13,7 et de
6,6 mois, respectivement (p = 0,022) ; pour ceux avec un
PS à 1, la médiane de SSP est respectivement de 6,5 et
de 6,4 mois (p = 0,38). Le taux de réponse est de 32,3
versus 14,6 % en faveur de l’axitinib (p = 0,0006) ajusté
au PS (figure 1, p. 16). L’intensité relative de dose est
excellente pour les 2 bras, avec une possibilité d’escalade de dose pour l’axitinib (125 % versus 98 % pour le
sorafénib). Les données de survie ne sont pas encore
matures. L’axitinib s’accompagne de plus de toxicités
(> 20 % tous grades) : diarrhées (50 % versus 40 %),
hypertension (49 % versus 29 %), perte de poids (37 %
versus 24 %), fatigue (33 % versus 26 %), anorexie (29 %
versus 19 %), dysphonie (23 % versus 10 %), asthénie
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2013
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(21 % versus 16 %) et hypothyroïdie (21 % versus 7 %).
Le critère principal de cette étude est considéré comme
négatif, et les toxicités avec l’axitinib sont plus importantes. Les patients n’étaient pas initialement classés
en fonction des critères de Motzer ou de Heng. Le choix
d’une SSP à 5,5 mois pour le sorafénib était très hasardeux, si l’on considère toutes les études de phase II ou
de phase III plus récentes rapportant des SSP situées
entre 5,8 et 9,1 mois (6).
Essai BEST
L’essai BEST (7) cherchait à démontrer que des combinaisons de traitements pouvaient améliorer la SSP par
rapport à un traitement en monothérapie par bévacizumab. L’objectif était une SSP de 15 mois avec les
combinaisons, versus 9 mois avec la monothérapie,
soit une différence de 67 %. Les 4 bras de traitement
en première ligne étaient les suivants :
✓ bévacizumab seul (10 mg/kg toutes les 2 semaines) ;
✓ bévacizumab (10 mg/kg toutes les 2 semaines) +
temsirolimus (25 mg/sem.) ;
✓ bévacizumab (5 mg/kg toutes les 2 semaines) +
sorafénib (400 mg 5 jours sur 7) ;
✓ sorafénib (400 mg en continu) + temsirolimus
(25 mg/sem.) [tableau I].
Tableau I. Résultats de l’étude de phase II randomisée BEST dans le cancer du rein métastatique en première ligne.
Bévacizumab
Bévacizumab + Bévacizumab +
temsirolimus
sorafénib
Sorafénib +
temsirolimus
SSP (mois)
8,7
7,3
11,3
7,7
ORR (%)
12
28
30
27
SSP : survie sans progression. ORR : taux de réponse.
Réponse objective (%)
100
p = 0,019*
80
60
48 %
59 %
54 %
34 %
40
20
0
Total†
(n = 213)
*
†
Titration
effective
(n = 56)
Placebo
(n = 56)
Non randomisés
(n = 91)
Valeur du p (test de Cochran-Mantel-Haenszel) avec stratification en fonction de l’ECOG PS.
Inclut 10 patients retirés de l’étude pendant le premier cycle d’axitinib.
Figure 1. Taux de réponse objective en fonction des bras de traitement (titration effective versus placebo
ou patients non randomisés en raison d’une toxicité dès le premier cycle d’axitinib).
16
Les patients étaient stratifiés en fonction des critères
de Motzer et de l’existence ou non du traitement par
immunothérapie ou d’un vaccin antérieur. Environ
87 % des patients avaient subi une néphrectomie
avant de commencer le traitement. Aucune différence n’a été observée en termes de SSP ni de survie
globale (tableau I). Les toxicités étaient plus fréquentes
dans les bras combinaisons, et plus graves. Malgré le
fait que cette étude utilise comme comparateur un
traitement non référencé (le bévacizumab en monothérapie), encore une fois les traitements combinés
n’améliorent pas la SSP par rapport à un traitement
en monothérapie.
Étude COMPARZ :
nouvelles données de qualité de vie
Le pazopanib est un inhibiteur de tyrosine kinase
(ITK) qui a démontré sa supériorité par rapport à un
placebo dans une étude de phase III randomisée
regroupant des patients atteints d’un cancer du
rein métastatique prétraités ou non par cytokine.
La courbe de SSP des 155 patients naïfs de traitement systémique, avec une médiane de 11,1 mois,
se rapproche de celle obtenue avec le sunitinib ou le
bévacizumab associé à l’interféron, mais le profil de
toxicité semble plus intéressant. Cela a motivé une
AMM européenne conditionnelle et la réalisation de
l’étude de phase III randomisée de non-infériorité
COMPARZ, comparant le pazopanib et le sunitinib
en première ligne métastatique. Les résultats portant
sur la qualité de vie ont été rapportés à la suite de la
présentation faite à l’ESMO sur les données de SSP
et de toxicité en faveur du pazopanib (8). Les 4 questionnaires FACIT-F (Functional Assessment of Chronic
Illness Therapy-Fatigue), FKSI-19 (Functional Assessment
of Cancer Therapy-Kidney Symptom Index-19), CTSQ
(Cancer Therapy Satisfaction Questionnaire) et SQLQ
(Supplementary Quality of Life Questionnaire) ont été
utilisés. Hormis le CTSQ, tous les questionnaires ont
été donnés aux patients tous les 28 jours. Pendant
les 6 premiers mois, tous les questionnaires sont en
faveur du pazopanib (p = 0,05). Ces résultats vont dans
le sens de l’étude PISCES sur la préférence du patient,
très en faveur du pazopanib (70 % des cas). Par ailleurs,
une comparaison a été réalisée entre les populations
asiatiques, nord-américaines et européennes sur la SSP
et la toxicité. Les SSP sont semblables, mais on enregistre plus de toxicités de type syndrome mains-pieds,
hypertension, toxicités hépatique et hématologique
dans la population asiatique. On note en revanche
plus de troubles digestifs et de céphalées dans la
population asiatique (9).
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2013
Actualités sur le cancer du rein
Étude TIVO-1 : nouvelles données
Le tivozanib est un ITK oral inhibant les récepteurs
VEGF-1, -2 et -3, sans effet sur le PDFR, c-kit et raf. Les
résultats de l’étude de phase II évaluant le tivozanib
ont été publiés dans le Journal of Clinical Oncology en
2012 et montraient une SSP de 11,7 mois. Les résultats de la phase III comparant le tivozanib (1,5 mg/j,
3 semaines sur 4) au sorafénib (400 mg × 2/j) ont été
présentés à l’ASCO® en 2012 et montraient un avantage
en termes de SSP pour le tivozanib (11,9 mois [IC95 : 9,314,7] versus 9,1 mois [IC95 : 7,3-9,5] ; p = 0,042). Dans le
sous-groupe des patients non prétraités par immunothérapie, la SSP était de 12,7 mois pour le tivozanib.
Les données de survie globale ont été présentées à
l’ASCO® GU et montrent une tendance à une meilleure
survie sous sorafénib que sous tivozanib (29,3 mois
versus 28,8 mois [HR = 1,25 ; p = 0,1]) [10]. Une analyse
en sous-groupes a été réalisée en se basant sur des
critères prédéfinis : origine géographique, PS, patients
n’ayant jamais reçu de traitement ou ayant reçu une
première ligne d’immunothérapie, critères de Motzer et
de Heng, nombre d’organes métastatiquement envahis,
modification de la tension artérielle sous traitement.
Une amélioration significative de la SSP sous tivozanib
a été rapportée pour tous les sous-groupes suivants :
population nord-américaine/européenne, PS coté à 0,
patients n’ayant jamais reçu de traitement, critères de
Motzer favorables et critères de Heng favorables et
intermédiaires, nombre d’organes métastatiquement
envahis de 2 ou plus. Concernant les modifications
de la tension artérielle sous traitement, quel que soit
l’antiangiogénique administré, il existe une corrélation
entre hypertension et amélioration de la SSP (11). Enfin,
une analyse a été réalisée concernant les patients qui
ont progressé sous sorafénib et qui ont reçu le tivozanib
en deuxième ligne dans le cadre du protocole TIVO-1. Le
tivozanib est efficace après progression sous sorafénib,
avec un taux de réponse objective (RECIST 1.0) de 13 %,
un bénéfice clinique de 74 % et une SSP de 8,4 mois.
Cette efficacité pourrait expliquer l’absence de différence de survie entre les 2 groupes, qui n’apparaissait
pas dans les résultats présentés par R.J. Motzer (10).
Il n’existe pas de toxicité cumulative, et le tivozanib
en deuxième ligne a le même profil de toxicité qu’en
première ligne.
Concernant les données de qualité de vie, D. Cella (12)
a présenté les résultats fondés sur l’évaluation de 2
des 3 questionnaires FACT-G (Functional Assessment
of Cancer Therapy-General), FKSI-DRS (FACT-Kidney
Symptom Index Disease Related Symptom) et EQ-5D
(EuroQoL 5-dimensional). Les questionnaires étaient
remis aux patients juste avant qu’ils commencent
l’étude et à chaque cycle de traitement. L’analyse a
porté sur 509 patients et démontre un avantage du
tivozanib en termes de qualité de vie quel que soit le
questionnaire utilisé. Une différence en termes de bienêtre est notée en faveur du tivozanib (37,4 versus 25,2 %
[p ≤ 0,01]). Le temps médian jusqu’à la détérioration
de la qualité de vie (FACT-G) est plus long dans le bras
tivozanib (3,8 versus 2,8 mois).
Étude de titration de l’axitinib :
données nouvelles
L’axitinib est un ITK de deuxième génération qui a
démontré une activité supérieure à celle du sorafénib
en traitement de deuxième ligne dans le cancer du rein
métastatique (étude AXIS). L’étude de titration avait
été présentée à l’ASCO® en 2012 et a été actualisée à
l’ASCO® GU cette année (13). Tous les patients recevaient
un cycle d’axitinib (5 mg × 2/j pendant 4 semaines), puis
étaient randomisés entre escalade de dose de l’axitinib
jusqu’à 7 voire 10 mg × 2/j et placebo (figure 2, p. 18).
Les patients n’ayant pas d’hypertension artérielle ni de
toxicité de grade 3-4, chez qui la dose n’avait pas été
réduite et qui recevaient moins de 2 antihypertenseurs
pouvaient participer à la phase de randomisation. Le
critère principal était le taux de réponse objective.
Parmi les 213 patients inclus, 112 ont été randomisés
entre escalade de dose et placebo. La levée d’aveugle
a été faite et montre un taux de réponse de 54 % versus
34 % en faveur de la titration (tableau II). Le taux de
réponse globale tous patients confondus est de 48 % ;
le taux est plus élevé pour les patients qui n’ont pu
participer à la phase de randomisation en raison d’un
des critères d’exclusion : 59 %. La médiane de la SSP
est de 14,6 mois (IC95 : 11,5-17,5 mois). Il n’y a pas de
Tableau II. Efficacité clinique de l’axitinib.
Taux de réponse
objective
(IC95)
Total*
(n = 213)
Titration
effective
(n = 56)
Placebo
(n = 56)
Non
randomisés
(n = 91)
48 %
(42-55)
54 %
(40-67)
34 %
(22-48)
59 %
(49-70)
15,7
(8,3-19,4)
16,6
(11,2-22,5)
p = 0,019
SSP depuis la première
dose d’axitinib
Médiane (mois)
(IC95)
HR (IC95)
14,6
(11,5-17,5)
14,5
(9,2-24,5)
0,85 (0,54-1,35)
p = 0,244
* Inclut 10 patients retirés de l’étude pendant le premier cycle d’axitinib.
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17
Les temps forts
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dossier
thématique
R
Axitinib 5 mg
2 fois par jour
(4 sem.)
Critères de randomisation* :
t1"ɉNN)H
FUɉBOUJIZQFSUFOTFVST
t1BTEFUPYJDJUÏTEFHSBEF
MJÏFTËMBYJUJOJC
t1BTEFSÏEVDUJPOEFEPTF
Bras A
Axitinib 5 mg 2 fois par jour
+
5JUSBUJPOFõFDUJWF† (axitinib)
FOBWFVHMF
OUI
"
4
4
*
(
/
²
NON
Évaluations
t.FTVSFEFTNBTTFTUVNPSBMFTQBSDSJUÒSFT3&$*45BWBOUUSBJUFNFOU
BVYTFNBJOFTFUEVUSBJUFNFOUFUUPVTMFTNPJTFOTVJUF
t5PYJDJUÏ$5$"&WFSTJPO
Bras B
Axitinib 5 mg 2 fois par jour
+
QMBDFCP
UJUSBUJPOEFEPTF†
FOBWFVHMF
Bras C
Axitinib 5 mg 2 fois par jour
QBTEFUJUSBUJPOEFEPTF
* Pour au moins 2 semaines consécutives.
† Escalade de dose : 7 mg 2 fois par jour puis 10 mg 2 fois par jour.
Figure 2. Schéma de l’étude de phase II randomisée de titration des doses de l’axitinib.
différence en termes de SSP entre escalade de dose
et placebo (14,5 mois [IC95 : 9,2-24,5] versus 15,7 mois
[IC95 : 8,3-19,4] ; p = 0,2). L’incidence de l’hypertension
(tous grades, grade 3-4) est plus élevée dans le bras
titration que dans le bras placebo (61 et 18 % ; 43 et
9 %). Les données de pharmacocinétique sont en cours
d’analyse ainsi que celles sur les biomarqueurs.
Évaluation de nouvelles molécules
Activité de l’anti-PD-1
L’anticorps anti-PD-1 (nivolumab) a été testé chez
des patients souffrant d’un cancer du rein métastatique et prétraités par immunothérapie et/ou
antiangiogéniques. Une actualisation de l’activité de
cet anticorps a été faite sur 34 patients largement prétraités (plus de 40 % prétraités par au moins 3 traitements, plus de 70 % par antiangiogéniques et 60 % par
immunothérapie). Les doses étaient de 1 ou 10 mg/kg
toutes les 2 semaines. Les toxicités principales (tous
grades) sont la fatigue (41 %), les réactions cutanées
et le prurit (27 et 18 %), et les diarrhées (15 %). Le taux
de réponse objective est de 29 % ; la SSP à 6 mois
est de 58 %, avec des réponses très prolongées. Une
étude internationale de phase III est en cours afin de
déterminer l’intérêt de cette molécule après un ITK
(en deuxième ou troisième ligne) par rapport à un
bras témoin sous évérolimus. L’expression de PD-1
semble corrélée à la réponse thérapeutique, et une
18
évaluation sur le plan tumoral est prévue dans le
cadre de la phase III afin d’analyser précisément cet
aspect moléculaire (14).
Une étude de phase Ib associant le lenvatinib à l’évérolimus a été réalisée par l’équipe du Memorial SloanKettering Cancer Center (15). Le lenvatinib est un ITK
inhibant le VEGFR1-3, FGFR1-4, RET, KIT et PDGFb.
Par groupes de 3 + 3 patients pour l’escalade de dose,
l’association a permis de déterminer une dose maximale tolérable de 18 mg pour le lenvatinib et de 5 mg
pour l’évérolimus en continu. Les principales toxicités
sont des troubles digestifs (nausées, vomissements,
mucites et douleurs abdominales) et une asthénie
(50 %). Le taux de réponse objective est de 33 % dans
cette population largement prétraitée (≥ 2 traitements).
La médiane de SSP est de 15 mois. Cette association
fera-t-elle cependant mieux que des traitements
séquentiels ?
Une étude de phase I évaluant l’association entre
le sunitinib et une immunothérapie personnalisée
(AGS-003) fondée sur un chargement de cellules dendritiques obtenues par leucophérèse avec de l’ARN provenant de la tumeur rénale ou de l’exérèse de lésions
métastatiques par électroporation a été présentée (16).
Après un cycle de sunitinib, un traitement par AGS-003
en dose de charge toutes les 3 semaines puis tous les
4 mois jusqu’à progression était proposé en association. Les 21 patients inclus avaient un pronostic intermédiaire ou un mauvais pronostic, avec un PS coté à 0
(71 %) ou à 1 (29 %). Aucune toxicité de grade 3-4 n’a
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2013
Actualités sur le cancer du rein
été rapportée pour l’AGS-003 en dehors de douleurs
et de rashs cutanés au point d’injection. Le bénéfice
clinique a été de 81 %. La médiane de SSP globale
est de 11,2 mois, et 52 % des patients ont une survie
prolongée au-delà de 30 mois. Ces premiers résultats
encourageants servent de point de départ à l’étude de
phase III ADAPT comparant, selon un ratio 2:1, l’AGS-003
après un cycle de sunitinib et la poursuite du sunitinib
jusqu’à progression.
Une étude de phase I (17) a été réalisée avec le
SGN-75, qui est un anticorps de type IgG1 anti-CD70
conjugué avec une chimiothérapie de type inhibiteur
des microtubules (monométhyl-auristatine [MMAE]).
Cette étude s’est intéressée à des patients ayant un
cancer du rein métastatique (n = 39) ou un lymphome
non hodgkinien CD70+ (n = 19). La dose retenue était
de 3 mg/kg toutes les 3 semaines en intraveineux. Les
effets indésirables (grade 3-4) notés chez plus de 20 %
des patients sont l’asthénie, les yeux secs, la protéinurie, l’atteinte cornéenne et la thrombocytopénie. Le
bénéfice clinique est de 46 semaines, avec 2 réponses
partielles chez des patients largement prétraités. Une
étude de phase I en association avec l’évérolimus est
actuellement activée.
Toxicité des inhibiteurs de mTOR
Une méta-analyse a été réalisée par l’équipe du
Dana-Farber Cancer Institute, de Boston, quant au
risque d’événements indésirables graves et fatals
Auteur
Nombre d’événements
avec l’utilisation des anti-mTOR en cancérologie
(18, 19). Une analyse de la base Medline a été faite :
366 études ont été sélectionnées, et, après avoir rempli
les critères d’éligibilité, seules 8 études randomisées
versus placebo (cancer du rein et du sein, tumeurs
neuroendocrines, lymphomes du manteau) ont été
retenues (5 avec l’évérolimus et 3 avec le temsirolimus). Le risque relatif d’événements fatals est de
2,33. Concernant l’incidence des infections, sur les
6 études qui rapportent précisément le type d’infections, la plupart sont d’origine pulmonaire (61,7 %) ou
génito-urinaire (29,4 %). Le risque relatif d’infections
tous grades confondus est de 2, et le risque relatif
d’infections gravissimes, de 2,6, par rapport aux bras
placebo. Cette méta-analyse met en évidence la
nécessité d’un suivi des patients qui sont sous mTOR
et surtout d’une vigilance concernant les symptômes
pulmonaires de façon à ne pas passer à côté d’une
infection potentiellement létale (figure 3).
Conclusion
Une nouvelle classification moléculaire pourrait voir
le jour dans le cancer du rein. L’âge de la détection et
de la consultation d’oncogénétique devrait se situer
avant 46 ans. Un risque cardiovasculaire majoré chez les
patients néphrectomisés doit être pris en compte dans
le bilan préchirurgical. Avoir une ambition démesurée
Risque relatif
p
mTOR
Témoins
IC95
Baselga et al., 2012
7/482
1/238
3,46 (0,43-27,93)
0,25
Baselga et al., 2009
0/137
0/132
0,96 (0,02-48,22)
0,99
Yao et al., 2011
7/207
1/203
6,87 (0,85-55,30)
0,07
Pavel et al., 2011
12/103
5/120
2,80 (1,02-7,67)
0,05
Motzer et al., 2010
14/274
6/137
1,17 (0,46-2,97)
0,75
Hudes et al., 2007
9/419
1/207
4,45 (0,57-34,86)
0,16
Hess et al., 2009
5/108
0/53
5,45 (0,31-96,75)
0,25
Negrier et al., 2011
Total
2/88
0/82
4,66 (0,23-95,70)
0,32
56/1 818
14/1 172
2,33 (1,32-4,10)
0,003
RR : risque relatif.
0,01
1,0
5 10
50 100
RR (IC95)
La taille des rectangles est dépendante du nombre de données disponibles dans chaque essai.
Figure 3. Forest plot des 8 études randomisées ayant évalué la toxicité de l’évérolimus et du temsirolimus.
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2013
19
Les temps forts
de l’ASCO®-GU 2013
dossier
thématique
amène à mettre en péril une molécule en première
ligne avec les résultats négatifs de l’axitinib versus sorafénib. L’axitinib devra donc être uniquement utilisé en
deuxième ligne métastatique. Deux ITK de deuxième
génération, le pazopanib et le tivozanib, montrent leur
intérêt en termes d’efficacité et, surtout, de tolérance.
L’anti-PD-1 continue de montrer son efficacité et sa
tolérance, et l’essai comparant le nivolumab à l’évérolimus est attendu. De nouvelles immunothérapies sont
en cours d’évaluation (l’AGS-003 et le SGN-75). La surveillance des patients sous anti-mTOR est à considérer,
en particulier en raison de l’immunodépression induite
responsable d’infections opportunistes, notamment
pulmonaires.
■
Références
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20
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Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2013
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