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151 | LES HYPOTHèSES NéOCLASSIQUES ET LA SOUTENABILITé
économie politique, nous ne pouvons espérer un semblable résul-
tat, parce que nous savons, sans doute aucun, que nos hypothèses
s’écartent en partie de la réalité, et ce n’est par conséquent que dans
certaines limites que les conséquences que nous en pouvons tirer
pourront correspondre aux faits. Il en est ainsi, d’ailleurs, dans la
plupart des arts et des sciences concrètes, par exemple dans l’art de
l’ingénieur. De telle sorte que la théorie est plus souvent un mode
de recherche que de démonstration, et on ne doit jamais négliger
de vérier si les déductions correspondent à la réalité».
La question de la validité scientifique des hypothèses de la
théorie néoclassique a déjà été posée de nombreuses fois, comme
nous le verrons, avec souvent la négative comme réponse, sans que
cela n’arrête les travaux. «[Pour le courant néoclassique, tout se
passe] comme si, en science sociale, le problème de la vérication
pouvait être remis à plus tard ou simplement ignoré» [Kaldor,
1972]. Plusieurs économistes réputés, las de la perduration d’un
«modèle» contredit par l’expérience, nirent par traiter la théorie
néoclassique de «dogme du jour» [Sen, 1999: 154], de «mythe qui
pousse ses dévots à forcer la réalité à se conformer à ses modèles»
[Rees, 2002: 253], ou supposer que c’est une «croyance sur parole»
qui permet de maintenir en vie un «modèle qui s’éloigne (non s’ap-
proche) de plus en plus de la réalité à mesure de ses ajustements»
[Kaldor, 1972: 1238].
Ces citations contrastent avec le succès politique de la théorie, le
fait qu’elle constitue le principal enseignement dans les universités
et la principale référence en économie appliquée, voire que ses
méthodes et hypothèses servent de base à la plupart des indices
de développement durable, même «alternatifs» qu’il nous a été
donné d’étudier. Alors, la théorie néoclassique est-elle une science,
un art ou une idéologie? Peut-on s’y référer pour construire des
indicateurs de développement durable?