4
Leproblème des bouffées de
chaleur chez l’homme sous
suppression androgénique pour
cancer prostatique n’est pas réso-
lu : la physiopathologie n’est pas
complètement élucidée et le trai-
tement n’est pas standardisé. La
littérature apporte cependant une
somme d’informations utiles.
Les symptômes vasomoteurs ou
bouffées de chaleur sont des effets
secondaires fréquents de la sup-
pression androgénique : ils peu-
vent survenir chez plus de 70%
des hommes ayant une castration
chirurgicale (1) ou médicale (2).
Le plus souvent ces bouffées de
chaleur ne disparaissent pas avec
le temps :dans l’étude de Karling
et coll., 48% des hommes en pré-
sentaient toujours à 5 ans et 40% à
8ans (3).
La physiopathologie des bouffées
de chaleur est complexe et incom-
plètement élucidée. L’hypothèse
la plus probable implique les cen-
tres thermorégulateurs dans l’hy-
pothalamus qui contrôlent les
symptômes vasomoteurs. Ces
centres sont régulés par des
neurotransmetteurs qui compren-
nent (ou sont influencés par) la
norépinéphrine, les oestrogènes,
la testostérone, la sérotonine et
des endorphines (4). La modifica-
tion du taux de ces neurotrans-
metteurs pourrait influencer les
centres thermorégulateurs
(Figure 1).
Il n’est pas nécessairede traiter
systématiquement tous les
patients au moment d’initier la
suppression androgénique :cer-
tains n’auront jamais de bouffées
de chaleur et d’autres en présen-
teront mais ne jugeront pas utile
de se faire traiter. Le patient doit
être prévenu de cet effet secondai-
re fréquent et de la possibilité de
le traiter s’il était mal toléré.
Les études randomisées évaluant
l’efficacité de multiples agents
pharmacologiques ont montré
que le placebo pouvait diminuer
jusqu’à 30% la sévérité des bouf-
fées de chaleur (5). D’où l’impor-
tance d’évaluations comparatives
pour les agents proposés pour le
traitement des bouffées de cha-
leur.
La clonidine, un alpha agoniste
central, a fait l’objet d’une étude
randomisée à la suite d’une étude
pilote prometteuse : il n’y avait
pas de différence significative
avec le placebo (6).
Les oestrogènes à faible dose ont
été évaluées dans plusieurs peti-
tes études non randomisées et ont
été associés à une amélioration
des symptômes dans plus de 75%
des cas (7). Cependant, les effets
secondaires possibles (gynéco-
masties douloureuses, toxicité
cardio-vasculaire) limitent l’utili-
sation des oestrogènes dans cette
indication fonctionnelle.
L’acétate de cyprotérone
(Androcur®), un antiandrogène
stéroïdien, est utilisé de façon
courante dans de nombreux pays
tels la France et l’Allemagne dans
cette indication. Il n’est cependant
pas commercialisé aux Etats-Unis,
ce qui explique probablement le
N°2 Juin 2005
Dr Jacques Irani Urologue - Hôpital de La Miletrie, Poitiers
QUESTIONS D
A
CTUALITÉ
5
faible nombre d’études l’ayant
évalué. Une étude randomisée a
montré son efficacité contre le pla-
cebo (8). On peut regretter que
cette étude, d’une méthodologie
sérieuse mais qui n’a inclut que 12
patients, n’ait été confirmée que
par une étude non comparative
(9). Par ailleurs, les doses utilisées
dans les études sont variables et il
n’y a actuellement pas de consen-
sus là-dessus.
Empiriquement, de nombreux
praticiens débutent avec une dose
de 50mg/j et augmentent gra-
duellement si besoin.
L’acétate de mégestrol (Megace®)
(qui a l’inconvénient d’être com-
mercialisé en France uniquement
à la dose de 160mg), un progesta-
tif de synthèse, a montré son effi-
cacité à la dose de 2x20 mg /j
dans le traitement des bouffées de
chaleur dans une étude randomi-
sée contre placebo (10). A noter
qu’il peut y avoir un « syndrome
de retrait des antiandrogènes »
avec l’acétate de mégestrol (7).
Plus récemment, des traitements
antidépresseurs ont montré une
efficacité intéressante sur les
bouffées de chaleur avec des
effets indésirables acceptables. La
venlafaxine (Effexor®) inhibe la
recaptation de la sérotonine et de
la norépinéphrine. Une étude
pilote a montré que de faibles
doses (25 mg) réduisent les bouf-
fées de chaleur chez plus de la
moitié des hommes qui s’en plai-
gnaient (11). Une étude randomi-
sée a montré l’efficacité de la ven-
lafaxine comparée au placebo
chez la femme sous hormonothé-
rapie pour cancer du sein (7). Les
effets indésirables comprennent
essentiellement les effets anticho-
linergiques (sécheresse de la bou-
N°2 Juin 2005
Questions D
A
CTUALITÉ
Figure 1 : Modèle proposé des mécanismes de genèse des bouffées de chaleur (d’après 4). Noter l’effet ambivalent de la
sérotonine.
6
che, constipation).
Un impact bénéfique possible sur
les bouffées de chaleur de l’hom-
me après suppression androgé-
nique a été associé à d’autres
agents dans des cas cliniques ou
des petites séries non comparati-
ves (7, 12, 13) :
la gabapentine (Neurontin®), un
analogue de l’acide gamma-
aminobutyrique, utilisé dans cer-
tains troubles neurologiques
comme l’épilepsie. Une étude
randomisée contre placebo est en
cours.
l’acupuncture
l’hormonothérapie intermittente
La phytothérapie et de nombreux
suppléments minéraux et vitami-
niques qui n’ont pas montré jus-
qu’ici de résultat probant dans
des études scientifiques.
Trois agents pharmacologiques
ont montré leur effet bénéfique
sur les bouffées de chaleur de
l’homme après suppression
androgénique dans le cadre du
cancer de la prostate:
l’acétate de cyprotérone
l’acétate de mégestrol
la venlafaxine.
Ces agents ont été comparés jus-
qu’ici avec le placebo. La meilleu-
re option thérapeutique n’est pas
connue.
Une étude française multicen-
trique, randomisée et en double-
aveugle est en cours (étude F-
LEU-100). Elle compare ces 3 pro-
duits dans cette indication préci-
se.
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7. Thompson CA, Shanafelt TD, Loprinzi
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8. Eaton AC, McGuire N. Cyproterone acetate
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9. Cervenakov I, Kopecny M, Jancar M,
Chovan D, Mal'a M. 'Hot flush', an unplea-
sant symptom accompanying antiandrogen
therapy of prostatic cancer and its treatment
by cyproterone acetate. Int Urol Nephrol.
2000;32(1):77-9.
10. Loprinzi CL, Michalak JC, Quella SK,
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tic carcinoma: a pilot study. J Urol. 1999
Mar;161(3):853-6.
13.Moyad MA. Complementary/ alternative
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te cancer patients: reevaluating the existing
indirect data from studies of breast cancer
and postmenopausal women. Urology. 2002
Apr;59(4 Suppl 1):20-33.
N°2 Juin 2005
Questions D
A
CTUALITÉ
Les bouffées de chaleur sont fréquentes chez l’homme sous
suppression androgénique pour cancer de prostate (≥75%). Le
plus souvent, elles ne disparaissent pas avec le temps.
Les causes sont complexes et comprennent une dysrégulation
des centres thermorégulateurs due à une modification des hor-
mones sexuelles et de la sérotonine.
Il n’est pas nécessaire de traiter systématiquement : les bouf-
fées de chaleur peuvent être absentes ou peu gênantes. La pre-
mière étape après l’instauration de la suppression androgé-
nique est la surveillance simple.
De nombreux agents ont été proposés pour le traitement des
bouffées de chaleur. Trois ont démontré leur effet bénéfique :
l’acétate de cyprotérone (Androcur®), l’acétate de mégestrol
(Megace®) et la venlafaxine (Effexor®). Une étude multicen-
trique française de phase III en cours évalue la meilleure
option.
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