questions d`actualité

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N°2 Juin 2005
QUESTIONS D’ACTUALITÉ
Bouffées de Chaleur chez l’Homme sous
Suppression Androgénique
pour Cancer Prostatique
➢ Dr Jacques Irani Urologue - Hôpital de La Miletrie, Poitiers
L
e problème des bouffées de
chaleur chez l’homme sous
suppression androgénique pour
cancer prostatique n’est pas résolu : la physiopathologie n’est pas
complètement élucidée et le traitement n’est pas standardisé. La
littérature apporte cependant une
somme d’informations utiles.
C’EST FREQUENT ET ÇA DURE
Les symptômes vasomoteurs ou
bouffées de chaleur sont des effets
secondaires fréquents de la suppression androgénique : ils peuvent survenir chez plus de 70%
des hommes ayant une castration
chirurgicale (1) ou médicale (2).
Le plus souvent ces bouffées de
chaleur ne disparaissent pas avec
le temps : dans l’étude de Karling
et coll., 48% des hommes en présentaient toujours à 5 ans et 40% à
8 ans (3).
POURQUOI ?
La physiopathologie des bouffées
de chaleur est complexe et incomplètement élucidée. L’hypothèse
la plus probable implique les cen-
tres thermorégulateurs dans l’hypothalamus qui contrôlent les
symptômes vasomoteurs. Ces
centres sont régulés par des
neurotransmetteurs qui comprennent (ou sont influencés par) la
norépinéphrine, les oestrogènes,
la testostérone, la sérotonine et
des endorphines (4). La modification du taux de ces neurotransmetteurs pourrait influencer les
centres
thermorégulateurs
(Figure 1).
QUI TRAITER ?
Il n’est pas nécessaire de traiter
systématiquement
tous
les
patients au moment d’initier la
suppression androgénique : certains n’auront jamais de bouffées
de chaleur et d’autres en présenteront mais ne jugeront pas utile
de se faire traiter. Le patient doit
être prévenu de cet effet secondaire fréquent et de la possibilité de
le traiter s’il était mal toléré.
COMMENT TRAITER ?
Les études randomisées évaluant
l’efficacité de multiples agents
pharmacologiques ont montré
4
que le placebo pouvait diminuer
jusqu’à 30% la sévérité des bouffées de chaleur (5). D’où l’importance d’évaluations comparatives
pour les agents proposés pour le
traitement des bouffées de chaleur.
La clonidine, un alpha agoniste
central, a fait l’objet d’une étude
randomisée à la suite d’une étude
pilote prometteuse : il n’y avait
pas de différence significative
avec le placebo (6).
Les oestrogènes à faible dose ont
été évaluées dans plusieurs petites études non randomisées et ont
été associés à une amélioration
des symptômes dans plus de 75%
des cas (7). Cependant, les effets
secondaires possibles (gynécomasties douloureuses, toxicité
cardio-vasculaire) limitent l’utilisation des oestrogènes dans cette
indication fonctionnelle.
de
cyprotérone
L’acétate
(Androcur®), un antiandrogène
stéroïdien, est utilisé de façon
courante dans de nombreux pays
tels la France et l’Allemagne dans
cette indication. Il n’est cependant
pas commercialisé aux Etats-Unis,
ce qui explique probablement le
Questions D’ACTUALITÉ
Bouffées de Chaleur chez l’Homme sous
Suppression Androgénique pour
Cancer Prostatique
N°2 Juin 2005
Figure 1 : Modèle proposé des mécanismes de genèse des bouffées de chaleur (d’après 4). Noter l’effet ambivalent de la
sérotonine.
faible nombre d’études l’ayant
évalué. Une étude randomisée a
montré son efficacité contre le placebo (8). On peut regretter que
cette étude, d’une méthodologie
sérieuse mais qui n’a inclut que 12
patients, n’ait été confirmée que
par une étude non comparative
(9). Par ailleurs, les doses utilisées
dans les études sont variables et il
n’y a actuellement pas de consensus là-dessus.
Empiriquement, de nombreux
praticiens débutent avec une dose
de 50mg/j et augmentent graduellement si besoin.
L’acétate de mégestrol (Megace®)
(qui a l’inconvénient d’être commercialisé en France uniquement
à la dose de 160mg), un progestatif de synthèse, a montré son efficacité à la dose de 2x20 mg /j
dans le traitement des bouffées de
chaleur dans une étude randomisée contre placebo (10). A noter
qu’il peut y avoir un « syndrome
de retrait des antiandrogènes »
avec l’acétate de mégestrol (7).
Plus récemment, des traitements
antidépresseurs ont montré une
efficacité intéressante sur les
bouffées de chaleur avec des
5
effets indésirables acceptables. La
venlafaxine (Effexor®) inhibe la
recaptation de la sérotonine et de
la norépinéphrine. Une étude
pilote a montré que de faibles
doses (25 mg) réduisent les bouffées de chaleur chez plus de la
moitié des hommes qui s’en plaignaient (11). Une étude randomisée a montré l’efficacité de la venlafaxine comparée au placebo
chez la femme sous hormonothérapie pour cancer du sein (7). Les
effets indésirables comprennent
essentiellement les effets anticholinergiques (sécheresse de la bou-
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Bouffées de Chaleur chez l’Homme sous
Suppression Androgénique pour
Cancer Prostatique
che, constipation).
Un impact bénéfique possible sur
les bouffées de chaleur de l’homme après suppression androgénique a été associé à d’autres
agents dans des cas cliniques ou
des petites séries non comparatives (7, 12, 13) :
la gabapentine (Neurontin®), un
analogue de l’acide gammaaminobutyrique, utilisé dans certains troubles neurologiques
comme l’épilepsie. Une étude
randomisée contre placebo est en
cours.
l’acupuncture
l’hormonothérapie intermittente
La phytothérapie et de nombreux
suppléments minéraux et vitaminiques qui n’ont pas montré jusqu’ici de résultat probant dans
des études scientifiques.
AU TOTAL
Trois agents pharmacologiques
ont montré leur effet bénéfique
sur les bouffées de chaleur de
l’homme après suppression
androgénique dans le cadre du
cancer de la prostate:
• l’acétate de cyprotérone
• l’acétate de mégestrol
• la venlafaxine.
Ces agents ont été comparés jusqu’ici avec le placebo. La meilleure option thérapeutique n’est pas
connue.
Une étude française multicentrique, randomisée et en doubleaveugle est en cours (étude FLEU-100). Elle compare ces 3 produits dans cette indication précise.
CE QU’IL FAUT RETENIR
➟ Les bouffées de chaleur sont fréquentes chez l’homme sous
suppression androgénique pour cancer de prostate (≥75%). Le
plus souvent, elles ne disparaissent pas avec le temps.
➟ Les causes sont complexes et comprennent une dysrégulation
des centres thermorégulateurs due à une modification des hormones sexuelles et de la sérotonine.
➟ Il n’est pas nécessaire de traiter systématiquement : les bouffées de chaleur peuvent être absentes ou peu gênantes. La première étape après l’instauration de la suppression androgénique est la surveillance simple.
➟ De nombreux agents ont été proposés pour le traitement des
bouffées de chaleur. Trois ont démontré leur effet bénéfique :
l’acétate de cyprotérone (Androcur®), l’acétate de mégestrol
(Megace®) et la venlafaxine (Effexor®). Une étude multicentrique française de phase III en cours évalue la meilleure
option.
6
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RÉFÉRENCES
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