Pédiatrie: Améliorer le dépistage et la prise en charge des

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Avec une prévalence moyenne enregistrée entre
1989 et 2003 dans le canton de Vaud – dont
le registre appartient au réseau EUROCAT1
d’environ 13 pour mille (pour les naissances
vivantes, les mort-nés et les interruptions médi-
cales de grossesse après diagnostic prénatal) [1],
les cardiopathies constituent les malformations
congénitales les plus fréquentes.
Des progrès importants ont été enregistrés au
cours de ces dernières années pour le diagnostic
anténatal, le diagnostic néonatal et le traitement
des cardiopathies congénitales.
Dans un précédent article [2] retraçant les nou-
veautés dans le domaine de la pédiatrie sur-
venues en 2004, j’avais déjà cité les importants
progrès obtenus dans le diagnostic prénatal
grâce aux échographies prénatales et dans la
prise en charge des hypertensions pulmonaires
de l’enfant.
J’aimerais cette année souligner l’aide majeure
apportée à un diagnostic rapide d’une cardio-
pathie congénitale cyanogène par l’utilisation
chez le nouveau-né de l’oxymétrie de pouls pour
la mesure de la saturation en oxygène du sang
capillaire (SaO2), qui a amené les Sociétés Suis-
ses de Néonatologie et de Cardiologie pédiatri-
que à recommander l’utilisation de cet examen
chez tous les nouveau-nés [3].
Comme l’atteste le tableau 1 p, l’échographie
prénatale ne permet malheureusement pas en-
core un dépistage prénatal de toutes les cardio-
pathies sévères. Alors que les mères dont les
fœtus présentent de telles malformations seront
adressées pour leur accouchement à des centres
spécialisés tertiaires, disposant de soins intensifs
de néonatologie et de cardiologues pédiatres,
les nouveau-nés chez qui ces diagnostics n’au-
ront pas été posés dans la période prénatale naî-
tront dans des hôpitaux non sélectionnés. Il est
donc capital de pouvoir identifier précocement
les nouveau-nés atteints de cardiopathie cyano-
gène. S’il s’agit d’une cardiopathie canal-dépen-
dante, la survenue d’une décompensation car-
diaque lors de la fermeture du canal peut
être fatale. Avec le raccourcissement du séjour à
l’hôpital et un retour à domicile avant 48 heures,
les premiers symptômes peuvent ne survenir
qu’à domicile!
Dans la littérature [4], durant la première année
de vie, un enfant sur dix meurt d’une cardio-
pathie congénitale sans que celle-ci n’ait été
diagnostiquée au préalable alors qu’un sur qua-
tre meurt durant la première semaine de vie
d’une cardiopathie congénitale sans que celle-ci
n’ait été diagnostiquée au préalable!
L’examen clinique [3] du nouveau-né peut per-
mettre de poser un diagnostic dans 50 à 75%
des cas. Une cyanose centrale peut être décelée
si la SaO2est inférieure à 80–85% et nécessite
toujours des investigations complémentaires.
Elle peut cependant être facilement manquée. La
palpation d’un précordium hyperactif constitue
un signe évocateur. L’auscultation recherchera la
présence d’un B2 unique et accentué, caractéris-
tique de la plupart des cardiopathies congéni-
tales; la présence d’un souffle cardiaque n’est
par contre que peu spécifique, puisque ce signe
clinique est présent chez près de 60% des nou-
veau-nés et correspond dans la majorité des cas
à un souffle fonctionnel! La palpation de pouls
fémoraux diminués peut faire suspecter une car-
diopathie congénitale canal-dépendante, mais
des pouls fémoraux normaux n’infirment pas ce
diagnostic, car tant que le canal est largement
ouvert, les pouls peuvent être conservés. Les
signes d’une insuffisance cardiaque seront re-
cherchés (tachycardie, hépatomégalie, œdèmes
périphériques). La radiographie thoracique et
l’ECG ont une mauvaise sensibilité et spécificité
et n’excluent pas, s’ils sont normaux, une car-
diopathie cyanogène. L’échocardiographie bi-
dimentionnelle avec doppler couleur et doppler
pulsé est un examen hautement spécifique et
sensible, mais a des exigences importantes de
matériel et de qualification pour son exécution,
avec un coût important et ne peut pas être utili-
sée comme méthode de dépistage.
L’oxymètre de pouls est un moyen largement
répandu dans tous les hôpitaux, très fiable et peu
Pédiatrie: Améliorer le dépistage et la prise
en charge des cardiopathies congénitales!
René Tabin
Département Médico-chirurgical de Pédiatrie, Centre Hospitalier du Centre du Valais, Sion
Tableau 1. Diagnostic prénatal de certaines
malformations cardiaques.*
Tronc artériel commun 23%
Canal atrioventriculaire 22%
Tétralogie de Fallot 8%
Coarctation de l’aorte 17%
Hypoplasie du cœur gauche 71%
Total 24%
* Dans le registre du canton de Vaud (1989–2003)
(d’après Addor [1]).
1 European Registration Of Congenital Anomalies.
onéreux. Plusieurs études récentes ont montré
l’intérêt de son utilisation pour le dépistage des
cardiopathies congénitales cyanogènes [5–7]. En
2005, une étude analogue a été réalisée à Zurich
chez 3262 nouveau-nés [8]. En raison d’une SaO2
anormale, 24 enfants ont eu une échocardiogra-
phie: 17 présentaient une cardiopathie congéni-
tale, cinq une hypertension pulmonaire pri-
maire, deux avaient un cœur normal – ce qui
donne pour la SaO2utilisée en dépistage une sen-
sibilité de 100%, une spécificité de 99,7% et une
valeur prédictive positive de 63%.
Ces études ont amené les Sociétés Suisses de
Néonatologie, de Cardiologie pédiatrique et de
Gynécologie-Obstetrique à recommander [3]
d’effectuer avec un oxymètre de pouls une me-
sure systématique de la SaO2postductale en plus
de l’examen clinique de routine du nouveau-né.
Cette mesure doit être effectuée à un pied, au
premier jour de vie, de préférence lorsque le
bébé dort ou est tranquille. Dès que l’onde pul-
satile est bonne, la valeur maximale de satura-
tion est notée. La mesure se fait pendant deux
minutes au maximum. Une valeur de SaO2095%
est considérée comme normale. En cas de va-
leurs comprises entre 90 et 94% et si l’examen
clinique ne laisse pas suspecter de cardiopathie
congénitale, la SaO2peut être répétée après quel-
ques heures. Une deuxième valeur également in-
férieure à 95% pose l’indication à un contrôle
échocardiographique. En cas de valeurs infé-
rieures à 90% ou si des signes cliniques évoca-
teurs d’une lésion cardiaque sont présents, une
échocardiographie doit être pratiquée rapide-
ment et, le cas échéant, le nouveau-né doit être
transféré en urgence dans un service de néona-
tologie avec consultation de cardiologie pédiatri-
que.
Si la SaO2est normale, les indications supplé-
mentaires à montrer l’enfant à un cardiologue
pédiatre sont les suivantes: une anamnèse fami-
liale positive, un examen clinique évocateur de
cardiopathie congénitale, ou une anxiété paren-
tale importante.
L’hypoplasie du cœur gauche est l’une des mal-
formations qui pourraient être décelées par ce
type de dépistage; elle représente environ 15 cas
par année en Suisse. Des progrès importants [9]
ont été obtenus dans le traitement de cette mal-
formation par les opérations de Norwood 1, 2 et
3, ce qui a permis d’améliorer nettement le pro-
nostic de cette affection.
Nous espérons qu’une large diffusion de ces nou-
velles méthodes et traitements permettra d’amé-
liorer le dépistage et la prise en charge des nou-
veau-nés atteints de cardiopathies congénitales
cyanogènes.
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Références
1 Addor MC. Prévalence des cardiopathies congénitales dans
le canton de Vaud et dans le réseau européen durant la pé-
riode 1989–2003. Paediatrica 2005;16:19.
2 Tabin R. Pédiatrie en 2004: vous êtes-vous posé les bonnes
questions? Forum Med Suisse 2004;4:1304–5.
3 Arlettaz R, Bauersfeld U. Recommandations concernant le
screening néonatal des cardiopathies congénitales. Paedia-
trica 2005;16:38–41.
4 Kuehl KS, Loffredo CA, Ferencz C. Failure to diagnose conge-
nital herat disease in infancy. Pediatrics 1999;103:743–7.
5 Koppel RI, Druschle CM, Carter T, et al. Effectiveness of pulse
oximetry screening for congenital heart disease in asympto-
matic newborns. Pediatrics 2002;111:451–5.
6 Richmond S, Reay G, Au Harb M. Routine pulse oximetry in
the asymptomatic newborn. Arch Dis Child Fetal Neonatol
Ed 2002;87:F83–8.
7 Reich JD, Miller S, Brogdon P, et al. The use of pulse oxyme-
try to detect congenital heart disease. J Pediatr 2003;142:
268–72.
8 Arlettaz R, Bauschatz AS, Mönkhoff M, Essers B, Bauers-
feld U. The contribution of pulse oximetry to early detection
of congenital heart disease in newborns. Eur J Pediatr 2006
(en cours de publication).
9 Beghetti M., Ghisla R. Hypoplasie du cœur gauche: diagnos-
tic, traitement et pronostic. Paediatrica 2005;16:26–9.
Correspondance:
Dr René Tabin
Département
Médico-chirurgical de Pédiatrie
Centre Hospitalier
du Centre du Valais
Avenue du Grand Champsec
CH-1951 Sion
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