Légitimité et gouvernance dans l`œuvre de Max Weber (Économie et

Chaire de responsabilité sociale et de développement durable
ÉSG-UQÀM
Recueil de textes CÉH/RT-33-2005
Légitimité et gouvernance dans l’œuvre de
Max Weber (Économie et société)
Par
Patrick Laprise, Valérie Demers, Lysiane Roch et Gisèle Belem
Sous la direction de Corinne Gendron
Premier séminaire de la série annuelle 2005-2006
sur la légitimité et la gouvernance
15 septembre 2005
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Table des matières
Table des matières page 2
Avant-propos page 3
Synthèse des textes du séminaire
Légitimité et gouvernance dans l’œuvre de Max Weber (Économie et société)
Par Patrick Laprise page 4
Textes à l’étude du séminaire
Les pages indiquées correspondent à la page où se trouve le résumé. Les textes originaux
sont situés en annexe.
Freund, Julien. 1966. « La sociologie économique». Chap. in Sociologie de Max Weber. Paris :
Presses Universitaires de France, pp.130-153 et Freund, Julien. 1966. « La sociologie politique».
Chap. in Sociologie de Max Weber. Paris : Presses Universitaires de France, p.190-214.
Résumé par Lysiane Roch page 16
Fleury, Laurent, 2001. Chap. 2 : L’économie moderne et la rationalité, pp. 36-61, et chap. 4 : La
domination et l’action politique, pp. 88-115 in Que sais-je?: Max Weber. Paris, PUF, 127 pages.
Résumé par Patrick Laprise page 21
Weber, Max. 1995 (1922), « Les types de domination » Chap. III, tome 1, pp. 285 -325 in
Économie et société; Paris, Pocket.
Résumé par Gisèle Belem page 26
Weber, Max, 1995 (1922). «Chapitre 1 : Les relations fondamentales entre l’économie et
l’organisation sociale » et « Chapitre 2 : Les relations économiques des communautés (économie
et société) en général », in tome 2, Économie et société, Paris, Presses pocket, pp. 11-49 et 50-77.
Résumé par Valérie Demers page 33
Woods, Philip A. 2003 « Building on Weber to Understand Governance : Exploring the Links
Between Identity, Democracy and ‘Inner Distance’ », Sociology, vol. 37, no. 1, p. 143-163.
Résumé par Valérie Demers page 42
Steffek, Jens, 2000. « The power of rational discourse and the legitimacy of international
governance », Robert Schuman Centre for advanced studies, EUI Working papers, RSC No.
2000/46, 32 pages
Résumé par Patrick Laprise page 52
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Avant-propos
Ce premier rendez-vous de la série de séminaires de la Chaire de responsabilité sociale et de
développement durable ayant pour thème la légitimité et la gouvernance, porte sur l’importante
œuvre posthume de l’Allemand Maximilian (Max) Weber (1864-1920), le livre intitulé Économie
et société.
Le travail de Max Weber à propos du concept de légitimité est un incontournable en sciences
sociales. Le célèbre sociologue a légué avec son œuvre plus d’une balise théorique qui a perduré
jusqu’à nos jours. Notamment, son utilisation de l’idéal-type de la légitimité appliqué aux rapport
de domination et de pouvoir en politique et dans la société est bien connue. Mais sans conteste,
elle peut profiter d’une explication et d’une remise en perspective claires. Ce séminaire tente
entre autres choses de répondre à ce besoin.
En ce qui concerne l’idée de gouvernance, on peut en dire qu’elle « transparaît » partout dans
l’œuvre de Weber. Elle n’existe à tout le moins pas explicitement à titre d’idéal-type. Bien que le
concept lui-même ne semble pas exister dans les pages de Économie et société, ce n’est pas faute
d’y être traité.
Dans Économie et société, les liens entre histoire, culture, droit, religion, économie, politique et
société sont l’objet d’une analyse détaillée, la première du genre. Mis ensemble, ces éléments
déterminent les caractéristiques du fonctionnement de la société et, indirectement, de la
gouvernance, surtout au niveau politique. En étudiant ces éléments, on peut mieux comprendre
l’idée que se faisait Weber de la gouvernance, lui qui a entretenu une relation très forte avec les
institutions politiques, tant au niveau intellectuel qu’en tant que participant (Fleury, 2000). Et
comme Weber a fondé toute une branche de la sociologie, on comprend l’importance de bien
interpréter son œuvre.
L’effort que Weber a fait pour démêler les processus historiques de rationalisation, les
institutions, les lignes directrices de la société et la place des individus à travers ceux-ci a donné
d’excellents outils conceptuels et théoriques aux sciences sociales. Ce séminaire est l’occasion de
mieux connaître ces derniers, même si son but plus spécifique est d’aborder les thèmes de la
légitimité et de la gouvernance. À travers ce choix de textes, nous avons enfin tenté de montrer
que Weber sert aujourd’hui à traiter d’une manière nouvelle des questions fondamentales qui
entourent aujourd’hui la gouvernance et la légitimité. Bonne lecture !
Trois définitions de la gouvernance :
Se dit de la manière de gouverner, de l’exercice du pouvoir pour gérer les affaires nationales, et de la méthode de
gestion d’une entreprise (Petit Robert).
Les traditions et institutions par lesquelles l’autorité d’un pays est exercée pour le bien commun. Cela inclut la
procédure par laquelle ceux en position d’autorité sont choisis, contrôlés (monitored) et remplacés, la capacité du
gouvernement à gérer effectivement ses ressources et à mettre en place des politiques judicieuses (sound policies),
ainsi que le respect des citoyens et de l’État pour les institutions qui gouvernent les interactions économiques et
sociales parmi eux » (www.worldbank.org).
Le modèle, ou la structure, qui émerge dans un système sociopolitique en tant que résultat commun de l'interaction
de tous les acteurs en présence. Ce modèle ne peut être réduit à un seul acteur ou à un groupe d'acteurs en particulier
(Kooiman, 1993, in Demers 2005, dans ce recueil).
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Légitimité et gouvernance dans l’œuvre de
Max Weber (Économie et société)
Séminaire de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable sur l’œuvre
de
Weber, Max, 1995 (1922). Économie et société, Paris, Pocket, tomes 1 et 2 (407 et 425 pages)
Par Patrick Laprise
Introduction
Max Weber, un père de la sociologie mort en 1920, n’a pas eu le temps de compléter ni de
colliger les textes qui devaient composer son œuvre majeure. C’est donc sa veuve Marianne qui a
terminé l’élaboration des chapitres, travail qui a été longtemps contesté en Allemagne. Le
problème dû au fait que le livre ne fut pas complété ajoute aux difficultés liées à sa traduction et à
la complexité de l’œuvre. Malgré cela, Économie et société est en quelque sorte la synthèse de la
pensée wébérienne. Notamment parce que dans cette œuvre, on constate toute la profondeur de la
pensée de Weber, son immense culture qui sert de support à son argumentation, ainsi que les
qualités de sa méthode intellectuelle qui est, aujourd’hui encore, très importante pour la
sociologie et les autres sciences sociales. Économie et société expose d’une façon relativement
concise la première et l’une des grandes « théories générales de la société ». Observateur des
évènements qui ont marqué le fleurissement de l’ère industrielle moderne, Weber a décrit les
grandes transformations sociales en cours à son époque. Le portrait détaillé qu’il fait de la société
démontre un savoir et une compréhension inégalées de celles-ci. Tous ces éléments font de
Économie et société une lecture obligatoire pour qui s’intéresse à la théorie sociale.
Quand on aborde son oeuvre, on ne peut s’empêcher de noter que Weber a réussi un portrait
détaillé des liens qui existent entre l’économie et la société. Mais dans le cas d’Économie et
société, c’est plus qu’un simple portrait : en réalité, c’est un récit grandiose. Ce récit, en plus de
ses protagonistes principaux, met en jeu des personnages secondaires très importants : les acteurs
sociaux, l’histoire, le droit, la religion, la politique ont pour Weber des rôles qu’il faut
comprendre en détail pour pouvoir les articuler ensuite. C’est ce que nous avons tenté de faire
dans cette synthèse, bien que nous ayons eu à limiter notre champ d’exploration en regard des
objectifs de ce séminaire. Comme on le sait, Économie et société renferme la matière à la
réflexion de toute une vie.
Cette synthèse s’articulera donc autour des thèmes centraux d’Économie et société, mis en lien
avec les thèmes privilégiés dans ce séminaire. On remarquera que l’accent est mis sur les
problématiques entourant la légitimité et la gouvernance. Nous présentons une synthèse du livre
de Weber, élaborée à partir de deux sources liées : le texte original (en version française) et les
excellents résumés qui ont été préparés pour ce séminaire. Ensuite, nous nous aiderons des deux
derniers textes de ce séminaire pour proposer une analyse de l’œuvre à la lumière de recherches
contemporaines. Ces textes, nous en sommes certains, engendrerons une réflexion fort
intéressante et enrichissante à tous les points de vue, qui viendra complémenter la réflexion
inhérente à l’œuvre de Weber.
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Les chapitres de Économie et société (chap. 1)
Le premier chapitre d’Économie et société s’ouvre sur la partie « fastidieuse » de l’œuvre de
Weber : la conceptualisation. Nous l’avons vu en avant-propos, les idéaux-types de Weber sont la
fondation de son édifice théorique. De fait, Weber est vu comme un sociologue antipositiviste,
c'est-à-dire qu’il ne croyait pas que la sociologie devait calquer sa méthode sur les sciences
naturelles, au contraire de son contemporain français Émile Durkheim (Martucelli, 1999). Pour
certains, sa méthodologie complexe lui a permis de contourner le défaut de la méthode proposée
par Durkheim. Ce dernier, qui se proposait de soutirer les sciences sociales à la subjectivité en
leur donnant une méthode quantitative, n’a pu malgré cela éviter les jugements moraux (Freund,
1969). Chose certaine, ce débat ne s’est jamais clos malgré les efforts de plusieurs autres savants.
De fait, dans le premier chapitre d’Économie et société, Weber avance que la « sociologie
compréhensive » doit être rationaliste, mais que cette rationalité doit être appliquée à la
description des valeurs et du sens plus qu’aux « faits sociaux » au sens de Durkheim (faits établis
à l’aide d’une méthode statistique, par exemple). C’est donc dire que Weber désire retirer le plus
d’objectivité possible de phénomènes sociaux qui ne peuvent être détachés de leur contexte et de
leur sens, cela sans faire d’évaluation morale des phénomènes. On a appelé cette position de
Weber la « neutralité axiologique » (Fleury, 2000, in Laprise, 2005).
La construction des idéaux-types de Weber occupe donc une bonne place dans cette œuvre. Le
texte est ardu et complexifié par les innombrables références à des exemples historiques et à
d’autres auteurs. Mais Weber est efficace : les différents concepts proposés par Weber sont
expliqués méthodiquement et construits de manière à répondre aux questions avant qu’on ne les
pose. Voici quelques concepts décrits dans le chapitre 1 :
Quelques idéaux-types de Max Weber, pris au hasard dans Économie et société (1995), chap. 1
(Concepts fondamentaux de la sociologie, pp. 27-100).
activité sociale lutte sociation
relation sociale groupement règlement (administratif ou régulateur)
puissance Entreprise (type de
groupement communalisation ordre légitime1
Les catégories sociologiques fondamentales de l’économie (Chap. 2)
Le chapitre 2 d’Économie et société traite spécifiquement des « catégories sociologiques
fondamentales de l’économie ». On compte parmi celles-ci les concepts d’activité économique,
d’utilité, de groupements économiques2 et politiques, de marché, de banque, de monnaie, de
1 Définition de l’ordre légitime : « L’activité, et tout particulièrement l’activité sociale, et plus spécialement encore
une relation sociale, peut s’orienter, du côté de ceux qui y participent, d’après la représentation de l’existence d’un
ordre légitime » (Son emphase). On retrouve là la particularité de la légitimité wébérienne d’être basée sur
l’acceptation d’un ordre ou d’une domination, que le participant perçoit comme légitime (voir plus loin).
2 Un groupement économique se définit différemment selon son rapport avec l’économie. Ainsi, il est un
« groupement régulateur de l’économie, si (et dans la mesure où) l’activité économique autocéphale des membres du
groupement s’inspire, d’une manière effectivement hétéronome, des règlements de celui-ci ». Ainsi, un
« groupement exclusivement régulateur serait par exemple un État de droit qui ne touche pas, au plan matériel, à
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