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LA CONSTITUTION DE LA TUNISIE - Processus, principes et perspectives
une vision commune de la Tunisie démocratique de la période après Ben Ali. Il a
produit des documents conjoints sur des questions importantes telles que l’égalité de
l’homme et de la femme, la liberté de croyance dans un pays musulman moderne et
le rapport entre l’État et la religion dans le futur régime démocratique. Le partenariat
entre militants séculiers et militants islamistes a été ardu, tant intellectuellement que
politiquement, parce que le régime de Ben Ali se basait sur la division et de polarisation
et s’opposait farouchement à un tel rapprochement. Cependant, ce partenariat s’est
avéré très important, productif et utile, en ouvrant la voie à un futur partenariat dans
la lutte contre la dictature et dans la construction d’une démocratie.
La collaboration avec les autres partis s’est poursuivie après la révolution. Même avant
les élections de 2011, nous collaborions avec les partis au sein de l’Instance supérieure
pour la réalisation des objectifs de la révolution, et avions ouvertement exprimé notre
profonde conviction que, quels que soient les résultats des élections, la Tunisie avait
besoin d’un gouvernement de coalition fondé sur une collaboration entre les partis, et
notamment les islamiques modérés et les laïcs modérés.
Nous étions convaincus que la pose des fondements démocratiques était un immense
dé qui ne pouvait être relevé qu’en évitant la polarisation et en encourageant la
coopération entre les deux principaux courants de notre société et de notre nation, à
savoir ceux de la laïcité et l’islamisme modérés, les deux ailes du mouvement national.
Après les résultats des élections, nous avons réitéré notre appel à un gouvernement
d’unité nationale. Si nous avions voulu former une coalition fondée sur une « similarité
idéologique », nous aurions pu former un gouvernement avec, par exemple, la
Pétition populaire et les non aliés. Cependant, nous avons cherché à instaurer une
coopération inter-idéologique, et le rejet de toute monopolisation du pouvoir en guise
de nouvelle tradition démocratique en Tunisie. Deux partis laïcs de centre-gauche ont
répondu à notre appel : Ettakatol et le CPR et nous formions une coalition qui a fourni
un excellent modèle de coexistence, le premier du genre dans la région, entre séculiers
et islamistes, les deux courants qui se sont arontés durant le dernier demi-siècle.
B. Recherche de consensus vs démocratie majoritaire
La coalition Troïka, composée d’Ennahdha et de deux partis laïcs, a constitué la
preuve manifeste de notre conviction que la Tunisie ne devait être gouvernée que
par le consensus, et que les transitions ne pouvaient être gérées avec une logique
de majorité contre minorité ».
En eet, l’élite politique tunisienne, et en grande partie grâce aux eorts d’Ennahdha,
a développé le concept de démocratie transitoire, qui est davantage fondé sur la
participation et l’atteinte de consensus que sur la démocratie majoritaire. Ceci était
un nouvel enseignement appris par l’expérience et est à l’origine de l’« exception
tunisienne ». L’adoption, de notre part, de la méthodologie du fonctionnement
consensuel reposait sur la conviction que les phases de transition ne pouvaient ni ne
devaient être gouvernées par une majorité de 51% qui ne saurait assurer la stabilité
dans un système politique. Au lieu de cela, un large consensus devait être atteint entre
les tendances les plus générales de la société tunisienne, tant de la majorité que de
la minorité. Par conséquent, nous voulions une Constitution qui ne représente pas
Ennahdha seule ni une majorité électorale, mais plutôt la grande majorité du peuple
tunisien. Même si le consensus était important depuis le tout début de la transition, le
consensus en tant que principe majeur est devenu plus signicatif avec le lancement,