Leçons à tirer des stratégies sur les maladies pour la transformation des systèmes de santé - Décembre 2011 | 1
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LEÇONS À TIRER DES STRATÉGIES SUR LES MALADIES POUR
LA TRANSFORMATION DES SYSTÈMES DE SANTÉ :
UNE ANALYSE CONTEXTUELLE
Les maladies chroniques : les nouvelles frontières de la santé
On estime que près de 16 millions de Canadiens, soit
presque un sur deux, vit avec une maladie chroniquei.
Environ neuf millions de Canadiens sont atteints d’au
moins une maladie chronique appartenant aux sept groupes
de maladies ayant une « incidence et une prévalence
élevéesii;iii ». La prévalence de ces maladies augmente avec le
vieillissement de la population si bien qu’une majorité des
personnes âgées de plus de 65 ans souffrent d’au moins une
maladie chroniqueiii. Ces maladies sont devenues un lourd
fardeau économique, entraînant des coûts médicaux directs et indirects dus à des pertes de productivité
qui dépassent les 93 milliards de dollars par aniv. On ne saurait trop souligner l’importance d’endiguer ces coûts.
Plus frappant encore est le nombre de décès au Canada imputables aux maladies chroniques. En effet, près de
trois quarts d’entre eux sont causés par quatre groupes de maladies chroniquesiv. En ce qui concerne la prestation
des soins aux malades chroniques dans un système de santé axé sur les services de première ligne, le Canada ne
fait pas meilleure figure à l’échelle mondiale où il occupe le dernier rang parmi sept paysv.
Les services de santé financés par le gouvernement canadien ont été essentiellement conçus pour traiter des
pathologies aigües de courte durée, et non des maladies chroniques. Les régimes publics d’assurance-maladie
couvrent principalement les services médicaux nécessaires dispensés par les hôpitaux et les médecins. Globalement,
le système de santé canadien est constitué de 14 systèmes différents – dix provinciaux, trois territoriaux et un
fédéral. Selon un rapport d’évaluation récent de l’Académie canadienne des sciences de la santé, il existe des écarts
importants entre le fonctionnement actuel du système
de santé et les besoins des patients atteints de maladies
chroniquesvi. En d’autres termes, le système de santé
canadien n’a pas été conçu pour répondre aux besoins
de santé des malades chroniques, et encore moins des
personnes vivant avec plusieurs pathologies chroniques.
Une réponse plus vigoureuse et mieux structurée est
requise pour la gestion des maladies chroniques au
« Un Canadien sur deux vit avec une
maladie chronique. Cela représente
16 millions de personnes, soit environ la
moitié de la population du pays — Une
maladie chronique sur sept a une
« incidence et une prévalence élevées. »
Il importe de reconnaître que les réformes
visant à renforcer les services de première
ligne et à mettre en œuvre des pratiques
plus efficaces de gestion des maladies
chroniques et d’interventions à l’égard
de la santé de la population remettront
inévitablement en question la logique qui
prédomine au sein du système actuel.
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Canada. Un rapport publié récemment par la Fondation
canadienne de la recherche sur les services de santé
(FCRSS) sur les initiatives visant à transformer les systèmes
de santé du pays est arrivé à la même conclusionvii.
Plusieurs stratégies et cadres ont été mis en place pour
mobiliser des appuis dans l’ensemble du pays afin de
réduire la charge de morbidité associée à certaines
maladies chroniques. Ces démarches, qui préconisent de
maximiser les capacités des services existants par une
approche axée sur la santé de la population, sont riches
d’enseignements importants pour la transformation des
systèmes de santé dans les provinces et les territoires.
La FCRSS a entrepris une analyse contextuelle pour
mieux comprendre les principes directeurs, les objectifs
et les éléments clés communs à un sous-ensemble de ces
stratégies et cadres. Cette approche analytiqueviii a porté
sur les documents les plus récents (publiés de 2006 à
2011) traitant de la démarche ou de la stratégie nationale
dans les régions où la charge de morbidité est élevéeix-xv.
Plus précisément, l’analyse a examiné les stratégies sur les
maladies auxquelles sont associés les taux de mortalité et
de morbidité les plus élevés au Canada, dont le cancer, les
maladies cardiovasculaires, les troubles de santé mentale,
les maladies respiratoires et les accidents vasculaires
cérébraux (AVC). À l’issue de cette analyse en février-mars
2011, le personnel de la FCRSS a organisé des entrevues
auprès d’intervenants clés afin de valider les conclusions
obtenues. Ce sommaire présente les résultats de l’analyse
du cadre et des entrevues en vue d’en extraire des données
utiles pour la transformation des systèmes de santé.
Objectifs et principes directeurs
communs
Les stratégies et cadres visant à remédier au problème
de la forte charge de morbidité dans certaines régions
reposent sur une approche exhaustive de l’amélioration
DES OBJECTIFS ET DES EXEMPLES
COMPARABLES
Améliorer l’accès aux soins
Un des objectifs du Cadre pour une
stratégie en matière de santé mentale vise
à ce que : « Les personnes aient un accès
équitable et opportun à des programmes,
des services, des traitements et des formes
de soutien appropriés, efficaces et
véritablement intégrés qui tiennent
compte de leurs besoinsxiii ».
Améliorer la qualité de vie
Un des objectifs du Cadre de travail
national sur la santé pulmonaire vise à
« améliorer les résultats pour la santé et
la qualité de la vie de tous les Canadiens
par un dépistage précoce et une meilleure
gestion des maladies respiratoiresxiv ».
Améliorer la santé de la population
La Stratégie canadienne de santé
cardiovasculaire propose de soutenir
davantage les projets de développement
d’infrastructures visant à promouvoir une
vie saine et active (p. ex. « trottoirs, sentiers
pédestres, centres récréatifs, parcs, pistes et
voies cyclables)ix ».
Offrir les meilleurs soins de santé
Une des priorités de la Stratégie
canadienne de lutte contre le cancer
est de doter les provinces et les territoires
des ressources nécessaires pour les aider
à mettre en œuvre des stratégies de
prise en charge du cancer, adaptées à
leurs propres besoins et fondées sur
des données probantes et comparables à
l’échelle pancanadiennexi. À titre
d’exemple, une plateforme de modélisation
par microsimulation permet de prévoir
l’incidence des mesures de prévention,
de dépistage et des thérapies nouvelles, y
compris sur le plan économique.
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de la santé et des services de santé. Tandis que le système de santé actuel intervient principalement en aval de
la maladie (après sa survenue), une approche exhaustive met en avant la nécessité de réaliser en parallèle des
investissements en amont (en s’attaquant aux causes profondes des maladies avant qu’elles ne surviennent et
en soulageant les symptômes avant qu’ils ne s’aggravent). Des données probantes indiquent que les Canadiens
pourraient bénéficier d’une meilleure qualité de vie et de soins, éventuellement à un coût moindre, si on remaniait
ou transformait les services de santé en vue de réduire le fardeau lié aux maladies chroniques. Denton et Spencer
(2010) prévoient que si 50 p. 100 des Canadiens qui vivent avec une ou plusieurs maladies chroniques en avaient
une de moins, la fréquence des hospitalisations et des consultations médicales diminuerait de 16 p. 100 et de 10
p. 100, respectivementxvii. Cela représenterait une économie de plus d’un tiers des coûts prévus actuellement pour
la gestion des maladies chroniquesxvii. Fait intéressant, cette prévision ne s’inscrit pas dans la liste des objectifs
communs précis des stratégies et des cadres sur les maladies. Les objectifs communs fondamentaux qui décrivent
le rôle envisagé pour le système de santé dans l’avenir et orientent les stratégies misant en grande partie sur
l’optimisation des capacités des services existants (incluant sans doute des améliorations de l’efficacité et de la
rentabilité) aussi bien que sur des progrès d’envergure en matière de qualité de vie et de santé de la population.
Les stratégies et cadres proposés reposent sur le principe directeur selon lequel les décisions en matière de santé
et de services de santé doivent être fondées sur les données les plus probantes. Ces données comprennent
la synthèse de données scientifiques, des connaissances issues d’expériences vécues et d’autres méthodes
d’acquisition de connaissances plus adaptées aux traditions culturelles du pays telles que la tradition d’anecdotes
chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Une approche éclairée par des données probantes suppose
d’organiser les différents types de données de manière concertée et de consulter l’ensemble des parties prenantes
pour étayer les décisions relatives aux politiques et aux pratiques. Ce type d’approche requiert souvent la mise
en place d’un processus de délibération permettant de garantir des consultations éclairées auprès des divers
intervenants touchés par les décisions à prendre et représentés de façon équitable, à savoir des chercheurs, des
responsables de politiques, des praticiens, des patients et leurs proches ainsi que des membres de la collectivité.
Pour que la diversité de la population canadienne soit prise en compte dans la prestation de services de santé,
les stratégies et cadres sur les maladies doivent se conformer à un autre grand principe directeur, qui est de fournir
des soins de santé sécuritaires et respectueux des traditions culturelles. Acquérir ces compétences culturelles
nécessite de prendre en considération le milieu socioculturel et la langue maternelle des patients et des familles,
et ce, dans toutes les composantes de la prestation de services de santé, y compris les documents d’information
destinés aux patients, les questionnaires, l’organisation des services de santé, la conception et la prestation des
soins directs, et la santé publique.
C’est un fait établi qu’une approche adaptée aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis en matière de
stratégies et de cadres fait cruellement défaut. La conception et la mise en œuvre de ces mesures doivent favoriser
la participation constructive et déterminante des patients qui ont besoin de soins ou qui en reçoivent, de leurs
proches et de leurs collectivités. En outre, l’approche doit mettre en pratique la notion de « sécurité culturelle »
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— qui reconnaît pleinement les conditions de vie modernes des Autochtones découlant de leur contact avec les
Européensxviii. Les Autochtones au Canada ont vécu un passé de colonisation et d’assimilation ayant entraîné
des traumatismes et une perte de cohésion culturellexviii. Les structures du pouvoir résultant de cette période
de l’histoire continuent de compromettre la participation des Autochtones à l’élaboration de leurs propres
programmes de soins en partenariat avec les professionnels de la santéxviii. La notion de sécurité culturelle peut
aider à mieux comprendre pourquoi de nombreuses collectivités autochtones font face à une situation de crise et
comment y remédier au moyen de politiques adaptéesxviii.
Points essentiels
Les stratégies et cadres sur les maladies telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires, les troubles de santé
mentale, les maladies respiratoires et les accidents vasculaires cérébraux partagent à la fois des défis et des
occasions à saisir pour améliorer la santé tous les Canadiens et leurs services de santé :
Au chapitre des services de santé, l’approche actuelle présente peu d’intérêt pour comprendre les causes
profondes des maladies chroniques, car sa finalité est de traiter les maladies une fois survenues. La prévention
et la promotion de la santé, en opérant en amont, permettent de comprendre et de s’attaquer aux causes
premières des maladies avant qu’elles ne surviennent et de soulager les symptômes avant qu’ils ne
s’aggravent, permettant ainsi aux Canadiens de vivre en meilleure santé plus longtemps.
Il existe des données probantes sur la manière de traiter les maladies chroniques et d’en réduire les facteurs
de risque et les symptômes. Cependant, ces données ne sont pas toujours intégrées, encore moins dans
la pratique clinique. L’échange et l’application des meilleures pratiques aideront à maximiser les ressources
existantes en matière de services de santé et à assurer aux Canadiens des soins de grande qualité. Bien que la
mise en application de ces pratiques soit nécessaire sur le plan clinique, elle est également importante aux
niveaux politique et organisationnel du système de santé.
Les patients atteints de plusieurs maladies chroniques sont souvent traités séparément pour chacune d’entre
elles. Une prestation de services intégrée – adoptant une approche organisationnelle des soins axée sur le
travail d’équipe et la satisfaction des besoins du patient – contribuera à réduire le cloisonnement de la
prestation de services et à offrir des soins plus rapides, plus adaptés et dont le suivi est amélioré. Pour les
Canadiens vivant avec plus d’une maladie chronique, une approche cohérente est particulièrement souhaitable
afin de coordonner les efforts et la mise en œuvre des soins au moyen d’interventions et de stratégies
multiples menées de front.
Les facteurs de risque des maladies chroniques sont multiples comme doit l’être également une démarche
de prévention de ces maladies et de gestion des soins. Une collaboration multisectorielle et multipartite
s’impose à tous les niveaux du secteur de la santé et des autres secteurs du gouvernement. L’adoption d’une
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approche multisectorielle à tous les paliers de gouvernement (municipaux, provinciaux, territoriaux et fédéral)
est cruciale pour opérer avec succès des changements politiques.
La proportion de Canadiens vivant avec une ou plusieurs maladies chroniques continue d’augmenter.
En revanche, notre compréhension de la prévalence de certaines maladies et des modalités de prestation
des soins et services de santé demeure limitée. Une meilleure compréhension du système s’inscrit dans
une démarche concertée en vue d’établir des indicateurs communs permettant d’effectuer des
comparaisons entre les maladies, les systèmes et les évaluations et de déterminer quelles sont les
interventions qui ont été les plus efficaces pour améliorer la santé et la qualité de vie des Canadiens.
L’amélioration de la qualité des soins et l’application des meilleures pratiques ne peuvent se concrétiser
sans l’adoption de mesures normalisées du rendement. Une approche axée sur le rendement
favorisera l’amélioration des pratiques, la modification des modèles organisationnels et la mise
en œuvre des politiques, en rendant compte des résultats pour la santé.
Prévention et promotion de la santé
Les services de santé canadiens s’articulent autour des services hospitaliers et médicaux qui conviennent le mieux
au traitement des maladies aigües de courte durée. Ce modèle fonctionne bien par exemple pour un patient qui doit
subir une ablation de l’appendice, mais il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de traiter ou de réduire l’impact des
maladies chroniques, comme les maladies respiratoires, le cancer ou les maladies mentales. La meilleure approche dans
le contexte des maladies chroniques consiste sans doute
à prévenir la maladie avant qu’elle ne survienne ou à en
atténuer ses effets une fois déclarée.
Une approche axée sur la prévention et la promotion
de la santé constitue une composante essentielle des
stratégies sur les maladies. Certaines maladies chroniques
présentent des facteurs de risque communs comme
une mauvaise alimentation, l’inactivité physique, le
tabagisme ou les déterminants socioéconomiques et
environnementauxxix. Mieux comprendre les interactions
entre ces différents facteurs et les gérer d’une manière
coordonnée et plus efficace nécessitera de déployer des
efforts conjugués.
La promotion de la santé, la sensibilisation et la
prévention constituent un des quatre piliers du Cadre de
travail national sur la santé pulmonaire, qui entreprend
de nombreuses activités importantes « pour prévenir
« La recherche révèle que le cancer
et d’autres maladies chroniques comme
les maladies cardiovasculaires, les maladies
pulmonaires et le diabète sont associés à
de nombreux facteurs de risque communs.
Changer notre mode de vie et notre
environnement contribue à modifier ces
risques. Cependant, comme le montrent
les tendances présentées ci-dessus, il existe
un besoin pressant d’élaborer et de mettre
en œuvre des stratégies efficaces visant à
aider les Canadiens à faire des choix plus
sains pour eux-mêmes et à appuyer de
meilleures politiques de santé publique
pour leurs collectivitésx ».
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