L`évaluation d`entreprises

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CONSEILLER PME
Ron Schiller
Sylvain Levasseur
L’évaluation d’entreprises
L
’évaluation se pratique depuis que les humains s’échangent
des biens puisque tout échange de biens requiert un exercice
d’appréciation de la valeur par les parties concernées.
L’évaluation d’entreprises, quand à elle, existe depuis que des
entreprises ou des participations dans des entreprises se vendent
ou s’achètent.
Lorsqu’un professionnel aide un client dans le cadre d’une
opération d’acquisition ou de cession d’entreprises, il est appelé
à déterminer un prix plutôt qu’une juste valeur marchande. Par
contre, les principes, démarches et méthodes afférents à la détermination de la juste valeur marchande constituent un bon point
de départ pour déterminer ce prix.
PRINCIPES DE BASE
EN ÉVALUATION D’ENTREPRISES Ni les produits, ni la rentabilité ne suffisent
à fournir une indication fiable de la valeur.
Beaucoup d’autres facteurs entrent en ligne
de compte, notamment les actifs corporels
et incorporels, les critères financiers, la
rentabilité et la structure du capital ainsi
qu’une comparaison entre la société et les
normes de son secteur. Les principes suivants guident le jugement et les démarches
du professionnel lors de l’évaluation :
■■ La valeur est déterminée à une date
spécifique dans le temps;
■■ La valeur d’un bien est établie en
fonction de ses perspectives d’avenir;
■■ La valeur se définit comme étant la
valeur actualisée de tous les avantages
futurs qu’un bien est susceptible de
procurer;
■■ Les risques du marché dictent le taux
de rendement requis;
■■ La valeur est établie en fonction de la
capacité d’une société à générer un
rendement, sauf si on obtient une valeur
plus élevée en vendant ses actifs.
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Les différentes méthodes d’évaluation
Les actifs
Liquidation
Forcée
Le rendement
Le marché
Actifs nets
redressés
Comparables
Opérations
sur le marché
Ordonnée
DÉMARCHES ET MÉTHODES
D’ÉVALUATION L’illustration ci-dessus présente de façon
schématique les démarches et méthodes
d’évaluation généralement retenues.
Trois démarches fondamentales sont
généralement reconnues en matière d’évaluation d’entreprises. Afin de choisir la
démarche d’évaluation appropriée, on
doit d’abord déterminer si l’entreprise
est viable. Une analyse préliminaire des
perspectives de rentabilité (bénéfices / f lux
monétaires) est donc requise. Les résultats
préliminaires de cette analyse devraient
permettre d’envisager la possibilité ou
non de justifier une valeur plus élevée
en utilisant une démarche fondée sur le
rendement ou sur le marché par rapport
à une autre, fondée sur les actifs.
Capitalisation
Bénéfice
l’entreprise après la disposition de tous
ses actifs et le paiement de tous ses passifs.
Voici un sommaire de la méthode fondée
sur la valeur des actifs :
VALEUR DE LIQUIDATION DES ACTIFS
de vente et autres coûts
– Frais
reliés à la liquidation
– Paiement des passifs
ou pertes d’exploitation
+ Profits
durant la période de liquidation
+ Impôts d’entreprises
disponibles aux
= Fonds
actionnaires
au moment de la
– Impôts
distribution aux actionnaires
= Valeur de liquidation
Actualisation
des flux
monétaires
Flux
monétaire
puisque cette information est généralement tenue confidentielle. L’inconvénient
prédominant de cette méthode demeure
l’imprécision due au nombre important
d’éléments qui caractérisent l’unicité de
chaque entreprise.
3. LA DÉMARCHE FONDÉE SUR
LE RENDEMENT
La démarche fondée sur le rendement
est une façon générale d ’établir la
valeur d’une entreprise à l’aide d’une
ou plusieurs méthodes par lesquelles la
valeur est déterminée en convertissant
les bénéfices prévus. Cette démarche
envisage la continuité de l’exploitation
de l’entreprise. Les méthodes les plus
couramment utilisées sont :
■■ capitalisation du bénéfice net
représentatif;
Les trois démarches sont les suivantes :
1. LA DÉMARCHE FONDÉE SUR LA VALEUR
DES ACTIFS D’UNE ENTREPRISE La démarche fondée sur la valeur des
actifs est retenue si :
■■ une liquidation est envisagée en
raison du manque de viabilité de
l’entreprise selon l’hypothèse de la
continuité de l’exploitation;
■■ la nature de l’entreprise fait en sorte
que la valeur des actifs représente
le facteur déterminant de la valeur
de (ex : un terrain inoccupé, un
portefeuille de biens immobiliers ou
de titres négociables, etc.);
■■ s’il n’y a aucun bénéfice ou flux de
trésorerie représentatif à capitaliser.
Cette méthode consiste donc à
quantifier le montant net que réalisera
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2. LA DÉMARCHE FONDÉE SUR LE MARCHÉ La démarche fondée sur le marché est une
façon générale d’établir la valeur d’une
entreprise à l’aide d’une ou de plusieurs
méthodes qui comparent l’élément à
l’étude à des entreprises comparables qui
ont été vendues réellement.
Des exemples de méthodes utilisées dans le cadre de cette démarche
comprennent :
■■ l’étude de sociétés comparables à
l’aide de bases de données;
■■ les analyses d’opérations antérieures
relatives à la propriété de la société
sous étude.
Cette méthode présente quelques difficultés pratiques. Il est souvent très difficile
d’obtenir de l’information financière précise au sujet de transactions comparables
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■■ capitalisation du flux monétaire
représentatif;
■■ capitalisation des bénéfices avant
intérêts, impôts et amortissements
(BAIIA);
■■ actualisation des flux monétaires
discrétionnaires.
LA MÉTHODE DE LA CAPITALISATION DU
BÉNÉFICE NET REPRÉSENTATIF Cette méthode est principalement utilisée
dans des cas d’entreprises de service, de
distributeurs et de détaillants et est basée
sur le fait que le passé de l’entreprise va se
maintenir au même rythme dans le futur.
Elle est utilisée lorsque les investissements
en immobilisations ne vont pas connaître de changements majeurs et lorsque
l’entreprise n’est pas dans une phase de
croissance importante.
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Le bénéfice net représentatif avant
impôts est déterminé en fonction des
résultats des derniers exercices financiers
et des résultats budgétés pour les années
à venir, redressés pour tenir compte de
revenus ou dépenses non susceptibles
de se reproduire dans le futur ou non
représentatifs d’une exploitation normale.
Les redressements qui surviennent les
plus fréquemment sont :
■■ revenus ou dépenses relatifs aux
éléments d’actif excédentaires;
■■ amortissement de l’achalandage ou
actifs incorporels;
■■ rémunération excédentaire des
dirigeants;
■■ loyers ou autres payés à des parties ne
traitant pas à distance;
■■ mauvaises créances exceptionnelles;
■■ gain ou perte sur vente d’éléments
d’actifs;
■■ radiation de stocks désuets;
■■ contributions pour services passés
à un fonds de pension;
■■ dépenses relatives à un
déménagement.
Après avoir redressé les résultats annuels
antérieurs et budgétés, on détermine le
bénéfice représentatif avant impôts par
voie de moyenne simple ou pondérée. On
déduit de ce montant les impôts au taux
d’imposition approprié afin d’obtenir le
montant du bénéfice net représentatif.
Afin de déterminer le taux de capitalisation, les professionnels en sont venus à
développer une démarche de détermination des multiples applicables au bénéfice
net représentatif qui s’appelle la méthode
de l’accumulation (Build-up method).
Cette méthode est fondée sur le principe
de l’accumulation. Ainsi, le taux d’actualisation des bénéfices (et par conséquent
le taux de capitalisation y afférent) est
constitué de plusieurs primes de risque qu’il
est possible de définir et qui, lorsqu’on les
additionne au taux de rendement sans risque, équivalent au rendement global qu’un
investisseur devrait réaliser en investissant
dans l’entreprise.
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Tableau sommaire de la méthode de capitalisation du bénéfice net représentatif :
Le modèle de la méthode de l’accumulation se résume comme suit :
TAUX DE RENDEMENT
SANS RISQUE
Taux de rendement moyen des
obligations à long terme du
gouvernement du Canada
de risque de
+ Prime
participation au capital-
actions (rendement moyen
additionnel qu’un investisseur
est susceptible de réaliser sur un
placement en actions en sus du
rendement des titres du
gouvernement du Canada. La
source la plus utilisée pour
déterminer cette prime est
Ibbotson Associates Stocks,
Bonds and Inflation Yearbooks).
additionnelle en
+ Prime
raison de la taille de
l’entreprise (on retrouve aussi
cette prime additionnelle dans
les statistiques Ibbotson).
pour autres facteurs de
+ Prime
risque spécifiques à
l’entreprise (secteur industriel,
risque financier de l’entreprise,
diversification des activités,
autres caractéristiques
opérationnelles…)
de capitalisation du
= Taux
bénéfice net représentatif
Finalement, afin d’établir la juste
valeur marchande de l’entreprise, il
est nécessaire d’ajouter, s’il y a lieu, la
juste valeur marchande des éléments
d’actif excédentaires à la valeur capitalisée de bénéfice net représentatif.
Voici quelques exemples d’éléments
d’actifs excédentaires :
■■ excédent d’encaisse;
■■ placements en actions boursières;
■■ placements dans d’autres
entreprises;
■■ actifs ne servant pas à
l’exploitation courante;
■■ capacité d’emprunt inutilisée.
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BÉNÉFICE NET AVANT IMPÔTS
/– Redressement
+
– Impôts
net représentatif après
= Bénéfice
impôts
de capitalisation (multiple qui
x Taux
correspond à l’inverse du taux de
rendement exigé)
=
+
=
Valeur actualisée
Éléments d’actifs excédentaires
Juste valeur marchande
LA MÉTHODE DE CAPITALISATION
DU FLUX MONÉTAIRE REPRÉSENTATIF Cette méthode est principalement utilisée
dans des cas d’entreprises manufacturières et
celles requérant des investissements en capital importants et est appliquée lorsqu’on est
en mesure de pouvoir établir des prévisions
financières sur une période significative (entre
3 et 5 ans).
Cette méthode est similaire à celle de la
capitalisation du bénéfice net représentatif,
sauf que les éléments suivants sont également considérés :
■■ élimination de l’amortissement;
■■ réinvestissement annuel de maintien
après impôts;
■■ valeur actualisée des économies fiscales.
Sommaire de la méthode de capitalisation
du flux monétaire représentatif :
BÉNÉFICE REPRÉSENTATIF AVANT IMPÔTS
+ Amortissement
– Impôts
annuel de maintien
– Réinvestissement
en immobilisations après impôts
= Flux monétaire net représentatif
x Taux de capitalisation
capitalisée du flux monétaire
= Valeur
représentatif
actualisée des économies
+ Valeur
d’impôts
= Valeur en continuité d’exploitation
+ Éléments d’actif excédentaires
= Juste valeur marchande
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DEUX QUESTIONS
IMPORTANTES
à poser au client pour soutenir
le travail de l’évaluateur
1Le conseiller doit questionner
LA MÉTHODE DE LA
CAPITALISATION DES BAIIA Cette méthode de la capitalisation du BAIIA est une variante
de la méthode de la capitalisation du bénéfice/flux monétaire
net représentatif.
Les acquéreurs d’entreprises
adoptent fréquemment une
approche « sans dette » lorsqu’ils
envisagent l’acquisition des éléments d’actif d’une entreprise
ou prévoient son refinancement.
Cette méthode permet
d’éliminer les distorsions qui
peuvent être engendrées par des
comparaisons avec des entreprises ayant des structures de
financement ou des politiques
d’amortissement différentes.
son client pour connaître
la tendance évolutive de son
entreprise afin d’estimer
raisonnablement toute plusvalue future anticipée.
2Le conseiller doit identifier
le secteur ou l’industrie auquel
appartient l’entreprise et
en quoi elle s’en distingue
ou s’y compare.
Jean-Guy Grenier, BAA, CMC,
AdmA, Pl.Fin., conseiller
principal en planification
financière, fiscale et
successorale, Desjardins
Sécurité financière.
La valeur obtenue en appliquant un multiple approprié au BAIIA permet de dégager
la valeur combinée des actions et de la dette
( a ) BAIIA
portant intérêt, soit l’équivalent de la somme
Il est établi de la même façon que le béné- du fonds de roulement et des éléments d’actif
fice/flux monétaire représentatif avant servant à l’exploitation de l’entreprise.
impôts, en y ajoutant les frais financiers.
LA MÉTHODE DE L’ACTUALISATION DES
( b ) Multiple
FLUX MONÉTAIRES DISCRÉTIONNAIRES Il est établi de la même façon qu’expliquée
antérieurement, mais en convertissant le
taux de capitalisation en un taux avant
impôts et frais financiers. Ceci suppose que
l’acquéreur peut établir son coût moyen pondéré du capital (CMPC) en se basant sur
une structure de financement appropriée.
Cette méthode consiste à déterminer la
valeur actualisée des f lux monétaires
discrétionnaires projetés et est principalement utilisée dans des cas d’entreprises en
démarrage ou d’entreprises qui devraient
connaître une forte croissance dans un
avenir rapproché.
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UNE VUE D’ENSEMBLE
Cette chronique a été rédigée
afin de fournir aux lecteurs une
vue d’ensemble ou un cadre de
référence pour être mieux sensibilisés aux problèmes inhérents à
l’évaluation d’entreprises.
En plus de quantifier la valeur
d’une société, entre autres à des
fins de transaction, le processus
d’évaluation peut permettre
aux propriétaires d’entreprises
de comprendre les facteurs qui
influencent sa valeur. Déterminer
la valeur d’une société relève à la
fois de la science et de l’art.
Quelles que soient les raisons qui les amènent à effectuer
une évaluation, les propriétaires
d’entreprises tirent parti du processus
d’évaluation proprement dit. Les résultats
de l’évaluation peuvent leur faire entrevoir
une série d’options leur permettant d’améliorer la valeur à court ou long terme de leur
entreprise, de la préparer adéquatement à la
relève ou à sa vente éventuelle ou d’effectuer
une planification fiscale.
Ron Schiller, CA, Planigesco Inc.
Conseillers en management
Sylvain Levasseur, CA, CFA ,
Acolytes Montréal Inc.
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