Etiologie et analyse du dysfonctionnement : Points de vue

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Etiologie et analyse du dysfonctionnement :
Points de vue méthodologiques
Urs Baumann & Meinrad Perrez
In : Lehrbuch Klinische Psychologie – Psychotherapie Hg. M. Perrez & U. Baumann
(S. 173-187). Huber Verlag : Bern, 2005.
Traduction : L. Defago & M. Reicherts
1. Notions et termes
La question de l’origine/cause des phénomènes appartient à la pensée scientifique générale ;
au chapitre 2.1. du livre, il est montré, que du point de vue scientifique, on postule différentes
formes d’explications causales (« Ursachen-Erklärungen »). Pour les troubles psychiques, la
question de la cause – la question de l’étiologie – n’est pas seulement une demande théorique,
mais aussi pratique. La psychothérapie, la réhabilitation, mais en particulier la prévention
primaire ne peuvent pas être délimités sans étiologie/savoir sur le (dys)fonctionnement
(Kaminski, 1970), qui au sens le plus large inclut la connaissance des causes. La thérapie
orientée vers les symptômes doit se débrouiller sans ce savoir ; c’est une forme de thérapie
souvent nécessaire mais pas très satisfaisante, qui est en partie appliquée pour les maladies
somatiques ou les troubles psychiques. Bien qu’un possible lien étroit est à viser entre
l’intervention et l’étiologie/les théories des causes/du (dys)fonctionnement, rien ne peut être
conclu à partir des interventions qui ont réussi quant à la validité de la théorie de l’étiologie
adoptée, comme le montrent les réflexions théoriques scientifiques (voir Westmeyer, 1976 ;
Westmeyer & Manns, 1977).
Pour la plupart des troubles psychiques, nous ne pouvons supposer une seule cause. La
plupart du temps, on tient compte d’un ensemble de causes ou d’une chaîne causale ; on parle
de multi-causalité ou de développement multifactoriel. La multi-causalité est en partie
avancée car aucune cause unique n’est prouvée, notamment car la multi-causalité est étayée
par des preuves positives. Même si pour des troubles spécifiques, une cause est connue, (par
exemple, une anomalie des chromosomes), alors une chaîne de conditions est responsable de
l’état actuel de l’enfant de 10 ans ou de l’adulte de 40 ans, conditions qui se développent du
1
fait de l’anomalie chromosomique. Dans les troubles psychiques, un concept de causalité
différencié est nécessaire, si l’on veut tenir compte de manière précise et adéquate de la
complexité du trouble. Souvent, on ne parle donc pas de la cause ou de l’étiologie d’un
trouble, mais des conditions favorisant un trouble (pour la différence, voir le paragraphe
suivant). La multi-causalité peut signifier que plusieurs facteurs du même niveau de données
produisent les effets ; les facteurs particuliers peuvent cependant aussi provenir de différents
niveaux. Ainsi, des modèles multi-causaux, multi-modaux sont souvent à prendre en
considération pour les troubles psychiques (sur les sources de données, voir chapitres 1 et 5
du livre). Les troubles psychiques peuvent être déterminés par des facteurs issus de sources
biologiques/somatiques (par ex., la dysfonction dopaminergique), psychiques (par ex., des
déficits cognitifs), sociales (par ex., des conflits avec le partenaire) ou écologiques (par ex.,
les conditions de logement). Dans ce cas, il faut un concept [voir aussi chapitre 1 du livre] par
lequel les causes, les conditions, ne peuvent finalement pas être réduites seulement à un
niveau biologique ; bien plus, nous avançons que des sources particulières de données
s’influencent mutuellement de sorte que les facteurs d’influence de chaque niveau sont
importants.
La complexité des phénomènes à analyser laisse clairement apparaître (Perrez & Waldow,
1984) pour les causes, que les conditions d’acquisition (Aneignung oder Akquisition)
(recherche sur l’étiologie au sens étroit) sont à différencier des conditions de maintien
(Performanzbedingungen oder aufrechterhaltenden Bedingungen) (évolution d’un trouble
après sa manifestation ; analyse du (dys)fonctionnement). La recherche sur les conditions
d’acquisition est centrale pour la prévention. Leurs connaissances permettent la réduction ou
la suppression ciblées des conditions renforçant le trouble. Elles peuvent être très importantes
au niveau thérapeutique pour l’indication et le pronostic. Le savoir sur les conditions de
maintien a une importance particulièrement élevée pour la thérapie. Selon des hypothèses
psychanalytiques, par exemple, les caractéristiques de la psychodynamique actuelle en tant
que conditions de maintien sont intéressantes. Dans les concepts psychologiques relatifs aux
comportements et aux cognitions, les affirmations sur les rapports fonctionnels entre le
comportement perturbé et les conditions externes du stimulus d’un côté, et les tendances au
comportement internes cognitives et cachées de l’autre côté, contribuent à la clarification des
conditions de maintien. L’analyse fonctionnelle du comportement est par conséquent dirigée
vers des explications du maintien. Souvent, des facteurs particuliers/isolés peuvent présenter
des conditions d’acquisition et de maintien et ainsi être assignés à différentes phases.
2
Avec le principe de la comorbidité (voir chapitre 4 du livre), la question causale est encore
plus compliquée, car la relation de chaque trouble des chaînes de conditions ordonnées doit
être précisée (Wittchen & Vossen, 2000) ; il n’est pas toujours évident de déterminer dans
quelle mesure les différents groupes de symptômes sont en réalité différentes facettes d’un
trouble. Dans la comorbidité, différents modèles peuvent être pris en considération : le trouble
X et Y sont indépendants l’un de l’autre et ont respectivement des chaînes causales
indépendantes ; le trouble X et Y ont des chaînes causales communes, etc. (Sher & Trull,
1996).
2. Facteurs vulnérabilisant vs. de protection ; vulnérabilité vs. résilience
Comme il l’a été montré dans la section 3 du livre, les troubles psychiques doivent être
considérés selon la perspective temporelle. Il est généralement accepté qu’il s’agit d’un
processus dynamique et interactif dans l’apparition et l’évolution des troubles psychiques :
Dynamique, car la probabilité de maladie ne présente la plupart du temps pas de
mesure stable, mais peut se modifier en raison d’influences internes et externes.
Processus interactif, car l’évolution de la maladie se passe dans l’interaction entre les
personnes et l’environnement.
Différents termes renvoient à des mesures correspondantes dans ce processus. Comme Jacobi
et Esser (2003) le notent, les différents termes sont employés de manière non uniforme. Il
s’agit de différencier les conditions, caractéristiques, qui facilitent la maladie (risque, facteurs
de risque, vulnérabilité, facteurs vulnérabilisant, marqueurs ; voir Kraemer et al., 1997), des
facteurs protégeant de la maladie (facteurs protecteurs, résilience, ressources). Ces facteurs
d’influences sont d’abord considérés selon la pathogenèse, i.e. selon l’apparition d’une
maladie/d’un trouble. Si l’on part du principe que la santé implique plus que l’absence de
maladie, alors selon Antonovsky, à côté de la pathogenèse, la salutogenèse est aussi
importante (Bengel, 2002). L’apparition et le maintien de la santé y sont à référer ; selon
Antonovsky, le sentiment de cohérence (sense of coherence) occupe ici une place
particulièrement importante.
3
Conceptuellement, il faut distinguer :
(1) Input, i.e. les influences qui sont soit destructrices (facteurs de risques, facteurs
vulnérabilisants), soit protectrices (facteurs protecteurs, ressources ; Weber, 2002). Les
facteurs peuvent être localisés en dehors (matériel, social) ou à l’intérieur de l’individu
(personnel) (Laucht, Esser & Schmidt, 1997) et assignés aux différents niveaux de données
(voir chapitre 5 du livre). Dans la recherche clinique, le terme de marqueur (Sher & Trull,
1996 ; Schreiber & Kornhuber, 1995) décrit des indicateurs ou des facteurs de risque pour un
trouble. S’il s’agit de caractéristiques qui sont présentes à la première apparition du trouble et
qui permettent ainsi d’en mesurer la vulnérabilité, alors on parle de traits-marqueurs (TraitMarker). Ils comprennent une prédiction pour l’apparition ultérieure de troubles psychiques.
Les traits-marqueurs (State-Marker) sont des indicateurs qui ne peuvent être mesurés que lors
de l’épisode d’un trouble et qui permettent la prédiction de son évolution ultérieure.
(2) Output, résultat (vulnérabilité vs résilience). La vulnérabilité, comme caractéristique
d’une personne, comprend le résultat des différents facteurs d’influences, i.e. la probabilité de
maladie (risque pour des maladies ; voir à ce sujet le chapitre 6 du livre). On distingue
souvent la vulnérabilité reposant sur la génétique de celle liée à l’environnement (Price &
Lento, 2001). Parfois, il est différencié entre la vulnérabilité primaire (risque présent à la
naissance) et secondaire (risque acquis après la naissance ; voir chapitre 10 du livre). Le terme
de la vulnérabilité est notamment proposé dans la recherche sur la schizophrénie comme
concept clé, mais peut cependant être utilisé de manière générale. Le niveau de résistance
envers les facteurs stressants (Belastungen) est décrit comme résilience (Egle, Hoffmann
&Steffen, 1997 ; Masten, 2001 ; Task Force, 1996). Elle est aussi une caractéristique de la
personne, en tant que résultat de processus transactionnels (voir chapitre 10 du livre). Parfois
les auteurs ajoutent à la résilience les facteurs de protection de manière à ce que le terme ne se
différencie pas des facteurs internes de protection (Jacobi & Esser, 2003).
Souvent, on parle de modèles diathèse-stress ou de modèles vulnérabilité-stress des troubles
psychiques (voir Ingram & Price, 2001). On entend par là que pour le déclenchement d’un
trouble psychique, une disposition (diathèse, vulnérabilité) – innée ou acquise très tôt – doit
être présente qui ensuite – en lien avec les stresseurs correspondants – mène au trouble actuel.
Plus la disposition est forte, moins les déclencheurs (stresseurs) sont nécessaires, et
inversement. Le terme de disposition implique une caractéristique ou une mesure fixe établie
4
de manière précoce. Même si pour certains troubles, l’importance du risque peut être
constatée relativement tôt et ne changer que peu au cours du temps, on peut, au niveau
conceptuel et de manière sensée, parler de la vulnérabilité mais aussi de la résilience comme
une caractéristique dynamique. Cela signifie que les constructs de vulnérabilité ou de
résilience, qui jusque-là ne sont pas encore mesurables individuellement, peuvent augmenter
ou diminuer dans les différentes phases (voir ci-dessous).
La relation mutuelle entre l’atteinte et la protection n’est pas toujours clarifiée au niveau
conceptuel. Les facteurs de protection ne sont pas simplement le contraire des facteurs de
risque (par exemple, facteur de risque : la pauvreté ; facteur de protection : la richesse). Pour
les facteurs de protection, il faut montrer que malgré la présence d’un facteur de risque, la
probabilité de maladie est plus faible que si le facteur de protection est absent. Ce n’est que
par l’analyse de l’interaction entre les facteurs de risque et les facteurs de protection qu’une
analyse complète du (dys)fonctionnement des troubles psychiques peut avoir lieu (par
exemple, Egle et al., 1997 ; Laucht, Esser & Schmidt, 1998). Cette interaction est
d’importance pour chacune des quatre phases de l’évolution d’un trouble introduites dans la
section suivante.
3. Phases de l’évolution d’un trouble
3.1
Séparation des phases
Dans le but de préciser le terme de « cause » (Ursache), on a divisé l’évolution d’un trouble
en quatre phases successives (voir par exemple Shepard, 1987). Dans chacune d’elles,
différents facteurs de risque et/ou de protection peuvent exercer une influence, de sorte que le
résultat s’avère chaque fois être la vulnérabilité et la résilience. La division en phases
schématise la pluralité des évolutions possibles. Dans les cas singuliers ou dans des troubles
particuliers, des transitions peuvent survenir, dans lesquelles les débuts et les fins de la phase
correspondante ne sont pas exactement discernables ; de même, l’importance de chaque phase
pour l’explication d’un trouble spécifique est différente. Pour la recherche sur l’étiologie, il
faudra différencier les phases introduites dans le tableau 1.
5
Tableau 1 :
Phases du déroulement des troubles psychiques
Phases
Tranches d’âge
Phase pré et périnatale
Avant la naissance,
à la naissance
Phase de socialisation
et de développement
Enfance précoce,
enfance (jusqu’à
l’âge adulte)
Phase d’apparition du
trouble (phase
prodromale)
-
Phase suivant
l’apparition du trouble
-
3.2
Facteurs potentiels influençant négativement
les phases (F) : Exemples de facteurs
biologiques, psychologiques, sociaux et
écologiques
F. biol. : facteurs génétiques ; maladies de la
mère pendant la grossesse ; complications à la
naissance
F. psycho. : non acceptation du rôle de mère
F. soc. : conflits avec le partenaire
F. écol. : stress radioactif
F. biol. : infections
F. psycho. : déficits cognitifs
F. soc. : interaction qualitative insuffisante avec
les personnes proches, pauvreté
F. écol. : gaz d’échappement d’usines
F. biol. : consommation de drogues
F. psycho. : surmenage professionnel
F. soc. : perte du partenaire
F. écol. : stress sonore (bruits)
F. biol. : médication inadéquate
F. psycho. : déficits de coping
F. soc. : atmosphère familiale vis-à-vis des
patients (Ex. : Expressed Emotions)
F. écol. : conditions de logement inadéquates
Phase 1 : phase pré et périnatale
Dans la phase 1, les facteurs d’influences suivants sont importants :
Génétiques, i.e. facteurs transmis héréditairement (voir chapitre 8 du livre). Influences
qui ont été actives pendant la grossesse : facteurs prénataux.
Influences au moment de la naissance : période périnatale (fin de la 28e semaine de
grossesse jusqu’au 7e jour de vie ; Pschyrembel, 2002).
Parfois, les états présents à la naissance sont décrits comme « innés », « congénitaux ». La
question demeure ouverte de savoir s’ils sont conditionnés de manière génétique ou intrautérine. La somme de ces influences introduisent dans une mesure différente, pour chaque
personne considérée individuellement, des circonstances pour l’évolution ultérieure. Le
résultat des influences décrites dans la phase 1 par rapport à un trouble psychique sont
appelées différemment dans le contexte clinique : disposition ou prédisposition, diathèse (voir
ci-dessus le modèle diathèse-stress) ou vulnérabilité (primaire).
6
3.3
Phase 2 : phase de socialisation et de développement
La socialisation (voir chapitre 10 du livre) comprend les changements de la personnalité sur la
base des influences par les autres personnes et institutions (environnement social) (Prenzel &
Schiefele, 1986). Si ce sont plutôt des sources de changement intra-individuelles qui sont au
premier plan, alors on parle souvent de développement (Flammer, 1988) ; le terme de
développement est cependant aussi utilisé pour l’ensemble des changements. Sur la base de la
conception psychanalytique, mais aussi de la théorie de l’attachement, on a très souvent et
quasi exclusivement mis en lien la phase de socialisation avec la phase de l’enfance précoce
(de 0 à 5 ans). Cette position est aujourd’hui infirmée, abandonnée et remplacée par la
perspective du développement comme processus continu (life-span development ; Baltes,
1990). On pense par là que l’homme change au cours de toute sa vie en raison de différentes
influences ; cette perspective s’est aussi révélée féconde pour la recherche en gérontologie,
notamment. Le point de vue psychanalytique, pour qui l’enfance précoce est le déterminant
principal de l’apparition des troubles psychiques, est aujourd’hui à peine représenté sous cette
forme, bien qu’il n’est pas controversé que l’enfance présente une phase clé de socialisation
(Perrez, 2005).
3.4
Phase 3 : préalable et précédent à l’apparition d’un trouble (parfois appelée
phase prodromale)
Pour différents troubles, mais aussi pour différentes personnes, il faut souvent prendre en
compte des transitions variables entre les phases 2 et 3 de l’évolution du trouble. Malgré tout
– même quand l’apparition du trouble n’est très souvent pas soudaine, mais insidieuse – on
cherche à déterminer par un point précis le début de la manifestation du trouble. La
détermination de la maladie, le désir de changement, la recherche d’aide, peuvent présenter
des aides à la datation. Le terrain préalable à l’irruption du trouble est important, car la
question des déclencheurs est posée. La recherche sur le stress, en particulier la recherche sur
les événements de vie (Life-Event ; événements critiques de vie) a permis de souligner (voir
chapitre 11 du livre), que des événements stressants – ponctuels et chronifiés – peuvent
déclencher des troubles. Il est en partie difficile de répondre à la question de la cause et de
l’effet dans ce domaine de recherche. Par exemple, est-ce que la fréquence du nombre
d’événements critiques de vie avant l’irruption du trouble est un indice d’un stress augmenté,
la conséquence d’un trouble en train de s’établir ou une perturbation de la perception ? La
7
dernière variante aurait lieu par le fait qu’en raison du trouble, l’attention serait plus fortement
orientée qu’elle ne l’est par les personnes en bonne santé, vers les événements stressants, bien
que la fréquence d’apparition et l’importance de ces événements ne varient pas entre les
patients et les personnes en bonne santé.
3.5
Phase 4 : évolution suivant l’irruption du trouble
Dès que l’on considère le temps suivant l’irruption du trouble, on s’intéresse aux conditions
qui maintiennent un trouble. Ici également, il est possible de distinguer des facteurs
d’influences péjorantes (par exemple une relation stressante avec le partenaire) ou de
protection (par exemple, le soutien social par les proches), qui influent sur l’évolution
ultérieure du trouble. Ainsi, la recherche sur le concept des Expressed Emotions (voir chapitre
28 du livre) a montré que des constellations et des interactions familiales spécifiques mènent à
un risque de rechute augmenté chez les patients schizophrènes.
3.6
Conditions d’acquisition et de maintien
Selon Perrez et Waldow (1984), les facteurs des phases 1 et 2 (en partie aussi la phase 3) sont
décrits comme des conditions d’acquisition, et les facteurs de la phase 4 comme des
conditions de maintien (voir ci-dessus). Selon Fiedler (1997), le savoir étiologique au sens des
conditions d’acquisition (phases 1 et 2, en partie 3) fonde les stratégies thérapeutiques pour
les troubles psychiques ; Perrez et Bodenmann (1997), en revanche, ont rétorqué que pour les
troubles psychiques, les théories étiologiques au sens strict (surtout pour les phases 1 et 2)
sont encore de nos jours limitées, et que le savoir actuel sur les conditions, i.e. l’information
sur les facteurs qui maintiennent le trouble présent (surtout la phase 4), serait bien plus
important.
4. Formes d’évolution des épisodes de certains troubles
Le terme de cause suppose le plus souvent une première apparition aiguë d’un trouble, qui
ensuite – avec ou sans traitement spécifique (voir la rémission spontanée selon Eysenck ;
chapitre 16 du livre) – disparaît à nouveau après un certain temps. Si cette forme d’évolution
se manifeste dans les troubles psychiques, alors d’autres formes peuvent être décelées. En
8
référence à Zerssen (1987) et aux systèmes de classification CIM-10 et DSM-IV-TR,
différentes formes d’évolution peuvent être présentées pour les troubles psychiques,
caractérisant à elles seules ou en combinaison, l’évolution d’un trouble ; quelques exemples
sont présentés dans le schéma 1.
Schéma 1 : Exemples de formes d’évolution des troubles psychiques (T : axe temporel ; S :
manifestation symptomatique ; K : valeur critique qui doit être dépassée pour
parler de trouble)
Episode avec évolution fluctuante
T
Episode avec déroulement chronique, stable
T
Episode avec rémission partielle
Episode avec rémission complète (T1)
ou rétablissement, guérison (T2)
T1
9
S
Evolution épisodique avec
symptômes résiduels stables
K
T
S
Evolution épisodique avec
rémission complète
K
Si l’on considère la manifestation particulière d’un trouble, alors nous parlons d’un épisode
(épisode de maladie ; parfois aussi phase). Ce dernier est caractérisé par l’apparition d’un
trouble avec une manifestation minimale (voir les critères du CIM-10 ou du DSM-IV-TR) et
une durée minimale (par exemple l’épisode maniaque selon le DSM-IV-TR : au moins une
semaine de manifestation de symptômes). Selon la durée ou la forme de l’évolution, les
épisodes sont spécifiés en plus :
Evolution paroxysmale : évolution ponctuelle, sous forme d’accès ou de crise, d’un
épisode de trouble ; en l’espace de quelques minutes, la valeur maximale de
fonctionnement extrême est très souvent atteinte, et revient en l’espace de quelques
minutes ou heures à la valeur de départ (par exemple, dans les attaques de panique, les
symptômes doivent, selon le DSM-IV-TR atteindre leur maximum en l’espace de 10
minutes).
Evolution chronique, continuelle : l’épisode de trouble reste pour un long temps (par
exemple un an, deux ans) avec une manifestation minimale. Cette caractéristique ne
peut être attribuée qu’après un temps d’observation plus long (par exemple, selon le
DSM-IV-TR : dépression majeure, à caractère chronique : au moins deux ans).
Si l’on considère l’évolution d’un seul épisode, alors l’évolution ou les séquences uniques
peuvent être stables (aucun changement), progressives (se détériorant) ou fluctuantes (degré
changeant de manifestation du trouble ; par exemple pour les troubles anxieux simples). Les
changements peuvent se manifester par poussées ou de manière continuelle.
10
Si l’on considère pour un seul trouble donné les états finaux possibles d’un épisode, alors on
peut différencier les variantes suivantes en référence à Zerssen (1987) (pour une
opérationalisation des états finaux : voir Stieglitz, 2000) :
Guérison, rétablissement (la personne est en bonne santé) : le même niveau que lors
de l’apparition du trouble est atteint, dans lequel le trouble, disparu, ne survient plus
pendant une période minimale définie. La structure de personnalité présente avant
l’apparition est décrite par le terme de personnalité prémorbide (von Zerssen, 2001,
2003). Le prérequis à la guérison consiste donc en un temps minimal de rémission
complète.
Rémission complète : il n’y a plus aucun signe ou symptôme du trouble. Il est
cependant possible que le trouble survienne à nouveau. Selon le DSM-IV-TR, il est
possible de déterminer, déjà après une période de rémission complète et sur la base
d’un processus de décision complexe, si c’est l’expression « guérison » ou
« diagnostic X en rémission complète » qui correspond.
Rémission partielle : il y a encore quelques symptômes ou signes, mais ne remplissant
pas les critères du trouble. Pour les schizophrènes, on parle plus souvent de
symptômes résiduels. La rémission partielle peut mener à la rémission complète ou à
une nouvelle maladie ; si la symptomatique résiduelle reste sur une plus longue
période, alors dans le cas de la schizophrénie, on parle de schizophrénie résiduelle
(Schizophrénie résiduelle ; CIM-10 : F20.5).
Chronicisation : le trouble demeure pour une longue période à un niveau minimal (les
critères sont remplis), éventuellement jusqu’à la mort.
Modification de la personnalité : après la diminution du trouble, le niveau original de
la personnalité n’est plus jamais atteint ; par exemple, dans certaines formes de la
schizophrénie. On utilise le terme de personnalité postmorbide (von Zerssen, 2001) ;
dans la CIM-10, il existe pour cela la catégorie F62 « Modifications durables de la
personnalité, qui n’est pas la conséquence d’un dommage ou d’une maladie du
cerveau ».
Mort : selon Ahrens et Freyberger (2002), il existe pour nombre de troubles
psychiques un risque de mortalité augmenté, particulièrement par suicide et par
accidents.
11
Si au moins deux épisodes surviennent, alors on parle d’évolution épisodique, par phases ou
récidivants (récidive : rechute). Pour cela, il peut s’agir du même tableau du trouble ou de
différents tableaux de trouble (par exemple le trouble affectif bipolaire : épisodes d’une
dépression majeure et épisodes maniaques). L’évolution sur un long terme est décrite selon
l’état final par les épisodes correspondants dans le DSM-IV-TR et la CIM-10 avec des codes
supplémentaires spécifiques. Tant qu’il y a plus d’un épisode, différentes formes d’évolution
peuvent résulter, car certains épisodes peuvent chaque fois parvenir à différents états finaux
(par exemple le premier épisode avec une rémission partielle finale, le deuxième épisode avec
chronicisation, etc.).
5. Plans de recherche pour la recherche sur l’étiologie et le (dys)fonctionnement
5.1
Survol des paramètres méthodologiques
Pour la recherche des facteurs importants dans le développement et le maintien des troubles,
différentes stratégies de recherche peuvent être mises en place. Comme critères de
systématisation (Ordnungsgesichtspunkte) des plans de recherche sur l’étiologie, les points de
vue introduits dans le tableau 2 (page suivante) sont proposés.
Les aspects introduits peuvent être combinés entre eux : si par exemple des étudiants sont
observés par rapport à leur performance dans les conditions « avec/sans bruit contrôlable »
(impuissance apprise), alors nous avons la configuration suivante : étude transversale (études
de groupes) sur un échantillon aléatoire de la population normale, sous forme d’étude
analogue (par rapport à la manifestation du trouble, les sujets, la dimension temporelle, le
cadre (Setting), la procédure de recherche) en laboratoire avec contrôle expérimental des
conditions, pour examiner la cause/l’effet (analyse de dépendance).
12
Tableau 2 : Points de vue méthodologiques pour la planification de recherche des études
étiologiques
Nombre de points
de mesures
•
•
•
•
Etudes longitudinales (prospectives)
Etudes longitudinales fictives (cohortes avec des paramètres
temporels différents)
Etudes rétrospectives
Etudes transversales
Sélection des échantillons
•
•
•
Echantillons aléatoires ou non de la population normale
Groupes à risque
Groupes cliniques
Représentation du
phénomène/recherche
•
•
Etudes cliniques
Etudes analogues
Nombre de
interrogées
•
•
Etudes de cas uniques
Etudes de groupes
Type de contrôle
•
•
Etudes en laboratoire
Etudes sur le terrain
Type d’analyse
•
•
Analyse de l’interdépendance
Analyse de la dépendance
personnes
La question de la spécificité des résultats est un problème important dans toutes les études sur
l’étiologie (Sher & Trull, 1996). Si l’on trouve dans un groupe diagnostique particulier X des
structures de perception particulières ou des déficits de socialisation issus de l’enfance
précoce, alors se pose la question de la manière dont se présentent les résultats (1) chez des
personnes sans trouble (groupe de comparaison ne présentant pas de symptômes) et (2) chez
des personnes avec d’autres troubles. La spécificité pour un trouble est donc à examiner par
rapport aux personnes en bonne santé et par rapport aux personnes avec d’autres troubles. Il
convient de choisir les groupes de comparaison cliniques selon des paramètres pertinents
comme notamment la durée de maladie et d’hospitalisation, l’adéquation sociale, etc.
5.2
Nombre de points de mesure
5.2.1
Etudes longitudinales
Les troubles psychiques sont à comprendre dans une évolution temporelle (phases 1 à 4 du
déroulement du trouble). Pour cela, des études longitudinales sont proposées, nécessaires pour
la recherche sur l’étiologie/l’analyse du (dys)fonctionnement (Baltes, 1968 ; Grabe & Maier,
2001 ; voir aussi la méthodologique générale et la méthodologie de la psychologie du
13
développement). Pour des raisons éthiques, des dommages produits expérimentalement pour
rechercher les structures de conditions des troubles psychiques sont évidemment interdits.
Etudes longitudinales prospectives : L’apparition d’un trouble doit être considérée
dans les conditions naturelles : les personnes sont observées sur une longue période avant
l’irruption d’un trouble (phases 1 à 3 ; voir ci-dessus). Après l’irruption du ou des trouble(s),
on peut – en comparant des personnes avec et sans trouble – tirer des conclusions sur les
facteurs de (dys)fonctionnement à partir des données déjà récoltées. Il faut prêter attention au
fait que les vastes études longitudinales ne sélectionnent chaque fois qu’une partie de
l’ensemble des variables et de l’axe temporel. Ainsi, postuler une structure de conditions
théorique n’est empiriquement possible que dans certaines limites. Un autre problème vient de
l’effet dit effet de génération, i.e. les résultats ne sont en premier lieu valables que pour les
cohortes concernées. Ainsi se pose la question de savoir si les concepts de l’étiologie,
proposés pour les personnes nées durant les années 1940-1950, sont aussi valables pour les
personnes nées durant les années 1970-1980, car les groupes de personnes respectifs
proviennent de tranches d’âges de différentes conditions de socialisation. La question de la
causalité dans les études longitudinales prospectives n’est pas souvent clairement explicable,
lorsque les facteurs n’apparaissent que dans des combinaisons spécifiques, en partie non
linéaires (linéaire : plus l’intensité est forte, plus cela est en faveur de la maladie) et dans des
séquences spéciales (le facteur X n’a pas de répercussion sur la maladie, si avant X, Y
apparaît aussi), etc. (voir Jacobi & Esser, 2003). Pour des raisons éthiques et scientifiques, on
combine aujourd’hui partiellement les études étiologiques avec les études sur les
interventions. Pour une partie des groupes à risque et des groupes de contrôle, des
interventions sont introduites, pour faciliter les interprétations causales.
Études longitudinales « fictives » (cross sectional design) : En se référant au coût très
important des véritables études longitudinales, on vise des plans de recherche qui incluent
l’axe temporel, mais qui sont moins coûteux. Les études longitudinales « fictives » portent sur
des personnes qui se différencient selon la durée des variables indépendantes. Par la
succession de chaque groupe (= cohortes), on obtient une séquence temporelle fictive. Si par
exemple on veut analyser l’adaptation sociale (AS) comme fonction de la durée de la maladie
(DM), on recherche pour un moment particulier des personnes dont le trouble de
schizophrénie (DM) a commencé il y a 1, 5, 10 ans et on mesure leur adaptation sociale.
Comme le montre la méthodologie, des effets de cohortes ou de temps peuvent mener à des
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conclusions erronées. Les effets de cohortes apparaissent car les cohortes particulières étaient
soumises à des socialisations différentes, en raison des différences d’âge. Les effets temporels
(par ex., taux de chômage durant l’année analysée) peuvent toucher de manière différentielle
chaque cohorte.
Pour des périodes de temps plus courtes, on cherche si possible à mettre en évidence
des effets différenciés en combinant des études longitudinales fictives et réelles (voir
Rudinger, 1978) ; les études de ce type varient systématiquement les années de naissance,
l’âge des sujets et les moments d’analyse (longitudinal cohort sequential design).
Études (longitudinales) rétrospectives : Les personnes relatent les temps passés, d’où
sont tirées ensuite des conclusions sur l’évolution (méthode importante de la psychanalyse,
souvent aussi utilisée dans la recherche sur les événements de vie (Life-Events) et sur le
coping). Les discours rétrospectifs représentent la reconstruction du passé du point de vue
actuel ; les processus de traitement de l’information peuvent faire que la reconstruction
représente une image déformée de la situation originale. Pour les thérapies, ces informations
sont cependant utilisables ; pour le gain de connaissances sur l’étiologie, il faut prendre en
considération des effets de déformation dans l’interprétation des données.
5.2.2
Etudes transversales
Pour la clarification de l’étiologie/des structures de conditions, des études transversales sont
souvent menées, i.e. deux ou plusieurs échantillons qui se différencient selon des aspects
étiologiques importants sont comparés entre eux :
Ainsi, on calcule par exemple en génétique (voir chapitre 8 du livre) le risque de
morbidité pour le trouble X pour des degrés de parenté différents, à partir de personnes
présentant le trouble X. Sur la base des hypothèses génétiques, on attend des
régularités entre les degrés de parenté et la grandeur du risque de morbidité. Une
procédure semblable se trouve aussi dans l’épidémiologie (voir chapitre 6 du livre),
lorsque les échantillons sont analysés avec des caractéristiques socio-démographiques
différentes par rapport au risque de maladie.
Les études expérimentales sont aussi des expérimentations dans lesquelles un groupe
avec le trouble S est comparé à un groupe contrôle ne présentant pas de symptômes
et/ou à d’autres groupes de patients, pour en extraire des informations étiologiques.
15
Les études transversales sont – d’un point de vue méthodologique – souvent des études
corrélationnelles ou quasi-expérimentales (pas de distribution aléatoire des personnes dans les
groupes) ; les personnes des groupes analysés peuvent donc se différencier non seulement par
rapport aux variables centrales (par exemple le diagnostic), mais aussi par rapport à d’autres
caractéristiques. Si l’on compare par exemple deux groupes avec des troubles liés à
différentes substances psychotropes (par exemple, dépendance à l’alcool et aux
hallucinogènes), alors nous avons dans les groupes, en plus de la différence de diagnostic,
souvent aussi des différences d’âge, de socialisation professionnelle, etc. Les résultats ne
peuvent donc pas être sans autre mis en lien avec le diagnostic.
Les études transversales engendrent en plus des problèmes d’interprétation par rapport à la
question de l’origine/de l’efficacité. Dans un groupe avec un diagnostic X (trouble dépressif),
le phénomène S observé (par exemple, nombre réduit de contacts : « déficit de contact ») peut
être interprété différemment (Barnett & Gotlieb, 1988) :
(1) Variante symptôme : S appartient au trouble X ; par exemple un déficit de contact
social faisant partie du trouble dépressif.
(2) Variante maintien du trouble : S découle de X, ce qui rend plus difficile un
rétablissement ou augmente le risque pour une rechute ; par exemple le déficit de
contact comme conséquence du trouble dépressif, ce qui entre autre maintient le
trouble ou augmente le risque de rechute.
(3) Variante causes, (dys)fonctionnement, conditions (Ursachen-, Bedingungsvariante) : S mène – seul ou avec d’autres facteurs – à X ; par exemple le déficit de
contact social mène à lui seul ou ensemble avec d’autres facteurs à un trouble
dépressif.
(4) Variante vulnérabilité : S – seul ou avec d’autres facteurs – augmente le risque pour
X ; par exemple le déficit de contact social à lui seul ou avec d’autres facteurs présente
des facteurs de vulnérabilité.
Dans une étude transversale particulière, il n’y a souvent aucune décision possible quant aux
différentes variantes d’interprétation.
16
5.3
Sélection des échantillons
La recherche sur l’étiologie/les structures de conditions peut porter sur différents échantillons.
Échantillon aléatoire ou choisi de la population normale : Pour les études
longitudinales prospectives (durée : le plus souvent au moins plusieurs années) les
échantillons aléatoires issus de la populations normale sont particulièrement importants, car
grâce à eux, les structures de conditions non sélectionnées sont examinées. Dans cette
approche, il s’agit de choisir un grand échantillon, afin que les effectifs des groupes cliniques
potentiellement présents soient suffisamment grands malgré la probabilité relativement faible
d’apparition (les valeurs estimatives sont issues de l’épidémiologie : risque de morbidité,
prévalence et incidence ; voir chapitre 6 du livre).
Groupes à risque : La recherche sur les groupes à risque, pour qui en raison d’attentes
théoriques ou empiriques, il faut compter avec un risque augmenté de maladie, tolèrent des
tailles d’échantillons plus petites (par exemple, des enfants de personnes avec un trouble
psychique). Les groupes à risque sont à comparer avec les groupes contrôles qui ne présentent
pas les facteurs de risque. Cette approche est d’un intérêt tout particulier pour les études
longitudinales prospectives, car cela permet un accès économique à la recherche sur
l’étiologie. Les groupes à risque sont aussi utilisés pour des études transversales, pour
identifier par exemple les facteurs de vulnérabilité.
Groupes cliniques : Pour tous les designs des études longitudinales et transversales,
des groupes cliniques peuvent aussi être utilisés ; en règle générale il s’agit de données issues
de la prise en charge (Inanspruchnahmedaten), c’est-à-dire la sélection d’échantillons de
personnes qui fréquentent une institution particulière.
5.4
Représentativité des phénomènes (cliniques) / Recherche
Le termes d’études analogues renvoie aux études qui ne représentent que partiellement ou de
manière comparative la réalité analysée (Kazdin, 1980 ; Sher & Trull, 1996 ; voir chapitre 16
du livre). Les recherches sur les animaux sont un prototype comme analogon pour les
hypothèses sur les êtres humains (« modèle animal »). Mais beaucoup d’expériences chez les
gens en bonne santé (par ex., l’impuissance apprise) sont aussi des études analogues, ou bien
sûr toutes les simulations sur ordinateur. Des analyses plus précises montrent qu’une
dichotomie entre les études analogues et les études cliniques (réelles) n’est pas tenable. Bien
17
plus, nous avons une réalité – théoriquement postulée et perçue par des patients particuliers –
qui est représentée dans des recherches empiriques. Les études analogues ne sont pas un pôle
opposé de la réalité clinique ; en fait, chaque analyse dans une recherche illustre la réalité
selon différentes dimensions où, selon la dimension, les divergences peuvent être très
différentes. Pour la recherche en étiologie, ce sont surtout les divergences d’avec la réalité
présentées dans le tableau 3 qui sont importantes.
Tableau 3 :
Précision de représentation phénomène/recherche : les études analogues
Divergence par rapport Forme de la divergence
à la « réalité »
Catégorie
Homme vs. modèles issus des études sur les animaux vs. études
de simulation sur ordinateur.
Intensité du trouble
(comme variable de
classification ou comme
variable centrale des
mesures d’influence)
Intensité clinique (par ex. diagnostic CIM-10) vs. divergence
quantitative et qualitative des troubles cliniques.
Sujets
Patients (avec pression de souffrance et désir de traitement) vs.
personnes avec un trouble subclinique vs. personnes sans
trouble.
Ex. : Dépression vs. induction d’une légère baisse d’humeur
comme analogie pour l’apparition d’une dépression.
Ex. : Personnes avec une « phobie des files d’attente », mais
sans comportement d’évitement (signes de trouble qui ne
remplissent pas les critères diagnostiques), comme analogie
pour les patients phobiques selon la CIM-10.
Dimension temporelle
Processus de plusieurs années dans le quotidien clinique vs.
minutes, heures.
Ex. : Expérience sur l’impuissance apprise (quelques heures)
comme analogie pour l’apparition d’une dépression (plusieurs
années).
Setting, variables
indépendantes
Setting naturel, complexe (famille, travail, loisirs, etc.) vs.
stimuli expérimentaux.
Ex. : Expérience sur le stress avec bruit en laboratoire comme
analogie pour un pattern de stress complexe dans le domaine
professionnel.
Procédure de recherche
« Ensemble » du tableau clinique d’un trouble dans le quotidien
vs. procédure particulière.
Ex. : Echelles d’auto et d’hétéro-évaluation pour l’évaluation de
la dépression.
18
Le terme d’étude analogue renvoie au fait que chaque étude doit se référer de manière
détaillée aux critères de la validité de construct et de la validité externe, car il n’existe aucune
étude valide par rapport à tous les aspects (voir aussi la notion de recherche sur le terrain ;
Patry, 1982). Les études analogues peuvent – même si elles s’éloignent de la réalité selon
différents aspects – apporter des contributions importantes quant à la question de
l’étiologie/de l’analyse du (dys)fonctionnement, dans la mesure où, par le cadre théorique, les
résultats peuvent être mis en relation avec la réalité clinique.
5.5
Etudes de cas singuliers, études de groupes
La recherche sur l’étiologie/l’analyse du (dys)fonctionnement devrait mener à des assertions
générales ; c’est pourquoi les assertions correspondantes sont à justifier par des données
riches et variées. Les études de cas singuliers (voir aussi le chapitre 16 du livre) peuvent
apporter des suggestions importantes sur l’étiologie/l’analyse du (dys)fonctionnement : en
ayant une fonction de recherche ou de production d’hypothèses. Elles ne peuvent cependant
pas être les preuves centrales pour les assertions sur l’étiologie. Pour cela, ce sont surtout les
études de groupes pour cette branche de recherche qui sont utilisées.
5.6
Importance de l’influence et du contrôle du chercheur
Dans les recherches scientifiques, différents aspects peuvent être construits par le chercheur
ou – naturellement – tirés du quotidien. Les études en laboratoire représentent le maximum de
constructions ou de contrôle, les études sur le terrain (environnement naturel) le minimum.
Comme Patry (1982) le souligne justement, les chevauchements entre le laboratoire et le
terrain sont courants, car différents domaines peuvent être construits. Dans beaucoup d’études
analogues, nous avons un haut degré de contrôle et de construction. Par exemple, la plupart
des études longitudinales fournissent des données « construites », comme par exemple les
tests, les hétéro-évaluations, les valeurs de laboratoire, etc. La diversité des expériences sur
l’étiologie/l’analyse du (dys)fonctionnement ont été la plupart du temps menées lors
d’expériences en laboratoire, présentant une source de connaissance construite (et contrôlée)
particulièrement importante. Jusqu’à aujourd’hui, peu d’études issues de settings naturels ont
été menées concernent les théories ou les hypothèses en étiologie ; comme exemple, on peut
citer les films vidéos enregistrés de personnes durant leur jeunesse et qui ultérieurement ont
souffert de troubles psychiques. Les études avec des ordinateurs et des systèmes de saisie
19
informatisée dans lesquels le comportement quotidien est protocolé, sont aussi importantes
(Fahrenberg & Myrtek, 2001). Ce genre d’approches est de grande importance et devrait être
plus souvent appliqué pour la recherche future en étiologie ou pour l’analyse des structures de
conditions.
5.7
Types d’analyses
Dans la planification de la recherche, on différencie l’analyse d’interdépendance et l’analyse
de dépendance. Les analyses d’interdépendance constatent les rapports (covariations,
corrélations) et ne tirent aucune conclusion directe sur la relation cause/effet. Les analyses de
dépendance visent par contre des conclusions sur la relation cause/effet. Pour les analyses de
dépendance, l’expérimentation est particulièrement importante : la variable indépendante
varie systématiquement et les variables parasites pertinentes sont mise hors circuit ; la
distribution aléatoire des sujets dans les différentes conditions sert notamment ce but. Les
quasi-expérimentations sans cette distribution aléatoire contiennent des variations
systématiques opérées par les chercheurs. Mais d’importantes variables parasites ne peuvent
pas être contrôlées en raison de l’absence de distribution aléatoire, de sorte que la validité de
ce type d’études est limité : pour des raisons éthiques, la recherche en étiologie ne peut pas
avoir recours à des expérimentations réelles (cela est aussi valable pour la théorie de la
socialisation, etc.). Cependant, pour des raisons pratiques, peu d’expérimentations réelles sont
possibles, car les modèles multicausaux et multimodaux ne peuvent pas être transposés dans
des expérimentations en raison de leur complexité. Les analyses de dépendance au sens strict
ne sont en ce sens pas possible pour les études sur l’étiologie. Pour la recherche en étiologie,
il n’y a à disposition que des expérimentations de caractère analogue ou des études quasiexpérimentales ou corrélationnelles ; cela signifie que les conclusions étiologiques reposent
sur des analyses d’interdépendance ou des analyses de dépendance au sens large. Il ne faut
pas oublier que l’on a aussi la possibilité d’utiliser des plans ou des techniques d’analyses des
données sophistiqués. Si par exemple différents groupes cliniques se différencient
(diagnostics différents), alors nous ne pouvons – d’un point de vue méthodologique –
constater qu’un rapport corrélationnel entre le diagnostic et l’événement de vie (Life-Event),
pouvant résulter de différents rapports entre les conditions ; les assertions causales ne peuvent
pas être directement déduites. Les quasi expérimentations aussi (par ex., la comparaison de
personnes schizophrènes avec des troubles dépressifs par rapport à l’attention) ont des
possibilités limitées d’interprétation, car les résultats peuvent être attribués aux diagnostics,
20
mais aussi à nombre d’autres caractéristiques des échantillons (par ex., médication, durée de
la maladie, âge, profession).
6. Bilan
La recherche sur l’étiologie/l’analyse du (dys)fonctionnement des troubles psychiques exige
des plans de recherche assez complets et complexes. Chacun des types de plans de recherche
présentés montre des avantages et des inconvénients ; la « Via Regia », l’expérimentation sans
caractère analogue, n’est pas possible. Différentes stratégies de recherche sont donc
nécessaires pour parvenir à des conclusions sur l’étiologie ou les patterns de conditions. Une
restriction à un seul type de plan de recherche à l’intérieur d’un domaine de recherche ne peut
amener que des conclusions limitées. Pour la recherche sur les conditions d’acquisition des
phases 1 et 2, des études longitudinales différenciées sont indispensables ; pour la recherche
sur les conditions d’acquisition de la phase 3 et des conditions de maintien (phase 4), des
études transversales (notamment aussi sous forme d’études analogues) – à coté des études
longitudinales – sont pertinentes, et en partie aussi les études de cas singuliers.
La recherche sur l’étiologie/l’analyse du (dys)fonctionnement est de la plus grande
importance pour le secteur clinique. Elle permet le travail en commun interdisciplinaire, car
les troubles psychiques sont à conceptualiser comme multimodaux et à expliquer de manière
multicausale. Les modèles bio-psycho-sociaux bien étayés représentent le but général pour
l’étiologie/l’analyse du (dys)fonctionnement et l’intervention. Ce n’est qu’à travers un
processus complexe de recherche, dans lequel les différents aspects sont analysés, qu’il est
possible d’améliorer nos réponses aux questions de l’étiologie/de l’analyse du
(dys)fonctionnement des troubles psychiques.
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