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Ohadata D-06-04
LE DROIT IVOIRIEN DE LA CONCURRENCE 1
par Joseph ISSA-SAYEGH
Professeur.
Comme la plupart des pays africains de la zone franc, la Côte d'Ivoire s'est dotée d'un
droit de la concurrence propre, bien que dérivé, à l'origine, de l'ordonnance française de 1945
qui régissait la matière en France et dans les colonies. C'est ainsi que la loi 78-633 du 28
juillet 1978 vit le jour dans un climat d'économie semi-dirigée, dont l'intitulé ne s'était pas
beaucoup démarqué de celui de l'ordonnance de 1945 ("loi relative à la concurrence, aux
prix, à la poursuite et à la répression des infractions à la législation économique"). On fera
observer que les imperfections de la rédaction de l'ordonnance de 1945, dues surtout à des
économistes de l'époque au langage juridique incertain (ou à des juristes maîtrisant mal la
science économique), se retrouvent, parfois aggravées dans le texte ivoirien actuel.
Avec l'avènement de la libéralisation et de la mondialisation, la Côte d'Ivoire adopta
une seconde loi ayant le même objet (et le même style rédactionnel), bien que son intitulé soit
plus bref puisqu'il ne fat allusion qu'à la concurrence (loi 91-999 du 27 décembre 1991).
Malgré l'étroitesse de l'intitulé, le contenu est absolument (ou presque) identique à celui de
1978 et, de ce fait, hétéroclite (concurrence, concentration, ententes, positions dominantes,
prix, contrôle économique...) Ce texte s'est enrichi de nombreux textes réglementaires
destinés à en préciser l'application et de textes législatifs complémentaires mais extérieurs au
corpus précédemment cité, intervenus dans d'autres domaines : publicité; propriété
intellectuelle; ventes prohibées en raison de leur caractère dangereux pour le consommateur
captif ou non informé.
En dépit de cet intérêt pour le consommateur, on ne peut parler d'un véritable droit de
la consommation dans la mesure où sont absentes du droit positif toutes les dispositions
protectrices relatives à la formation, l'exécution ou la résiliation des contrats concernant le
consommateur (droit et délai de rétractation, droit d'être informé, interdiction des clauses
abusives, plan d'apurement des dettes, droit d'association des consommateurs, assistance
judiciaire du consommateur….). Cette lacune est en voie d'être comblée puisqu'un code
ivoirien de la consommation est en cours d'élaboration. Mais on déplore toujours l'absence
d'un véritable droit de la distribution, celui-ci se ramenant à quelques articles relatifs au
contrat de concession exclusive;
Il est résulté du travail décousu du législateur ivoirien un ensemble de textes
éparpillés, parfois répétitifs, lacunaires ou contradictoires, dont on tire l'impression que la loi
fondamentale 91-999 du 27 décembre 1991 comprend des matières hétérogènes tandis qu'elle
ne comprend pas tous les domaines de la concurrence; la cohérence et la cohésion de ces
textes ne peuvent apparaître et être appréciées que si on les présente dans un ensemble et dans
un effort de synthèse.
1 Ce texte est une communication faite à un colloque sur le droit de la concurrence qui s’est tenu à Ouagadougou
en février 2003.