cité de la musique
François Gautier, président
Brigitte Marger, directeur général
musiques pour luth
Du luth médiéval au grand luth baroque à treize chœurs, nul autre
instrument n’aura contribué de plus éloquente manière à l’expres-
sion des civilisations européennes de la Renaissance et du siècle des
Lumières.Cette série de concerts tente d’en retrouver les principales
essences : pour chaque époque, luth soliste, luth et voix, luth et
ensemble instrumental évoquent les richesses de la virtuosité et de la
contemplation à travers l’esthétique d’un monde humaniste. Un
concert consacré au oud permet de se souvenir de la parenté du luth
occidental avec le luth oriental, tout en évoquant les musiques du
monde d’aujourd’hui.
Le 16 mai,un forum musical invite le public à suivre le voyage du luth
occidental du XIIeau XVIIIesiècle. Pour les spécialistes et les fervents
amateurs,un colloque (13,14 et 15 mai) vous convie à participer aux
débats des toutes dernières recherches scientifiques - musicologie,
esthétique,organologie,iconographie - sans oublier les techniques de
l’interprétation, les réflexions sur l’enseignement et l’avenir du luth.
Pascale Saint-André
responsable du service culturel
du musée de la musique
samedi 9 mai 16h30 / amphithéâtre du musée
le luth baroque
Ennemond Gaultier dit le Vieux (ca. 1575-1651)
Pièces en ré mineur
prélude, courante, canaries, tombeau de Mesangeau,
courante, gigue La Poste
Jean-Sébastien Bach (1685-1750)
Sonate en sol mineur
(version pour luth d’après la sonate pour violon seul BWV 1001)
adagio, fuga, siciliana, presto
Sylvius-Leopold Weiss (1686-1750)
Partita en sol majeur
prélude, toccata, fuga, sarabande/un poco andante, allegro
Hopkinson Smith, luth Joël van Lennep (1980)
durée du concert : 1 heure
le luth baroque
Le premier tiers du XVIIesiècle marque un tournant décisif dans l’his-
toire du luth en France. Au cours de cette époque de recherches,
l’instrument, transformé dans sa facture, son accord et son style
d’exécution, donna naissance à un langage idiomatique en parfaite
harmonie avec la sensibilité précieuse du temps. La dévotion que
suscita le luth chez nos compatriotes fut telle que l’école française
exerça une sorte d’hégémonie sur l’Europe entière. Pourtant, vers
la fin du siècle,l’évolution du goût aura raison de cet art qui demeu-
rait hermétique au non initié. C’est donc dans un esprit bien différent
que le luth dut poursuivre sa carrière lorsque les pays germaniques
lui offrirent une nouvelle terre d’élection.
Ennemond Gaultier dit le Vieux (ca. 1575-1651),pour le distinguer
de son cousin Denis,peut être considéré comme le père fondateur et
l’inspirateur de l’école française du luth du XVIIesiècle. Originaire
du Dauphiné,il naquit vers 1575,et demeura pendant plus de trente
ans au service de Marie de Medicis dont l’exil définitif,en 1631, mit
un terme à sa carrière parisienne.Toutes les hyperboles ont été épui-
sées pour célébrer l’artiste et perpétuer le souvenir de ce personnage
haut en couleurs.Il était,dit-on, fort chiche de ses pièces, mais on doit
au soin de ses disciples et admirateurs d’en connaître aujourd’hui
près de cent cinquante de sa façon.
De par sa date de naissance,Gaultier fut à la fois le témoin et l’acteur
d’une évolution dont son œuvre reflète toutes les étapes. Les pièces
que l’on va entendre sont destinées à l’instrument à onze rangs de
cordes adoptant le nouvel accord (mineur) introduit en France
vers 1635. Le prélude non mesuré qui ouvre cette « suite », d’une
harmonie riche et serrée, teintée de chromatismes, provient d’une
source relativement tardive où il figure sans nom d’auteur. Certaines
allusions fugitives au Tombeau qui va suivre semblent suggérer le
nom de Gaultier : il n’en est pas indigne - et l’on ne prête qu’aux
riches.Après une fluide courante et les canaries au rythme capricant,
succède l’émouvant hommage que le luthiste rend à son confrère
René Mesangeau († 1638),allemande grave « qu’on ne se lassait pas
d’entendre »,et dont le motif initial évoque celui de célèbres Lacrimae.
La Poste,enfin, va entraîner l’auditeur sur les routes cahoteuses qui
le conduiront hors de nos frontières.
musiques pour luth
2| cité de la musique
Les prodiges par lesquels s’illustra Gaultier, Sylvius-Leopold Weiss
(1686-1750) les égala,les surpassa même, si l’on en croit les récits de
ses contemporains.Les quelque six cents pièces qu’il nous a laissées
- non comprises les œuvres pour ensemble dont seule subsiste la par-
tie de luth - justifient l’admiration que,longtemps après sa mort,on
portait encore à « ses compositions écrites dans un style pur et dense,
proche de celui des pièces pour clavier du défunt J. S. Bach ».
Issu d’une famille de Breslau (Wroclaw),Weiss attira l’attention de plu-
sieurs princes en raison de sa maîtrise instrumentale. Le long séjour
qu’il fit à Rome,dans la suite du prince Aleksander Sobieski et de sa
mère,l’extravagante « Regina di Polonia », côtoyant les Scarlatti, son
compatriote Haendel et probablement Corelli, sera d’une influence
décisive sur son évolution artistique. Lorsqu’en 1718 il accède au
poste très convoité de Cammer Lautenist de la Chapelle d’Auguste
le Fort, à Dresde,il appartient déjà au gotha musical de l’Empire.
Les œuvres de cette époque, écrites pour luth à treize « chœurs »,
font voisiner les éléments de la suite classique française (allemande,
courante, sarabande, gigue) et les mouvements abstraits issus de la
sonate italienne auxquels Weiss accordera une importance croissante.
Ici, un court Prélude d’allure improvisée sert d’introduction au dip-
tyque Toccata e Fuga,d’autant plus évocateur de Bach que le thème
de cette fugue fera immédiatement songer au « Gratias » de la Messe
en si mineur.La Sarabande,portée par le mouvement régulier de la
basse, est un long arioso défiant la nature même de l’instrument,
rebelle au cantabile.L’œuvre s’achève par un morceau de bravoure
digne des virtuoses de l’archet auxquels, dit-on,Weiss n’hésitait pas
à se mesurer.
Tout aura été dit à propos des Sei Solo à Violino senza Basso accom-
pagnato composés par Bach en 1720.Ce monumental microcosme de
science musicale qui épuise toutes les ressources théoriques et tech-
niques jamais imaginées pour les quatre cordes d’un instrument à
archet, dut cependant attendre la fin du siècle dernier pour que
Joseph Joachim mette un terme au statut d’études d’exécution trans-
cendante ou d’œuvre abstraite qui, pendant longtemps, avait été le
sien. La richesse des compositions est telle que Bach lui-même les
jouait souvent au clavicorde et réalisa une version pour clavier de
certaines de ces pages. Dès lors, on comprendra le désir bien légi-
time des luthistes de considérer les œuvres pour violon ou pour vio-
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