Les prodiges par lesquels s’illustra Gaultier, Sylvius-Leopold Weiss
(1686-1750) les égala,les surpassa même, si l’on en croit les récits de
ses contemporains.Les quelque six cents pièces qu’il nous a laissées
- non comprises les œuvres pour ensemble dont seule subsiste la par-
tie de luth - justifient l’admiration que,longtemps après sa mort,on
portait encore à « ses compositions écrites dans un style pur et dense,
proche de celui des pièces pour clavier du défunt J. S. Bach ».
Issu d’une famille de Breslau (Wroclaw),Weiss attira l’attention de plu-
sieurs princes en raison de sa maîtrise instrumentale. Le long séjour
qu’il fit à Rome,dans la suite du prince Aleksander Sobieski et de sa
mère,l’extravagante « Regina di Polonia », côtoyant les Scarlatti, son
compatriote Haendel et probablement Corelli, sera d’une influence
décisive sur son évolution artistique. Lorsqu’en 1718 il accède au
poste très convoité de Cammer Lautenist de la Chapelle d’Auguste
le Fort, à Dresde,il appartient déjà au gotha musical de l’Empire.
Les œuvres de cette époque, écrites pour luth à treize « chœurs »,
font voisiner les éléments de la suite classique française (allemande,
courante, sarabande, gigue) et les mouvements abstraits issus de la
sonate italienne auxquels Weiss accordera une importance croissante.
Ici, un court Prélude d’allure improvisée sert d’introduction au dip-
tyque Toccata e Fuga,d’autant plus évocateur de Bach que le thème
de cette fugue fera immédiatement songer au « Gratias » de la Messe
en si mineur.La Sarabande,portée par le mouvement régulier de la
basse, est un long arioso défiant la nature même de l’instrument,
rebelle au cantabile.L’œuvre s’achève par un morceau de bravoure
digne des virtuoses de l’archet auxquels, dit-on,Weiss n’hésitait pas
à se mesurer.
Tout aura été dit à propos des Sei Solo à Violino senza Basso accom-
pagnato composés par Bach en 1720.Ce monumental microcosme de
science musicale qui épuise toutes les ressources théoriques et tech-
niques jamais imaginées pour les quatre cordes d’un instrument à
archet, dut cependant attendre la fin du siècle dernier pour que
Joseph Joachim mette un terme au statut d’études d’exécution trans-
cendante ou d’œuvre abstraite qui, pendant longtemps, avait été le
sien. La richesse des compositions est telle que Bach lui-même les
jouait souvent au clavicorde et réalisa une version pour clavier de
certaines de ces pages. Dès lors, on comprendra le désir bien légi-
time des luthistes de considérer les œuvres pour violon ou pour vio-
musiques pour luth
notes de programme | 3