Qu'est-ce qu'un Luth ?
Le luth (de l’arabe
دوعلا
al-`ūd) est un instrument de musique à cordes pincées.
Le terme désigne aussi de manière générale tout instrument ayant les cordes
parallèles à un manche. Bien que voisin de la guitare, le luth a connu une histoire
différente et distincte, les deux instruments ayant coexisté au cours des périodes
principales de la musique. Il est d'origine persane (barbat) pour la forme
générale et arabe pour la caisse en lamellé-collé.
Il faut distinguer aujourd'hui dans le langage courant, deux grands types de
luths :
Le luth arabe oud (terme venant de al oud : « un morceau de bois »),
qui a donné le nom « luth » encore utilisé couramment aujourd’hui en
Afrique du Nord (principalement : la Tunisie, l'Algérie, et l'Égypte), en
Turquie et au Moyen-Orient. C'est un instrument essentiellement
mélodique (voir l'article détaillé)
Le luth occidental, dérivé du luth arabe, est l'objet de cet article. Arrivé
en Europe par l’Espagne, pendant la présence mauresque, il s’est
différencié du précédent vers le XIVe siècle. Il est devenu vraiment
polyphonique grâce à l’ajout de frettes sur le manche. Il a sans cesse
évolué, principalement par l’ajout de cordes graves, jusqu’au XVIIIe siècle
où il finira par disparaître, victime d’une image très élitiste et close du
public, ainsi que de son manque de volume sonore. L'essor de la musique
ancienne jouée sur des instruments copiés d'instruments originaux a
relancé l'intérêt pour cet instrument depuis la fin du XIXe siècle.
Lutherie
Atelier d'un luthier (1568)
Luth Renaissance à 8 chœurs (copie d'instrument ancien)
Le luth est presque entièrement en bois. La table est faite d'une fine planche de
bois résonnant (le plus souvent de l'épicéa) en forme de poire. Tous les luths ont
une, parfois trois rosaces décorées. Elles ne sont pas ouvertes comme sur une
guitare classique actuelle, mais constituées d'une grille décorative sculptée dans
le bois de la table lui-même.
Le dos de l'instrument est un assemblage de fines planches de bois appelées
côtes assemblées (avec de la colle) bord à bord pour former le corps très arrondi
de l'instrument. L'intérieur de cette coque est renforcé par des bandes de
parchemin collées[1]. Le manche est réalisé dans un bois léger et couvert de bois
dur (en général de l'ébène) pour la touche. Contrairement à la plupart des
instruments actuels, la touche est au même niveau que la table. La tête des luths
avant la période baroque faisait un angle avec le manche de près de 90°,
probablement pour que les cordes de faible tension restent fermement plaquées
au début du manche. Les chevilles sont coniques et sont maintenues en place
par friction dans les trous qui les reçoivent. La forme et les bois employés font du
luth un instrument très léger pour sa taille.
Les frettes sont réalisées à l'aide de cordes en boyau nouées autour du manche.
Quelques frettes supplémentaires en bois sont généralement collées sur la table,
où elles ne peuvent être nouées derrière le manche.
Les cordes en boyau (plus rarement en métal) sont groupées en chœurs,
généralement deux cordes par chœur (plus rarement trois) à l'exception du
chœur le plus aigu, la chanterelle, constitué d'une seule corde ; dans les luths
baroques tardifs, les deux chœurs les plus aigus sont généralement deux cordes
simples. Les chœurs sont comptés en groupe, ainsi la corde la plus aiguë est
appelée premier chœur, les deux cordes suivantes (pour un luth renaissance)
deuxième chœur etc. Un luth renaissance à huit chœurs aura donc
habituellement quinze cordes (sept fois deux cordes et une corde simple) et un
luth baroque a treize chœurs vingt-quatre cordes (deux fois onze cordes et deux
cordes simples).
Les chœurs sont accordés à l'unisson dans l'aigu et le médium, les chœurs
graves ayant une des cordes accordée à l'octave supérieure (selon les époques,
cette octave est rajoutée à partir de hauteurs différentes). Les deux cordes d'un
chœur sont presque toujours jouées à la même hauteur (dans la même case) et
simultanément, à l'exception de cas rarissimes ou elles sont jouées séparément
ou dans des cases différentes. L'accord du luth est très peu standardisé et assez
complexe.
Accord
Les luths ont été construits dans des tailles très variables et sans standard
permanent d'accord, le nombre de cordes et de chœurs ayant lui aussi
beaucoup changé.
Cependant, on peut dire que l'accord du luth Renaissance ci-dessous est en
général celui qui était employé : pour un luth à 6 chœurs, on retrouve l'accord de
la viole de gambe ténor, les chœurs ayant entre eux un intervalle de quarte
juste, à l'exception de l'intervalle entre les 4e et 3e chœurs qui est une tierce
majeure (on peut retrouver l'accord du luth Renaissance sur une guitare en
abaissant la troisième corde au fa# - au lieu de sol - les notes jouées alors
depuis la tablature sonnent une tierce mineure au-dessous du luth).
Pour les luths de plus de 6 chœurs, les chœurs sont ajoutés vers le grave. En
raison du grand nombre de cordes et de la largeur du manche, il est alors difficile
de modifier le son des chœurs les plus graves en plaçant un doigt de la main
gauche sur la touche ; ces chœurs sont donc plutôt utilisés de façon diatonique
pour permettre leur utilisation en cordes à vide, comme pour le luth pré-baroque
à 10 chœurs - voir ci-dessous.
Il s'agit ici de l'accord habituel, et il arrive que le compositeur donne d'autres
indications sur la manière d'accorder - par exemple : 7e chœur en Fa.
Le XVIIe siècle accroît encore la diversité d'accords, tout particulièrement en
France. À la fin du siècle, une certaine norme se met cependant en place,
l'accord dit en ré mineur s'imposant. Les basses indiquées ci-dessous pour le luth
baroque sont modifiées selon la tonalité jouée.
Instrument
Accord
Luth Renaissance à
6 chœurs
Luth Renaissance à
8 chœurs
Luth pré-baroque à
10 chœurs
Luth baroque à 13
chœurs
Diapason
Le diapason peut varier de la3=392 Hz à la3=470 Hz selon le pays, le répertoire,
l'instrument et le diapason utilisé par les autres instruments dans le jeu
d'ensemble. Il n'existe pas de standard universel à l'époque, seuls des standards
locaux peuvent être établis.
Évolution de l'instrument après l’âge d'or
Malgré sa quasi-disparition au XVIIIe siècle, l'instrument continue à survivre tant
en France qu'aux États-Unis. On trouve ainsi des traces du théorbe et du
chitarrone au salon des Champs-Élysées de 1895. On parle aussi d'un luthiste
aux États-Unis accompagnant les films muets, et composant pour son
instrument.
Quelques compositeurs contemporains français ont écrit pour le luth à 10
cordes : Jacques Chailley, Yvonne Desportes grand prix de Rome, Jean Loubier à
la demande de Michel Faleze, luthiste français et élève de Michael Schäffer. À
signaler une pièce du compositeur hongrois Georg Aranyi-Aschner et une messe
en latin avec luth, hautbois solo, quatuor à cordes, orgue et chœurs.
Le luth au XXIe siècle
Aujourd'hui, certains luthistes contemporains remettent le luth à l'ordre du jour
en composant pour leur instrument une musique originale et idiomatique qui
s'inscrit résolument dans l'environnement du XXIe siècle. Tel est le cas de
Tsiporah Meiran, dont des compositions telles que Fantasia ou Esiliu redonnent
vie à l'acoustique de la Renaissance tout en adoptant un langage musical
moderne (T. Meiran, Research for Lute, Band of Hippies, 2010).
En ce qui nous concerne personnellement, nous l’utilisons pour accompagner nos
textes de poésies, afin d’en accentuer les effets « oniriques »
Bibliographie
Christine Ballman, Le luth et Lassus, Académie royale de Belgique, 2011, 288 p.
(ISBN 978-2-8031-0283-9)
Hélène Charnassé et France Vernillat, Les instruments à cordes pincées,
Paris, P.U.F., coll. « Que sais-je ? » (no 1396), 1970, 1re éd., 128 p.
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