Une voix féminine
Ô beaus yeus bruns, ô regars destournez,
Ô chaus soupirs, o larmes espandues,
Ô noires nuits vainement atendues,
Ô jours luisans vainement retournez :
Ô tristes pleins, ô desirs obstinez,
Ô tems perdu, ô peines despendues,
Ô mile morts en mile rets tendues,
Ô pires maus contre moy destinez.
Ô ris, ô front, cheveux, bras, mains et doits
Ô lut pleintif, viole, archet et vois
Tant de flambeaus pour ardre une femmelle!
De toy me plein, que tant de feus portant,
En tant d'endrois d'iceus mon coeur tatant,
N'en est sur toy volé quelque estincelle. Louise Labé, Sonnets (1555)
Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés,
Ô chauds soupirs, ô larmes épandues,
Ô noires nuits vainement attendues,
Ô jours luisants vainement retournés
;
Ô tristes pleins
, ô désirs obstinés,
Ô temps perdus, ô peines dépendues
,
Ô mille morts en mille rets
tendues,
Ô pires maux contre moi destinés;
Ô ris
, ô front, cheveux, bras, mains et doigts;
Ô luth plaintif, viole
, archet et voix;
Tant de flambeaux pour ardre
une femelle
!
De toi me plains, que, tant de feux portant,
En tant d'endroits, d’iceux
mon cœur tâtant
,
N’en est sur toi volé quelque étincelle
. Louise Labé, Sonnets (orthographe modernisée)
Qui reviennent en vain.
Plaintes
qui dépendent de, qui sont la conséquence de …cette situation ou perdues
pièges
rire
instrument de musique ancien, comme le luth.
brûler
ici, petite femme, du latin femella (diminutif) ; mais le sens courant, et l’acception péjorative, peuvent intervenir
à titre de connotation.
par ces feux (flammes) tâtant mon cœur
touchant
étincelle est sujet du verbe.