Fondements microéconomiques de politiques économiques, Incohérence temporelle et Révision bayésienne Construction et Application d’un modèle d’équilibre général dynamique stochastique Etude du cas de la RD. Congo Par Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu Mémoire défendu publiquement en vue de l’obtention du Diplôme de Master en Sciences Economiques Option : Economie Industrielle, Rurale et de l’Environnement Directeur du mémoire : Antoine Kamiantako Miyamueni, Professeur de l’Université de Kinshasa Co – Directeurs du mémoire: 15 septembre 2012 0 NOUVEAU PROGRAMME DE TROISIEME CYCLE INTERUNIVERSITAIRE EN ECONOMIE UNIVERSITE DE KINSHASA Faculté des Sciences Economiques et de Gestion Fondements microéconomiques de politiques économiques, Incohérence temporelle et Révision bayésienne Construction et Application d’un modèle d’équilibre général dynamique stochastique Etude du cas de la RD. Congo Par Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 1 Epigraphe Ce qui est prudence dans la conduite d'un foyer, ne peut être folie dans la conduite d'une grande nation. Adam Smith, 1776, Recherche sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations, trad. Germai, Garnier, éd. Otto Zeller. Pendant un siècle ou plus, l'Économie Politique a été dominée en Angleterre par une conception orthodoxe. Ce n'est pas à dire qu'une doctrine immuable ait prévalu, bien au contraire ; la doctrine a évolué progressivement. Mais ses postulats, son esprit, sa méthode sont restés étonnamment les mêmes et une remarquable continuité se distingue à travers les changements. C'est dans cette orthodoxie en constante évolution que nous avons été élevé. Nous l'avons étudiée, enseignée, commentée dans nos écrits et sans doute les observateurs superficiels nous rangent-ils encore parmi ses adeptes. Les futurs historiens des doctrines considèreront que le présent ouvrage procède essentiellement de la même - tradition. Mais nousmêmes, en écrivant ce livre et un autre ouvrage récent qui l'a préparé, nous avons senti que nous abandonnions cette orthodoxie, que nous réagissions fortement contre elle, que nous brisions des chaînes et conquerrions une liberté. Cet état d'esprit explique certains défauts de l'ouvrage ; il explique en particulier qu'il revête en divers passages un caractère de controverse, qu'il ait trop l'air de s'adresser aux défenseurs d'une conception spéciale et pas assez à la Ville et au Monde. Nous avons voulu convaincre notre entourage et nous ne nous sommes pas adressé assez directement au grand publie. John M. Keynes, 1936, Théorie Générale de l’Emploi, l’Intérêt et de l’Emploi, Livre I, Editions Payot (1942), Paris. Avant d’en arriver aux détails, j’aimerais émettre deux avertissements. Tout d’abord, comme cela est vrai dans tout domaine scientifique nouveau et techniquement difficile, la construction des modèles économétriques est sujette à une abondante critique mal informée et occasionnelle… On peut définir une critique comme un papier où l’auteur ne place pas tout son orgueil. En cela, les critiques que j’émettrai contre les applications actuellement populaires de la théorie économétrique, ont pour la plupart été prévues par les principaux pères de cette théorie. Robert E. Lucas, 1976, “Econometric Policy Evaluation: A critique”, in K. Brunner & A. Meltzer (Eds), The Phillips Curve and Labor Markets, North – Holland. i Avant – propos Ce mémoire se propose de construire et d’estimer un modèle d’équilibre général dynamique et stochastique (DSGE ou MEGIS), c’est en réalité un essai et une première expérience pour l’économie RD congolaise. L’application retenue, dans le cadre de cette étude, concerne spécifiquement l’analyse de la politique monétaire. A ce jour, du point de vue théorique, le modèle DSGE apparait comme le dernier développement de l’analyse macroéconomique depuis les travaux sémantiques de Keynes en 1936. En construisant ce modèle, nous avons voulu répondre à deux exigences : académique et technique. Du point de vue académique, il convient de noter que l’analyse macroéconomique a connu une transformation radicale. L’approche développée par les postkeynésiens et les économistes de la première synthèse néoclassique (1936 – 1968) a été supplantée par celle des économistes de la Nouvelle macroéconomie classique (NMC) et de la Nouvelle macroéconomie keynésienne (NMK). Depuis, la macroéconomie et la microéconomie ne suivent plus de parcours parallèles mais convergent pour former ce que l’on qualifie de « Macroéconomie microfondée ». Cette nouvelle approche, s’étant fait accompagner d’une complexification des techniques et méthodes d’analyse (multiplicateur dynamique de Lagrangien, calcul de variation, programmation dynamique ou principe d’optimalité de Bellman, principe du maximum de Pontryagin, approche markovien ou paradigme bayésien), demeure moins populaire au sein de nos universités en RD. Congo. Ainsi, à travers ce mémoire, nous espérons mettre à la disposition du monde académique, une véritable boîte à outils pour de recherches portant sur les théories économiques modernes, où la microéconomie, la macroéconomie, la Finance, l’Economie internationale, l’Economie de développement, l’optimisation et l’économétrie réclament l’unification (Macroéconomie DGE). Du point de vue technique, nous avons été indigné de constater l’écart criant existant entre l’état actuel de l’analyse en Economie et les pratiques courantes observées au niveau de la Banque Centrale du Congo et de différents services des Ministères du Budget, des Finances, de l’Economie, du Plan et du Travail. Cette indignation s’explique globalement, d’une part, par la quasi – absence de motivations dans le chef des économistes ou modélisateurs, dans la constitution des bases des données intégrées et dans l’appropriation et la promotion des méthodes, techniques et pratiques économiques actuelles et actualisées. Puisque jusqu’à ce jour, aucune structure, parmi les précitées n’a mis en œuvre, ne serait – ce, un projet de construction d’un modèle d’équilibre général dynamique stochastique, ce mémoire se propose d’en construire et d’en estimer en vue d’évaluer, plus rigoureusement, la pertinence de politiques mises en œuvre par les décideurs politiques. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie ii En illustration imagée, nous voulions que ce mémoire soit comme la foudre qui dissoudra les nuages qui empêchent la mise en œuvre d’une approche d’évaluation de l’action gouvernementale, compatible aux évolutions récentes des théories économiques. Et comme la lumière (éclair) voyage plus vite que le son (tonnerre), nous avons préféré présenter les prémisses de cette révolution, d’abord, aux scientifiques pour critiques, amélioration puis validation, avant de les soumettre aux décideurs pour choix, stratégies et prospection. Remerciements Même si ce mémoire est le reflet d’un travail obstinément solitaire, beaucoup de personnes ont concouru indirectement ou directement à sa réalisation et à son raffinement, soit par leurs remarques, soit par leurs soutiens moral, matériel et financier, ou encore par leur motivation à mon endroit. Mes remerciements se feront en quatre moments. Au niveau de l’Université, mes remerciements s’adressent, d’abord, d’une part à mon Directeur et mes Co – Directeurs du mémoire, et d’autre part, à mes maîtres des Universités de Kinshasa (UNIKIN, 2010 – 2012), Protestante au Congo (UPC, 2004 – 2009) et du Nouveau Programme de Troisième Cycle Interuniversitaire en Economie (NPTCI, 2011 – 2012) qui nous ont transmis pendant sept ans les fondamentaux de la science de l’Economiste ; ensuite à mes étudiants de l’UPC (2009 – 2012) qui ont constitué pour moi une référence et une source d’inspiration et de motivation non négligeable ; et enfin, à mes collègues assistants et amis de la quatrième promotion NPTCI avec qui nous partageons d’innombrables souvenirs inoubliables. Au niveau professionnel, je remercie la haute hiérarchie du Ministère des Finances (2011) et celle de la Primature (2012) qui m’ont inconditionnellement soutenu, d’ailleurs, soutien sans lequel, la rédaction de cet ambitieux mémoire, gourmand non seulement en temps et mais aussi en finances, n’aurait pu être achevé à temps utile. Je serai éternellement ingrat, si je ne mentionnais pas en guise de remerciements, mes deux collègues de travail (Blackson Bongi et Robert Moustafa) avec qui nous menons des activités et analyses intensives au sein du Collège Stratégies et Prospectives Economiques (CSPE) de la Primature, ils sont en réalité mes amis. Au niveau du Laboratoire d’analyse – Recherche en Economie Quantitative, j’adresse mes vifs remerciements à mes collègues chercheurs (Cédrick Tombola, Dandy Matata, Foura Mayemba, Israël Makambo et Michel – Ange Lokota), avec qui nous partageons, quoique infime à ce jour, de Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie iii vigoureuses convictions quand à l’émergence, très bientôt, d’une classe d’économistes congolais à même de décrocher le Prix de la Banque de Suède en Sciences Economiques en mémoire d’Alfred Nobel, communément désigné Prix Nobel d’économie. Et enfin, au niveau de ma famille, pour peu de temps accordé à mes parents et sœurs (Nadine Maku, Tabita Tsasa, Esther Molisho), je tiens à vous dédier ce travail, expression des prémisses de la révolution dans la manière d’approcher les faits et phénomènes économiques vécus en RD. Congo, en particulier et dans les pays en développement en général. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie iv Table des matières Epigraphe ................................................................................................................................................. i Avant – propos ........................................................................................................................................ ii Remerciements ....................................................................................................................................... iii Table des matières ................................................................................................................................... v Introduction générale............................................................................................................................... 6 1– Problématique..................................................................................................................................... 6 2– Revue de la littérature....................................................................................................................... 10 Evolution de la modélisation macroéconomique .................................................................................. 10 Développements des modèles DSGE ..................................................................................................... 12 Critiques adressées aux modèles DSGE de dernière génération .......................................................... 16 Tableau 0.1 : Institutions et Modèles DSGE à travers le monde ........................................................... 18 3– Hypothèses de recherche .................................................................................................................. 18 4– Méthodologie.................................................................................................................................... 19 Figure 0.1 : Modélisation DSGE ........................................................................................................... 19 5– Objectif et Intérêt de l’étude ............................................................................................................. 20 6– Délimitation du travail...................................................................................................................... 21 7– Structure du travail ........................................................................................................................... 21 Bibliographie ............................................................................................................................................ I Ouvrages .................................................................................................................................................. I Articles .................................................................................................................................................. III Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie v Introduction générale 1– Problématique La révolution qu’a connue la théorie économique contemporaine est partie de l’équation : que Phillips estima en 1958. D’une part, les prédictions de cette équation ont complété l’écriture de la théorie générale de Keynes (1936) qui entretenait un flou sur la théorie de la relation inflation – fluctuations1. Ainsi, les résultats de cette équation ont alimenté le carquois keynésien des arguments et justifications de l’analyse du déséquilibre et d’arbitrage dans une perspective de court terme (Samuelson – Solow, 1960). Et d’autre part, ces résultats ont été à la source d’une vague de contestations à cause, notamment, de son incapacité à expliquer et prévoir un phénomène nouveau2 qui vit le jour dans la décennie 1970 (Friedman, 1968 ; Lucas, 1976). En remettant en cause l’efficacité de modèles qui fondaient la justification des décisions de politique macroéconomique (Friedman, 1968), en revisitant les hypothèses qui sous – tendaient leur construction et en réinventant la méthodologie d’approcher l’économique (Lucas, 1972, 1976 ; Sargent et Wallace, 1975)3, l’économiste a simplement reconsidéré la toile de fonds de sa discipline et s’est proposé de forger de nouveaux outils d’analyse des phénomènes et faits vécus dans la société. C’est ainsi qu’on est parvenu à la révolution des anticipations rationnelles, au courant revendiquant l’unification de la microéconomie et de la macroéconomie, et à la construction des modèles d’équilibre général dynamique et stochastique (DSGE). De même que la relation établie par Phillips a failli dans les années 1970, ainsi, les modèles DSGE, non plus, n’ont pu prédire la crise financière qui a débuté en 2007. Va – t – on, une fois de plus, 1 Il convient de préciser que l’écriture de la théorie générale de Keynes avait entretenu pendant la période 1936 – 1958 un trou noir concernant la relation salaire et emploi. En effet, la faute reprochée à Keynes (1936), c’est de vouloir appréhender l’interaction existant entre salaire et emploi, sans toutefois disposer d’une théorie de la relation inflation – fluctuation. A ce sujet, l’économiste américain Hansen (1967) estime que le Maître ne traite pas d’éventuelles conséquences inflationnistes d’un programme systématique de plein – emploi. Ainsi, Phillips (1958), puis Samuelson – Solow (1960), en voulant sonder ce mystère, sont parvenus à établir une corrélation négative entre le taux de salaire et le taux de chômage, puis un lien négatif entre taux d’inflation et taux de chômage, c’était la naissance de la plus célèbre courbe en macroéconomie : la courbe de Phillips. 2 Il s’agit de la stagflation, co – existence de niveaux d’inflation et de chômage élevés. 3 La littérature économique parle de la proposition LSW, de noms de Lucas (Robert), Sargent (Thomas) et Wallace (Neils). D’après cette propriété, les politiques économiques sont neutres ; d’où la remise en question des principes centraux de la macroéconomie d’inspiration keynésienne. Cette façon de concevoir les choses a été fortement objectée par Fischer (1977) et Taylor (1979a, 1979b). ceux – ci réhabilitent les politiques de stabilisation en introduisant une rigidité des salaires à court terme par l’intermédiaire de contrats négociés sur deux ou plusieurs périodes. 6 assister à un renouvellement de la théorie économique comme cela fut le cas en 1776, 1936 et 1976 ? Pour répondre à cette interrogation et quelle que soit la réponse, il est, avant tout, important de comprendre le débat actuel de l’économie. Après une série d’investigations assez approfondies, force nous est de constater qu’un réexamen méthodique et une remise en question de tout ce que nous avons appris depuis lors, tant sur le plan académique, que sur le plan professionnel apparaissent très utiles pour la suite de nos investigations. Nous devons donc nous projeter sur la frontière de sciences économiques à l’effet d’entrevoir les préoccupations actuelles de la profession de l’économiste. Alors que plus de 2 600 articles de recherche sont consacrés à la macroéconomie de l’équilibre général dynamique stochastique (macroéconomie DSGE) depuis 20091, aucune étude sérieuse allant dans ce sens n’a été dédiée à l’économie RD congolaise. Dans ces conditions et à l’effet de combler, tant soit peu, ce déficit, le présent mémoire se propose de construire et d’appliquer un modèle DSGE en vue d’apprécier, pour le cas de la RD. Congo, sa pertinence dans l’analyse et l’évaluation des politiques monétaires. Les faits et phénomènes économiques observés en RD. Congo, depuis 2001, constituent un champ d’applications opportun2 à la mise en œuvre de tels modèles. En effet, depuis 2001, une série des mesures ont été arrêtées par les différents gouvernements centraux3 de la RD. Congo, notamment : la thérapie des chocs en 2001 (la quasi – libéralisation du cadre macroéconomique), la mise en œuvre du programme économique du gouvernement en 2002 ou dernièrement, l’instauration de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en janvier 2012. Ces réformes ont, formellement, été motivées par la volonté de rationnaliser les potentialités de la RD. Congo afin d’inscrire la marche de l’économie dans un sentier de croissance économique stable et de développement économique soutenable. Au – delà de cette volonté et de cet effort d’assainir le cadre macroéconomique, il convient de noter que, dans le fonds, l’incidence des différentes réformes a été ni temporellement neutre par rapport aux comportements des agents économiques, ni identiquement distribuée en termes de coûts et de bénéfices. De même, les résultats de la comptabilité des impacts diffèrent selon le type d’agents (ménage, firmes ou gouvernement ; planificateur ou bénéficiaire) et selon l’horizon temporel considéré (court ou long terme). 1 Dont la plupart sont disponibles dans la bibliothèque scholar.google.com. « Opportun », également, puisque l’appréhension de l’architecture de ces modèles permettrait de mettre par la suite et en évidence des modèles endogènes et compatibles aux réalités des économies en développement et aux exigences des avancées de sciences économiques. 3 Si l’on tient compte de changements majeurs, de 2001 à 2012, on compte neuf gouvernements : Gouvernement de Salut Public (janvier 2001) ; Gouvernement de la Transition (juin 2002) ; Gouvernements Gizenga I (février 2007), Gizenga II (novembre 2007) ; Gouvernements Muzito I (octobre 2008), Muzito II (février 2010), Muzito III (septembre 2011) ; Gouvernement a.i. Koyagialo (avril 2012) ; Gouvernement Matata (avril 2012). 2 Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 7 Si l’on admet que la finalité poursuivie par toute politique économique est l’amélioration du bien – être collectif, les décideurs politiques devraient, par conséquent, aligner leurs actions en tenant compte de leurs incidences sur les comportements des agents économiques et sur le niveau de vie dans l’espace et dans le temps. Ainsi, une analyse en termes d’équilibre général intertemporel apparait appropriée afin d’évaluer la manière dont les agents économiques répondent aux chocs (notamment, aux effets de ces réformes et mesures de politique économique), et aussi la manière dont ces chocs affectent simultanément plusieurs marchés, dans le présent ou le futur, tout comme dans le court ou le long terme. L’approche par l’équilibre général dynamique apparait également commode puisqu’elle intègre les fondements microéconomiques des interactions macroéconomiques et demeure, par ailleurs, valide et efficace dans le cas où les chocs sont non corrélés. Etant donné la structure dynamique intrinsèque du cadre macroéconomique, les chocs (notamment les mesures de politique économique) peuvent provoquer des effets persistants sur les agrégats économiques (effet d’hystérèse) ou transitoires. De ce fait, du point de vue de la pratique, construire un modèle suivant une telle approche apparait techniquement adéquat. Qui plus est, faut – il encore préciser que ces dernières années, suivant l’évolution historique de la théorie, l’approche d’évaluation des politiques économiques par les modèles d’équilibre général dynamique a émergé comme la dernière étape du développement de la macroéconomie depuis les travaux de Keynes dans les années 19301 (Wickens, 2010). Ces modèles, en prenant en compte l’hypothèse de la rationalité dans les anticipations2, exigent l’actualisation des décisions optimales prises par les agents économiques à chaque période de l’espace temporel, il s’agit de la cohérence temporelle de politique économique. Au regard du principe de cohérence temporelle, il est ultra – rationnel pour un décideur politique de s’assurer, à chaque fois, de la conservation de l’optimalité d’une décision au passage du temps (Kydland et Prescott, 1977). Bien qu’ayant formulé un plan optimal pour la période courante et pour les périodes futures, il est toujours plus efficace, pour un agent économique, de réoptimiser à la prochaine période et de mettre en œuvre le nouveau plan plutôt que le plan précédent (processus d’actualisation). 1 2 Les années 1930 (précisément en 1936, avec l’apparition du célèbre ouvrage de John M. Keynes, théorie de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie) ont vu naître la macroanalyse, discipline récente à la différence de la microanalyse qui, déjà à l’époque, était suffisamment développée par Alfred Marshall dans Principles of Economics. Contrairement à la décision myope dans laquelle les erreurs, même quand elles sont avérées, demeuraient souvent persistantes, l’idée centrale des anticipations rationnelles est que les individus ne font pas d’erreurs persistantes une fois que celles – ci sont identifiées. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 8 Compte tenu, d’une part, de l’hypothèse de rationalité dans le mécanisme d’anticipations des agents économiques et d’autre part, du processus d’actualisation ou de réoptimisation des décisions prises par les agents, nous ferons également appel aux méthodes markoviennes appliquées en inférence bayésienne. Celles – ci vont nous permettre de résoudre l’énigme de “prévision du futur incertain, non plus en se tournant vers le passé, mais plutôt en se tournant vers le futur”. Ces méthodes cherchent à prévoir l’avenir, non pas en mobilisant l’information dans le passé (méthode de prévision naïve), mais plutôt dans l’avenir (information a priori ; anticipation rationnelle), car supposant que la mémoire du passé est contenu dans le présent. Cette nouvelle conception de la problématique d’évaluation et de prévision d’impacts amortit la pertinence des méthodes d’estimation classiques (critique de Lucas). L’évaluation et la prédiction des effets d’une politique macroéconomique, notamment la dérivation de la règle de politique monétaire optimale, en considérant intrinsèquement les fondations microéconomiques et d’autres considérations endogènes systémiques, constituent l’objet de notre recherche. Tout comme l’efficacité d’un traitement médical est fortement dépendante des résultats de l’examen diagnostic, de même, le succès des mesures macroéconomiques est, en partie, expliqué par la puissance des outils d’évaluation ex & post ante des politiques économiques. Eu égard, d’une part, aux fonctions et vertus de la politique macroéconomiques telles que définies par Richard A. Musgrave (1959)1, et d’autre part, aux critiques et contraintes dressées par les théoriciens de la Nouvelle Macroéconomique2, il ressort que l’approche simpliste ou ad hoc dans la construction de modèles macroéconomiques, telle qu’adoptée au sein de la plupart des universités ou institutions conseillères du gouvernement en RD. Congo, ne peut permettre une bonne présentation de la perception du réel. D’où, l’exercice de forger ou sinon de s’imprégner de nouveaux outils d’analyse et d’évaluation de politique économique s’avère naturellement impératif. Cependant, cela semble ne pas être le cas en RDC, car aucune étude sérieuse (à notre connaissance) ou même, aucune institution œuvrant dans le cadre de politique économique s’est proposé de construire un modèle DSGE pour l’économie congolaise, alors qu’ils (modèles DSGE) émergent comme la dernière étape du développement de la modélisation macroéconomique depuis les travaux de Keynes dans les années 1930 et ceux de Klein3 1 Les fonctions musgraviennes définissent trois fonctions de la politique macroéconomique : [i] l’affectation ou l’allocation des ressources, elle consiste à fournir des services non marchands qui correspondent à la politique structurelle [justice, infrastructures, éducation, santé] – [ii] la redistribution ou la répartition des revenus et des patrimoines, cette fonction consiste à fournir une protection contre les risques essentiels, tout en corrigeant les inégalités engendrées par le marché [politique sociale] – [iii] la stabilisation ou la régulation du cadre macroéconomique au travers des politiques conjoncturelles et structurelles. 2 [i] l’efficacité de l’allocation par le marché (théorème du bien – être) – [ii] la souplesse des contrats (théorème de Coasse) – [iii] les comportements opportunistes des agents économiques supposés rationnels (critique de Lucas). 3 Lawrence R. Klein, lauréat de la médaille JBC en 1959 et du prix Nobel d’économie en 1980, est considéré comme le père de la modélisation macroéconomique. En 1950, il publia un livre, devenu célèbre, qui présente un modèle de trois équations estimées économétriquement, complétées par quelques identités comptables, de l’économie américaine. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 9 et que, par ailleurs, une simple maquette de ces modèles constitue un guide technique important et solide pour les éventuelles réformes que l’on peut entreprendre au sein de l’appareil statistique national. A l’effet de participer aux débats caractérisant la théorie économique moderne sur la modélisation du futur, nous nous proposons, dans le cadre de ce travail, de construire d’abord puis d’appliquer, par la suite, un modèle d’équilibre général dynamique stochastique standard pour la RD. Congo. 2– Revue de la littérature Cette section présente l’évolution de la modélisation macroéconomique et les développements des modèles d’équilibre général dynamique et stochastique (DSGE). Elle nous permettra de nous rendre compte que les modèles DSGE constituent, du moins à nos jours, la dernière étape du développement de la macroéconomie depuis les travaux de Keynes. Evolution de la modélisation macroéconomique La macroéconomie, fille de la crise de 1929, a longtemps été attachée à la pensée keynésienne. Et les premiers efforts de modélisation du dogme keynésien, notamment par Hicks (1936), Tinbergen (1939) ou Klein (1950) ont été caractérisés par un discours ad hoc dans la construction des relations entre arguments expliqués et arguments explicatifs. D’une part, cette faiblesse caractéristique n’a pas épargné cette première génération des modèles aux critiques quant à la pertinence et à la qualité de leurs prédictions. En effet, les prédictions issues de ces modèles n’ont pas permis d’expliquer efficacement les phénomènes vécus dans les années 1970, notamment la stagflation et l’inefficacité partielle des politiques conjoncturelles1. Et d’autre part, ces modèles étaient construits sur des considérations myopes : équilibre partiel ; non prise en compte des fondations microéconomiques des relations qui existeraient entre les variables macroéconomiques ; fixité des paramètres estimés. Les prédictions et les simulations de ces modèles étaient dotées de deux hypothèses fortes, à noter : le “ceteris paribus” d’Alfred Marshall et la passivité des agents économiques face aux modifications des politiques économiques (comportements myopes). Ces faiblesses ont conduit les économistes de l’école de Chicago à reconsidérer les fondements de la modélisation macroéconomique. Contrairement aux partisans de la tradition post – keynésienne qui 1 Par exemple, Lucas a affirmé que l’analyse macroéconomique de l’emploi et de l’inflation ne pouvait fonctionner que si elle s’appuyait sur les fondations microéconomiques utilisées pour analyser les marchés individuels, et la façon dont ces marchés interagissaient pour créer un équilibre général. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 10 modélisaient en termes de circuit de transmission1, Milton Friedman adopte, puis popularise, une approche en termes de boîte noire2. Au sens de Friedman, il est quasi – impossible de formaliser en termes d’un circuit de transmission les interactions entre agrégats macroéconométriques. Figure 1 : Approche en termes de circuit versus Approche en boîte noire Paradigme keynésien Augmentation de la masse monétaire Baisse du taux d’intérêt réel Hausse des investissements Elévation du revenu national Paradigme Friedmanien Masse Monétaire Revenu National Relevant les faiblesses de la boîte noire au sens de Friedman, c’est – à – dire approche se basant sur l’analyse corrélative, Christopher Sims (1972) et Clive Granger (1980) développèrent une alternative en terme de causalité. En effet, puisque l’approche popularisée par Friedman a hérité de toutes les faiblesses du coefficient de corrélation de Bravais – Galton – Pearson (corrélation paramétrique), il était indispensable de développer une approche qui corrigerait le biais entraîné par les relations fortuites dans l’interprétation des faits. S’attelant sur l’idée novatrice de Muth introduite, dès 1961, en analyse économique, les travaux de Lucas (1972, 1976) et ceux de ses partisans, notamment Sargent et Wallace (1975), développèrent un nouveau soubassement de la modélisation macroéconomique. Il s’agit de la célèbre hypothèse d’anticipations rationnelles. D’après celle – ci, toute anticipation associée à la variable et faite par les agents économiques à la date t – 1 pour la date t correspond à l’espérance mathématique conditionnelle de la variable en cause, compte tenu de l’information disponible en t – 1. Mathématiquement, on écrit : Si l’on adopte une classification de modèle en considérant comme référence l’hypothèse d’anticipations rationnelles, il y a lieu de distinguer quatre grands épisodes du développement de la modélisation macroéconomique : 1 Par exemple, (1) si la masse monétaire (M) augmente, cela va entrainer successivement : (2) une baisse du taux d’intérêt (i), (3) une augmentation des investissements (I) et (4) une augmentation du produit global (Y). 2 Considérations qui ont, sans nul doute, contribué à la naissance de l’économétrie sans théorie. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 11 Modèles macroéconomiques avec anticipations adaptatives. Ces modèles, s’inscrivant dans l’optique de la demande, permettent d’évaluer, de façon unifiée, l’impact des chocs, et donc des politiques économiques. Cependant, l’hypothèse des anticipations retenue affecte le bon sens des décideurs politiques, car ceux – ci sont obligés de considérer pour l’ensemble de la période que les agents économiques commettent la même erreur. Ainsi dit – on que les politiques créent un biais vers des politiques expansionnistes, car générant des réactions quasi – statiques même en cas de perturbations cycliques. Modèles macroéconomiques avec anticipations rationnelles. Contrairement aux modèles précédents, ces modèles génèrent des réactions dynamiques plus réalistes en cas des perturbations cycliques. Ces modèles, n’étant pas construits sur des considérations théoriques solides, rendent difficile l’évaluation des effets des politiques économiques sur l’offre agrégée. Modèles des cycles réels. Ces modèles dotent les modèles d’anticipations rationnelles des fondements théoriques plus solides mais ne laissent que peu de place à l’analyse des politiques macroéconomiques. Modèles d’équilibre général dynamique stochastique. Ces modèles, en dotant des fondations microéconomiques aux réactions de l’offre et de la demande agrégées, enrichissent à la fois les fondements théoriques de trois premiers modèles. Ces modèles étant aux prémices de leur développement, ils restent, jusqu’à ce jour, quasi - difficiles à construire et à appliquer. Le présent mémoire s’intéresse aux modèles d’équilibre général dynamique stochastique. Carré (2010) note que ces modèles furent développés à partir de la fin des années 1990 et les premiers modèles standards1 étaient mis en œuvre par Woodford (2003), Smets et Wouters (2003). Développements des modèles DSGE Rappelons tout d’abord, comme le soulignent Avouyi – Dovi, Matheron et Fève (2007) que la synthèse néoclassique, qui est une combinaison du schéma keynésien de court terme et de la théorie de la croissance (vision classique de long terme), jointe aux progrès de l’économétrie, de la statistique et de l’informatique, a suscité l’apparition, dans les années 1950, de modèles macroéconométriques de grande taille dans les pays développés. Et dans la plupart de temps, l’analyse macroéconomique, s’appuyant sur ces modèles, considérait une combinaison des courbes d’offre et de demande agrégées et de la relation de Phillips. 1 Appelés également modèle prototype (Lubik et Schorfheide, 2004), pierre angulaire de modèles DSGE de référence (Goodhart, Osorio et Tsomocos, 2009) ou simplement références pour les modèles DSGE (Mishkin, 2007 ; Rudebusch, 2008). Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 12 L’analyse de performances de ces modèles a révélé leur faible capacité à fournir des prévisions ou à décrire correctement certains phénomènes. Cette constatation a conduit à un certain désenchantement tant des constructeurs que des utilisateurs, puis a eu pour conséquence une moindre utilisation de ces modèles voire leur abandon progressif dans les milieux académiques et, dans une moindre mesure, dans les institutions ou organismes spécialisés (Avouyi – Dovi et al., 2007). D’où, les critiques d’ordres empirique (Friedman et Sims), théorique (Lucas, Sargent) et pratique. Du point de vue empirique, dans la décennie 1970, Friedman a mis en évidence l’instabilité de la courbe de Phillip dans le temps. Ces critiques ont affaibli la pertinence des modèles macroéconométriques, car à l’époque, ces modèles n’en prenaient pas compte. Par ailleurs, Sims (1980) a remis en question la pratique qui imposait le caractère exogène de certaines variables intervenant dans la résolution des modèles macroéconomiques traditionnels. Il a démontré que cette hypothèse n’était pas toujours satisfaisante d’un point de vue théorique et de fois, apparaissait ad hoc. Parallèlement, Lucas (1976) émet une critique d’ordre théorique en s’attaquant à l’usage des modèles macroéconométriques pour analyser l’impact de la politique économique. En effet, les modèles traditionnels contiennent des équations de comportement qui relient les variables d’intérêt à des facteurs explicatifs, dont des variables de politique économique. Ainsi, l’un des emplois des modèles consiste ainsi à étudier l’impact d’une modification de la politique économique sur les variables d’intérêt, toutes choses égales par ailleurs. Lucas critique cette utilisation car si les agents privés avaient des comportements dynamiques d’optimisation et exploitaient rationnellement l’information disponible, ils devraient, suite à l’annonce d’une décision de la politique économique, modifier leur comportement pourtant supposé invariant (Avouyi – Dovi et al., 2007). contrairement aux modèles macroéconométriques, Lucas (1976), puis Lucas et Sargent (1979) proposent la construction de modèles sous forme de systèmes économiques résultant de l’interaction entre les agents économiques dont les objectifs et les contraintes sont modélisés et interprétés à l’aide des outils empruntés à la théorie microéconomique. Cette conception, dans la démarche de la modélisation, marque le point de rupture le plus tranché entre la recherche académique et la pratique macroéconométrique adoptée, en général, dans les institutions économiques. In fine, il y a lieu également de noter que les modèles macroéconométriques tels que conçus posaient de nombreux problèmes, notamment : Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 13 - En termes de gestion : ces modèles, étant de grande taille, nécessitaient souvent la mobilisation d’une équipe à effectif important ; - En termes de mis à jour : le processus d’actualisation des équations était tellement fastidieux que les modélisateurs se contentaient à maintenir les équations obsolètes. Lucas (1987) considère et présente les modèles du « cycle réel » comme la meilleure illustration quantitative de ses recommandations méthodologiques définies dans Lucas (1976, 1977). S’inscrivant dans la lignée de Lucas (1976, 1977), Kydland et Prescott (1982) et Long et Plosser (1983) se proposent d’interpréter les fluctuations conjoncturelles comme la réponse optimale des agents économiques à des chocs réels exogènes. Ces travaux ont été à l’origine de la théorie du cycle économique réel (RBC1) et donc, de modèles d’équilibre général dynamique en concurrence pure et parfaite dans lesquels les chocs de productivité expliquaient l’essentiel des fluctuations. La non distinction dans l’examen des phénomène de croissance de long terme et de fluctuations de court terme a permis le développement de la version stochastique des modèles d’équilibre général dynamique. Les modèles RBC n’ont pas échappé aux critiques des économistes, notamment les pro – keynésiens, à cause, notamment, de ses hypothèses (concurrence pure et parfaite, anticipation rationnelle). Aussi, les banques ont rejeté les modèles RBC, puisque son approche ignorait totalement la pertinence de la monnaie au sein de l’économie2. Par ailleurs, Cogley et Nason (1995) estiment que les modèles RBC éprouvent des difficultés à reproduire les propriétés de persistance des séries macroéconomiques. Cherchant à intégrer les différentes critiques adressées aux modèles RBC, les économistes ont développé de modèles macroéconomiques prenant en compte les principaux éléments théoriques du courant des cycles réels et les avancées théoriques, méthodologiques et empiriques de trente années ayant suivi la critique de Lucas. Ainsi, au passage du temps, l’abréviation RBC (Real Business Cycle) a laissé progressivement la place au sigle DSGE (Dynamic Stochastic General Equilibrium). Nous reprenons ci – après les apports distingués par Avouyi – Dovi, Matheron et Fève (2007). 1 2 Real Business Cycle Theory. Les prédictions des modèles RBC réhabilitent l’hypothèse de neutralité de la monnaie, les initiateurs du modèle en cause affirment même que la monnaie est super – neutre. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 14 1) Prise en compte de la monnaie Parmi, ces apports, on note les travaux de Cooley et Hansen (1989) qui évaluent l’importance des chocs monétaires dans les économies où la monnaie est détenue pour un motif de transaction. Les conclusions de leurs investigations montrent que les chocs monétaires ne contribuent que faiblement aux fluctuations de l’activité économique. Ces résultats ont poussé, notamment King et Plosser (1984) et Kydland et Freeman (2000) à analyser la corrélation entre monnaie et production comme le résultat des variations endogènes de la monnaie en réponse à d’autres chocs. Christiano (1991) et Christiano et Eichenbaum (1995), à la suite des travaux théoriques de Lucas (1990), ont développé de modèles dits de « participation limitée ». La particularité de ces modèles est qu’ils intègrent les imperfections financières et la capacité limitée des agents à ajuster leurs portefeuilles de titres. 2) Prise en compte des rigidités sur le marché du travail Les modèles d’équilibre général dynamique de la première génération souffrent d’un manque de propriétés d’amplification et de propagation des chocs. D’aucuns estiment que cette faiblesse résulterait de la modélisation très pauvre du marché du travail (Avouyi – Dovi, Matheron et Fève, 2007). Ainsi, de nombreux auteurs ont cherché à introduire des frictions sur le marché du travail (Burnside – Eichenbaum, 1996 ; Burnside – Eichenbaum – Rebelo, 1993). Par ailleurs, Danthine et Donaldson (1990), Gomme (1999) et Alexopoulos (2004) modélise le salaire, non comme la productivité marginale du travail, mais en considérant l’hypothèse de salaire d’efficience. Collard et Delacroix (2000) estime que ce mécanisme peut contribuer à la propagation des effets des chocs dans les modèles DSGE. Des résultats semblables ont été obtenus par Mortensen et Pissaride (1994) ; Andolfatto (1996) ; Merz (1995) ; den Hann, Ramey et Watson (2000). 3) Prise en compte de la concurrence imparfaite Hall (1986) puis Basu et Fernald (1997) ont montré que le marché des produits n’est pas parfaitement concurrentiel, car faisant apparaître de comportement de marge. D’où, le développement des modèles de cycle dans lesquels la concurrence pure et parfaite est remplacée par l’hypothèse de concurrence monopolistique. Ainsi, Hornstein (1993) établit que les chocs de productivité ont des effets amoindris. Rotemberg et Woodford (1992, 1995) montrent que cette hypothèse rend mieux la compréhension de la réaction des variables macroéconomiques aux chocs de dépenses publiques. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 15 S’inscrivant dans la même logique, Carlstrom et Fuerst (1997) et Bernanke, Gertler et Gilchrist (1999) se sont intéressé aux frictions sur les marchés financiers. Comme le mentionne Avouyi – Dovi, Matheron et Fève, (2007), dans ce cadre, des entrepreneurs développent des projets d’investissement mais sont contraints par leur richesse. Ils recourent alors au crédit pour financer leurs projets. Le succès de ces projets est imparfaitement observable, ce qui conduit l’offre de crédit à dévier de son niveau optimal. Les variations endogènes de l’offre de crédit sont ainsi un puissant mécanisme d’amplification et de propagation des chocs. Ces différents apports ont permis le raffinement théorique des modèles RBC. Ce raffinement a provoqué certains changements dans l’analyse de faits. Si les prolongements des modèles RBC continuent d’interpréter les fluctuations comme la réponse d’équilibre des agents privés aux différents chocs, toutefois, ils n’admettent plus qu’il s’agit d’une réponse optimale. Ces considérations rendent les modèles d’équilibre général plus perméables aux développements de la nouvelle macroéconomie keynésienne. C’est dans ce cadre que les modèles DSGE avec viscosité des prix virent le jour, notamment avec les travaux de : - Hairault et Portier (1993) Yun (1996) et King et Wolman (1996) qui dévoilèrent comment intégrer les rigidités nominales dans les cadres DSGE ; - Gali et Gertler (1999) qui, en modifiant le modèle de King et Wolman (1996) montrent que l’équation régissant le comportement dynamique de l’inflation est une version prospective de la courbe de Phillips qui relie l’inflation à sa valeur passée, à sa valeur future et au coût marginal réel (nouvelle courbe de Phillips) ; - Woodford (2003) qui cherchent à améliorer les modèles DSGE, en considérant les résultats théoriques de Ball et Romer (1990). Ces résultats proposent une combinaison des rigidités nominales et réelles. Les modèles DSGE de dernière génération incorporent l’essentiel des critiques et apports évoqués précédemment. Ce sont, notamment, les cas des modèles développés par Christiano, Motto et Rostagno (2003) et Christiano, Eichenbaum et Evans (2005) grâce aux travaux sémantiques de Leeper et Sims (1994), Kim (1997) et de Smets et Wouters (2003). Critiques adressées aux modèles DSGE de dernière génération Dès leurs premiers développements, les modèles DSGE de dernière génération n’ont pas échappé aux critiques et à la remise en cause de leur pertinence. Lubik et Schorfheide (2004) critiquent ces modèles en insistant sur le cas d’indétermination de l’équilibre pouvant caractériser la modélisation DSGE et d’existence des équilibres multiples. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 16 Pour Sims1 (2008) et Blanchard (2008), les modèles DSGE manquent de réalisme dans leur construction. Cette assertion relance le débat sur la distinction des approches d’analyse établies en sciences économiques à la suite de divergence des philosophies de Samuelson (partisan de l’empirisme) et de Friedman (partisan de l’abstraction). Pour le premier auteur, l’économiste devrait partir des observations, comme le fait notamment le physicien, pour construire ses théories, alors que pour le second auteur, l’économiste doit chercher à apprécier une théorie en se fondant sur le degré de pertinence de ses prédictions, plutôt qu’en recherchant le réalisme de ses hypothèses. A ce sujet, Lucas2 renchérit en disant que la recherche du réalisme d’une imagination fertile pervertit son utilité potentielle pour penser la réalité. Plus tard, Sims (2010) en reprenant la critique de Lubik et Schorfheide (2004), estime que le problème posé par ces derniers, peut davantage s’aggraver pendant la période de crise financière, car, par exemple, la fixation de taux d’intérêt nominal de 0%, pratiques courantes durant les périodes de crise, par la banque centrale n’est pas conforme à la règle de Taylor. De manière plus globale, il y a lieu de retenir trois types de limites caractérisant les modèles DSGE (Carré, 2010), celles en économie monétaire et financière ; celles en matière de politiques économiques et celles des méthodes. In fine, comme l’estiment certains économistes critiques, les modèles DSGE n’étaient pas à même, malgré le degré de complexité et l’élégance de résultats qu’ils génèrent, de prévenir la crise financière internationale débuté en 2007. Et encore, comme argumentent d’autres, ces modèles n’ont rien apporté au débat concernant les mesures de politiques économiques à adopter pour en venir à bout. Ainsi, du fait de la complexité et de l’élégance de ces modèles, Paul Krugman estime que l’économiste, dans sa profession, a confondu beauté et vérité ! Au sens de Krugman, l’analyse macroéconomique et de politiques économiques doit être plus réaliste, même si elle doit sacrifier un peu de sa rigueur pour y parvenir. A ce jour, il apparait difficile de contraindre la machine de la recherche universitaire de faire demi – tour. Plutôt que de s’attarder sur les échecs et les ratés, les modélisateurs DSGE ont semblé 1 Co – lauréat du Prix Nobel d’économie en 2011 avec Thomas J. Sargent, théoricien de la Nouvelle Macroéconomie Classique. 2 Prix Nobel d’économie en 1995. Il convient de noter, par ailleurs, que certains économistes reprochent à Robert E. Lucas de recourir à des calculs complexes, empruntés dans la science de l’ingénieur (notamment le calcul optimal) pour soutenir ses arguments. Ainsi, par exemple, la revue The American Economic Review avait rejeté son célèbre article « Expectations and the Neutrality of Money » considéré, à ce jour, comme la pierre angulaire du développement de la nouvelle théorie macroéconomique, car l’estimant trop mathématique. Plus tard, l’éditeur, comme nous l’a révélé Robert E. Barro dans « Rien n’est sacré », a toujours regretté cette décision. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 17 comprendre qu’il faut se servir de ces critiques pour perfectionner leur art, leur science et leur technique. Somme toute, il convient de noter que les modèles DSGE de la dernière génération sont compatibles avec la critique de Lucas (1976). En outre, ils offrent des ajustements de qualité aux données. Ainsi, les grandes institutions à travers le monde s’appuient sur ces modèles pour mener certaines analyses macroéconomiques. Tableau 0.1 : Institutions et Modèles DSGE à travers le monde Institution Modèle DSGE Banque Centrale Européenne Modèle de Smets et Wouters (2003) Banque du Canada Modèle TOTEM Banque de Réserve de Nouvelle - Zélande Modèle KITT Banque de Suède Modèle RAMSES Réserve Fédérale Américaine Modèle EDO Small – Scale DSGE Model of the Nigerian Economy (2007) Open Economy New Keynesian DSGE Model of the South African Economy – – Central Bank of Nigeria South African Reserve Bank Banque Centrale du Congo Ainsi, nous émettons le souhait de doter, à travers ce travail, les Universités congolaises et les différentes institutions, notamment le Ministère des Finances et la Banque Centrale du Congo, d’un outil d’analyse et d’aide à la décision robuste, précis et compatible aux exigences de la théorie économique contemporaine. 3– Hypothèses de recherche Nous considérons de l’idée selon laquelle, les modèles généralement utilisés pour analyser l’économie congolaise ne répondent pas aux exigences actuelles de la théorie économique. Ainsi, nous nous sommes proposé de construire puis d’appliquer un modèle DSGE pour la RD. Congo qui serait compatible aux exigences fixées par la théorie économique moderne. Par conséquent, cette démarche ne peut que s’inscrire dans le cadre d’un « essai scientifique ». Nous supposons et considérons que l’économie congolaise est un système d’équilibre général par construction. Ce cadre nous permettra, par la suite, d’analyser les effets de chocs et de transmission de politiques économiques sur les différents secteurs d’activités économiques. Nous supposons que le modèle à estimer mettra en évidence les interactions que ne pourraient révéler les modèles traditionnellement utilisés dans la plupart de nos universités et institutions. Au bout de nos investigations, nous serons à même d’apprécier la nature des interactions qui existeraient entre les différents secteurs considérés. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 18 4– Méthodologie Depuis la révolution des anticipations rationnelles (Lucas, 1976), les relations qu’entretiennent la théorie et la mesure ont toujours été au centre de l’analyse macroéconomique (Fève, 1997). Ainsi, cette section se propose d’indiquer sommairement la démarche suivie dans le développement du présent essai. Nous y revenons de façon plus détaillée et plus technique au niveau du chapitre troisième. Notons que la modélisation DSGE est au centre d’un faisceau de préoccupations, comme l’indique la figure ci – dessous. Les modèles DSGE sont (Mankiw, 2010) : (i) d’équilibre général dans le sens où ils considèrent l’économie comme un système, (ii) dynamiques parce qu’ils décrivent le sentier temporel des grandeurs macroéconomiques et (iii) stochastiques car ils intègrent les aléas inhérent à l’activité économique. Figure 0.1 : Modélisation DSGE Nouvelle Théorie Macroéconomique - Critique de Lucas Nouveaux Classiques : RBC Model Nouveaux Keynésiens : Théorie du déséquilibre (Asymétrie informationnelle) Hypothèse basique Anticipations Rationnelles Calcul Economique 3 Fondements microéconomiques de modèles macroéconométriques Modèle RBC Modèle DSGE 2 Référentiel Classique Principe de Cohérence Temporelle 1 Outils opérationnels Optimisation Dynamique Approches privilégiées Econométrie Bayésienne La construction de modèles DSGE passe par cinq étapes essentielles : (i) élaboration de règles de décisions d’optimisation des ménages, des entreprises et du gouvernement ; (ii) bouclage du modèle ; (iii) calibrage et/ou estimation des paramètres ; (iv) estimation du modèle et (v) simulation des chocs Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 19 et incidences sur les politiques économiques. Chacune de ces étapes est profusément illustrée dans le corps du travail. Les méthodes et techniques quantitatives mobilisées dans ce travail concourent, non seulement, à la résolution de la problématique majeure du présent travail, mais échappe, également, à la critique de Lucas. Subséquemment, la démarche entreprise consiste à construire un modèle macroéconomique comprenant des équations qui résultent d’objectifs microéconomiques, sous contraintes que les agents économiques visent à atteindre. C’est la méthodologie de l’équilibre général dynamique ou la discipline de l’équilibre général au sens de Kehoe et Prescott (1994). Par ailleurs, pour répondre pertinemment à certaines considérations et préoccupations soulevées précédemment, nous avons intensivement mobilisé les techniques documentaires et les entretiens avec des personnes ressources en référence au thème traité. 5– Objectif et Intérêt de l’étude L’activité intellectuelle, comme le précise Barro1 (2004), dans une société libre comme la nôtre est faite de raisonnement et ne débouche pas sur des conclusions connues déjà –surtout si l’on recherche des idées nouvelles pour le nouveau millénaire. L’objectif de ce travail est double : 1. Construire un modèle d’équilibre général dynamique et stochastique (DSGE) pour la RD. Congo ; 2. Appliquer le modèle DSGE aux données congolaises pour apprécier la pertinence des politiques économiques. L’intérêt d’une telle recherche peut être résumé en trois points : 1. Ramener le débat académique sur l’orbite de préoccupations les plus tranchantes de la macroéconomie moderne ; 2. Populariser la modélisation résultant des contributions des apports de la Nouvelle Macroéconomie Classiques (NMC) et de la Nouvelle Macroéconomie Keynésienne (NMK) ; 3. Doter les institutions de politique macroéconomique d’un outil d’aide à la décision robuste et précis. 1 Robert J. Barro, macroéconomiste américain, l’auteur du théorème d’équivalence ricardienne et de nombreux apports, notamment en croissance économique. Alors que Lucas (1976) a montré l’inefficacité des politiques monétaires, Barro (1974) a mis en évidence l’inefficacité des politiques budgétaires. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 20 In fine, l’élégance et la complexité caractérisant les modèles DSGE intéresseraient, sans nul doute, tant les chercheurs académiques que professionnels. 6– Délimitation du travail Du point de vue spatiale, l’analyse porte sur la RD. Congo. Ainsi, les données de la comptabilité nationale RD-congolaise seront utilisées. Du point de vue temporelle, nous considérons la période allant de 2002 à 2012 (en fréquence trimestrielle) pour l’analyse empirique. Cet horizon temporel répond aux exigences techniques et rend aisée l’application des estimations. Toutefois, il y a lieu de préciser que, d’une part, l’analyse des considérations basiques du modèle d’analyse considère un horizon temporel plus large, allant de la révolution des anticipations rationnelles (1976) à l’émergence des modèles DSGE avec viscosité des prix et d’autre part, l’étude de l’histoire économique de la RD. Congo s’étend de 1960 à 2012. 7– Structure du travail Le développement du travail, hormis l’introduction et la conclusion, s’articule autour de quatre chapitres. 1 : Dynamique de la politique économique, Incohérence temporelle et Révision bayésienne Ce chapitre pose les jalons des développements qui suivront. Ils présentent de manière claire et rigoureuse l’ensemble d’outils qui constituent les inputs des analyses au niveau des chapitres 3 et 4. 2 : Cadre macroéconomique et Analyse de politique économique en RD. Congo Ce chapitre présente la dynamique de l’économie RD-congolaise. Il passe en revue, d’un côté, les grands secteurs de l’économie RD-congolaise et de l’autre côté, les mesures arrêtées par les décideurs politiques et leurs incidences sur la conduite et la qualité de gestion de la Res Publica. 3 : Construction et Application d’un modèle DSGE pour la RD. Congo Il est question, dans ce chapitre, de mettre en évidence l’essai de construction d’un modèle DSGE pour l’économie congolaise. Ainsi, nous nous attèlerons sur la dérivation, puis le bouclage du modèle d’analyse, avant de se rabattre à la problématique liée collecte des données. Ensuite, nous nous intéresserons au calibrage des paramètres, à l’estimation du modèle à l’aide des techniques bayésiennes et à la réalisation des simulations de l’incidence des mesures de politique monétaire. Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 21 Jean – Paul Tsasa Vangu Kimbambu 4ième promotion NPTCI – Campus de Kinshasa/Université Polytechnique de Bobo - Dsso Mémoire de Master en économie 22 Bibliographie Ouvrages 1) ABRAHAM – FROIS Gilbert et Françoise LARBRE, 1998, La macroéconomie Après Lucas : Textes Choisis, éd. Economica, Paris. 2) AGENOR Pierre – Richard and Peter J. MONTIEL, 1999, Development Macroéconomics, Princeton University press, Princeton, New Jersey. 3) AGENOR Pierre – Richard, 2000, The Economics of Adjustment and Growth, Academic Press, London. 4) AGHION Philippe et Peter HOWITT, 2010, L’Economie de la Croissance, éd. 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