Programme du séminaire : Société et Publicité
Les critiques sociales de la publicité : premiers éléments réflexifs sur ses
formes de mobilisation et leurs impacts
Isabelle Veyrat Masson : Allocution d’ouverture
Directrice du Laboratoire Communication et Politique [CNRS]
Valérie Sacriste : la critique sociale de la publicité est-elle anecdotique ou un
phénomène social contextualisé ?
Les critiques à l’encontre de la publicité se sont actualisées sous une forme originale dans les années
90 au travers de revendications et d’actions centrées à dénoncer explicitement et collectivement la
publicité, du moins, plus précisément, son système. Médiatisées, ces critiques ont donné lieu
également à une vaste littérature, souvent pamphlétaire, à pléthore de plaidoiries, de sondages, à de
multiples débats mais à peu de réflexions sociologiques sur le sujet. Du moins, à l’exception des
travaux de la sociologie économique et des sciences du langage, la publicité dans ses manifestions
critiques et plus globalement dans sa réception demeure un objet d’étude ignorée en France par
[
notamment mais pas uniquement
]
les sociologues des médias. Ce séminaire entend ainsi amorcer
une réflexion sur ce sujet. En forme liminaire, on s’interrogera sur la nature du phénomène. Comment
en effet aborder ces critiques sociales et les interpréter ? Perçues logiquement et différemment selon
les journalistes, les publicitaires, les sondeurs, les contestataires, on se demandera si ce phénomène
indéniablement de société est un phénomène in-ordinaire, anecdotique, un fait social et de quel
type ? Peut-on parler de fait divers, de fait social cristallisé, de courant ou de mouvement social ? On
poursuivra cette esquisse d’analyse du phénomène en s’interrogeant sur l’évolution des discours
critiques tenue sur la publicité par le biais des opinions déclarées à ce sujet dans les sondages. Bien
qu’imprécis, ces derniers offrent dans leur renouvellement des moyens de saisir dans le temps les
représentations sociales sur la publicité et de cerner peu ou prou les variables sociales discriminantes
des diverses opinions déclarées. Socialement et culturellement circonscrites, les critiques de la
publicité ne peuvent toutefois pas se saisir et être éclairées uniquement au travers des variables
catégorielles globalisantes. Les premiers résultats de l’enquête qualitative menées auprès d‘individus
se déclarant critiques de la publicité montrent que les ressorts explicatifs des contestations à
l’encontre de la publicité sont bien plus complexes, liés à des expériences, vécues parfois sur le mode
de l’épreuve, souvent en relation avec des histoires de vie familiale quotidienne. Des critères qui
prédisposent à critiquer et à dénoncer la publicité mais pas forcément à s’engager : histoire de
décalage entre le dire et le faire, entre les représentations et les pratiques.
Sophie Dubuisson-Quellier : Les ambiguïtés de la mobilisation des consommateurs dans les
mouvements de consommation critique
Depuis le milieu des années 1990, plusieurs mouvements sociaux remettent en cause les
fonctionnements marchands qu’ils accusent d’être à l’origine de différents types de désordres,
comme la dégradation de l’environnement, la précarisation des petits producteurs ou encore
l’exploitation des travailleurs dans les pays du Sud. Dans cette intervention, nous proposons
d'interroger l’ambiguïté des positionnements de mouvements contestant le marché avec les
consommateurs. Quelles sont les stratégies qu’ils adoptent pour s’adresser aux consommateurs, les
recruter et les mobiliser ? Inversement, quelles sont les trajectoires d’engagement des
consommateurs au sein de ces mouvements critiques ? La thèse que nous défendons consiste à
montrer que les mouvements vont précisément s’efforcer de modifier le statut et le rôle des
consommateurs dans les fonctionnements marchands. Leurs stratégies et répertoires reposent
notamment sur différents outils qui leur permettent de transformer un consommateur irresponsable
et ignorant en un acteur éclairé et responsabilisé capable d’agir et de réagir contre les désordres
marchands. Les trajectoires d’engagement des consommateurs suggèrent alors la capacité des
mouvements à modifier la réflexivité des consommateurs sur leurs propres actes, mais leur analyse
montre également que cette réflexivité s’enracine aussi dans des biographies familiales qui l’ont aussi
largement organisée.