Introduction
En 1975, le sociologue américain Erving Goffman publiait « Stigmate. Les usages
sociaux des handicaps » [1]. Ce travail a depuis inspiré une profusion de recherche sur les
représentations sociales et sur les phénomènes de stigmatisation et discrimination qui
touchent différents types de populations comme les homosexuels, les minorités ethniques ou
religieuses ou les handicapés physiques de toutes sortes (auditif, visuel, moteur, ...). Les
personnes souffrant de troubles psychiques ont naturellement fait partie de ces objets de
recherche ; et l’on a découvert progressivement l’étendue de ces phénomènes comme de leurs
conséquences – notamment en termes d’aggravation du handicap initial. Cette aggravation du
handicap se fait notamment par l’inobservance thérapeutique qui découle de l’absence de
reconnaissance des troubles dans ce contexte de stigmatisation de ces troubles.
Dans ce travail, nous nous pencherons sur la stigmatisation du trouble bipolaire (TB).
Il s’agit d’une maladie psychiatrique sévère, chronique et fréquente caractérisée par des
variations pathologiques de l’humeur et de l’énergie qui se trouvent être soit augmentées
(exaltation de l’humeur, ou manie) ou au contraire diminuée (dépression de l’humeur) – avec
entre les épisodes thymiques des intervalles dits libres (il est cependant connu aujourd’hui que
durant ces intervalles un certains nombres de paramètres comme le sommeil et l’impulsivité
sont perturbés). Le TB est reconnu comme la septième cause de handicap par année de vie
parmi toutes les maladies dans la population des 15 à 44 ans par l’ l’Organisation mondiale de
la santé (OMS) [2] [3]. Il est classiquement reconnu que 1 à 4 % de la population générale est
atteinte des formes typiques du trouble bipolaire. Le facteur principal de rechute thymique
chez un patient souffrant de TB est l’inobservance thérapeutique [3] [4], qui souvent découle
d’un environnement stigmatisant. Cette maladie a connu durant l’histoire de nombreuses
dénominations et elle se nommait en France jusqu’au début des années 90 la psychose
maniaco-dépressive (PMD) [5].
On observe depuis quelques années des mutations des représentations sociales du
trouble bipolaire, attestées par l’expérience de nombreux psychiatres qui voient des patients
arriver armés d’un autodiagnostic de bipolarité [6]. Ce travail cherche à voir dans quelle
mesure le changement récent de nom a pu participer à modifier ces représentations. A travers
cette réflexion, nous pourrons également constater les nombreuses mutations de la psychiatrie