RELEVER LE RAPPORT TB/TP POUR AMÉLIORER LE GOÛT DE NOS FROMAGES Au cours de la dernière décennie, la production a évolué en quantité et en qualité avec la spécialisation croissante des ateliers caprins, l'attention portée à la conduite alimentaire et les efforts déployés dans la filière pour améliorer le niveau génétique des troupeaux. Des chutes de TB saisonnières sont observées de façon croissante en élevage caprin, dégradant le rapport Taux Butyreux (TB)/Taux Protéique (TP). Un faible taux de matières grasses diminue les qualités organoleptiques perçues par le consommateur, on entend fréquemment « la pâte est granuleuse ou sèche, elle manque d'onctuosité, le fromage est cassant… » Cependant la progression du taux protéique est sensiblement plus rapide que celle du taux butyreux même si l'évolution de ces deux facteurs est fortement corrélée sur le plan génétique. Evolution mensuelle du rapport TB/TP 1991 et 2001 1,5 Le transformateur risque de produire un fromage présentant un rapport gras/sec (% matières grasses/matières sèches du fromage) en dessous du seuil de légalité marchande (45%). 1,45 1,4 1,35 1,3 Pour le producteur laitier, des pénalités sont appliquées en dessous de 33 grammes de TB par litre de lait. Certaines laiteries intègrent le rapport TB/TP dans le paiement des primes. 1,25 1,2 1,15 1,1 TB/TP Quel rapport ? 1,05 1 Pour les laiteries, un rapport égal ou supérieur à 1,15 favorise une bonne évolution du fromage. Chez les fromagers, notamment avec des mises bas groupées, des rapports TB/TP > 1,20 sont un frein à l’égouttage et peuvent aboutir à des défauts d’affinage. J F M A M J Jt TB/TP 1991 A S O N D TB/TP 2001 Source : Laboratoire de Bourges Dans certains élevages, la valeur des taux s'est rapprochée au point de s'inverser notamment dans la période mai-août. Plusieurs explications concourent à ce phénomène : Si elle est préoccupante pour la filière, l’inversion de taux est aussi un indicateur de la santé du troupeau. Une inversion des taux généralisée sur l'ensemble des chèvres d'un lot ou du troupeau est peut-être le signe d'une acidose subclinique : celle-ci peut à tout moment, sans modification des pratiques d'alimentation, entraîner des acidoses cliniques avec chutes de lait pouvant aller jusqu'à des mortalités. − Le développement de la race saanen qui a des taux plus faibles que la race alpine, − L'évolution de l'alimentation avec l'augmentation de la part d'aliments concentrés qui aboutit à une diminution du taux butyreux. Détecter une inversion de taux Au delà de deux analyses du lait de tank à taux inversés, une recherche des causes s’impose et des mesures sont à prendre. A voir avec votre contrôleur laitier. CRIEL Origine des matières grasses Les matières grasses du lait ont trois origines : − Les acides gras à chaîne courte (C4 à C12). Ils sont synthétisés dans la mamelle à partir des acides acétiques et butyriques formés dans le rumen. − Les acides gras à chaîne longue (C18). Ils ont pour origine l'alimentation et les réserves corporelles. − Les acides gras à chaîne intermédiaire (C14 à C16). Ils sont d'origine mixte. Les substances cellulosiques, c'est à dire les fourrages orientent les fermentations vers les produits terminaux nécessaires à la synthèse des acides gras. Ils favorisent donc le TB. Au contraire , l'amidon, donc les concentrés, orientent ces fermentations dans une voie différente et sont donc défavorables au TB. SYNTHESE DES MATIERES GRASSES DU LAIT Ration F e rm e n ta tio n R u m in a le D e s fib re s acide acétique Matières Grasses absorbées acide butyrique Synthèse (50 %) Prélèvement (50 %) Matières grasses du lait Mobilisation des réserves corporelles A.G.L. (acides gras libres) Ne pas descendre en dessous d’un rapport fourrage sur concentrés de 60-40 dans la ration consommée. Sélection − Assurer ce niveau de consommation par un apDepuis 1999, une nouvelle orientation est donnée à la port de fourrages de qualité réellement accessigénétique caprine avec la prise en compte de la richesse du ble pour toutes les chèvres d’un même lot. lait en matières grasse. Cela a donné lieu au nouvel Index − Vérifier les consommations de fourrage régulièCombiné Caprin. L'objectif de sélection consiste désormais à rement. obtenir une augmentation des quantités de matière utile (fromageable) par lactation avec une évolution positive du taux protéique et le retour à un rapport TB/TP voisin de 1.15. Les facteurs qui influent sur le rapport TB/TP et les moyens d’actions. − − − Faire de l’insémination artificielle, En saillie naturelle, bien choisir les parents (index, rapport TB/TP…) 60 % Périodes de mises bas, saison, stade de lactation 40 % Les taux diminuent avec les jours croissants et augmentent avec les jours décroissants. L'évolution des taux s'inverse aux périodes de solstice avec des minima fin juin et des maxima en automne . Concernant le stade de lactation, les taux sont toujours plus élevés en début et fin de lactation , ils évoluent à l'inverse de la quantité de lait produite. De bonnes pratiques d'alimentation − Ajuster la complémentation au niveau de production 60% des exploitations ajustant la complémentation par niveau de production n'ont pas de mois inversés. Par contre, 80% des exploitations n'ajustant pas la complémentation par niveau de production ont au moins 2 mois de taux inversés.(Enquête Contrôle Laitier Indre-et-Loire). − Multiplier le nombre de repas 50% des exploitations distribuant les concentrés en 4 à 6 repas n'ont pas de mois inversés. Par contre, 70% des exploitations distribuant les concentrés en 2 à 3 repas par jour ont au moins 2 mois inversés.(Enquête Contrôle Laitier Indre-et-Loire) − Vérifier que toutes les chèvres mangent du fourrage Evolution comparée des taux protéiques et butyreux N D J F M A M J Jt A S O N 41 39 37 35 33 31 29 27 25 TP 550/800 TEMOIN TB 550/800 TEMOIN TP 550/800 DESAISO TB 550/800 DESAISO Alimentation Importance des fourrages dans la ration L'amplitude de variation du taux butyreux sous l'influence de la teneur en fourrage de la ration peut atteindre 20 points. Entre 100 et 65 % de la matière sèche de la ration sous forme de fourrage, le TB est quasiment stable. De 65 à 40 %, le TB diminue avec une amplitude très variable selon les essais. En dessous de 40 % de la MS sous forme de fourrage, le TB peut atteindre des valeurs très faibles, inférieures à 20 ‰. La teneur en cellulose brute (constituant principal des fourrages) de la ration est un critère utilisable en complément du précédent surtout si la proportion de fourrage est faible. Il ne doit jamais être inférieur à 18 % de la MS de la ration appliquée à un lot. Une quantité de concentrés raisonnable Le niveau d’amidon maximum recommandé dans les rations se situe entre 22 et 25% de la matière sèche totale. Un excès d’amidon dans la ration favorisera l’expression du taux protéique et pénalisera le taux butyreux , sans compter les risques sanitaires dus à l’acidose chronique. Faut il grasses ? supplémenter en matières La plupart des rations à base de foin ou d'ensilage d'herbe, complémentées par certaines céréales (orge, blé) ou par des tourteaux déshuilés sont souvent déficitaires en matières grasses, et peuvent expliquer un taux butyreux faible. Dans ce cas, l'apport de matières grasses dans la ration peut augmenter le taux butyreux, voire le TP et la production de lait. Des apports trop importants de matières grasses alimentaires peuvent perturber le fonctionnement du rumen principalement en détruisant une partie de la flore microbienne. ! ! L'apport de MG pour des chèvres déjà en inversion de taux risque de ne pas avoir les effets escomptés, cette matière grasse engraissera les chèvres au détriment du TB. Supplémenter efficace − Ne jamais dépasser 6% de matières grasses dans la ration totale. Les apports doivent débuter juste après le pic de lactation. L’efficacité d’une supplémentation en MG diminue avec l’avancement de la lactation. La supplémentation est aussi à raisonner d’un point de vue économique. Si la supplémentation lipidique semble le plus souvent améliorer le TB et le rapport TB/TP, il reste à vérifier son incidence sur les qualités organoleptiques du fromage. Des études sont actuellement en cours. Le tournesol, pourquoi pas ? L’amélioration du taux butyreux par un simple apport de tournesol entier est un moyen de correction compétitif. Les graines de tournesol contiennent environ 50% de lipides. Donc 50 à 80 g de graines apportent 20 à 40 g de matières grasses. Si les chèvres consomment 2.5 kg de matière sèche par jour, elles peuvent recevoir jusqu’à 60 g de matières grasses par des graines de tournesol. Bien que la matière grasse ne soit pas protégée, il y a peu de risques de perturber les fermentations du rumen jusqu’à 80 g de graines de tournesol/jour/chèvre. En dehors des facteurs génétiques et raciaux, la composition du lait de chèvre est beaucoup plus influencée par la proportion des ingrédients présents dans chaque ration que par les systèmes alimentaires eux mêmes. Pour un même système alimentaire, il existe donc bien des combinaisons alimentaires plus ou moins favorables à l’expression ces taux et principalement du TB. La recherche d’un rapport TB/TP satisfaisant et donc d’un TB supérieur se fera donc prioritairement : • en augmentant l’ingestion de fourrages de qualité, • en adaptant la complémentation au niveau de production, • et enfin si nécessaire par la supplémentation en matières grasses. Ont participé à la rédaction de ce document : Le CRIEL, l’Institut de l'Élevage et les techniciens du réseau d’élevage «ROSACE ». Mise en page : Valérie LOCHON - Octobre 2002