La ration " sèche " : Plus de lait, moins de travail … mais à quel prix ?

publicité
La ration " sèche " : Plus de lait, moins de travail … mais à
quel prix ?
Pratique d'alimentation émergente, la ration " sèche ", appelée encore ration " concentrés ", interroge fortement les éleveurs laitiers. Le
remplacement de l'ensilage de maïs par des concentrés est perçu comme une solution pour réduire le temps de travail et limiter
l'investissement avec en prime une augmentation significative de la productivité des vaches.
Mais au-delà de cette pratique, c'est un bouleversement du fonctionnement de l'exploitation qui est attendu sans aujourd'hui connaître l'impact
économique qui en découle. C'est sur ce point que les réseaux d'élevage ont souhaité apporter un éclairage.
Laisser le concentré en libre service pour les vaches laitières.
Une nouvelle approche de l'alimentation des vaches.
Aujourd'hui, l'optimisation technique et économique en matière d'alimentation des vaches laitières repose sur des apports de fourrages
produits sur l'exploitation et sur un ajustement des concentrés en fonction d'un niveau de production attendu.
A l'opposé, le concept de "ration sèche" propose de réduire la part de fourrages au strict minimum (environ 7 kg de foin) et de laisser le
concentré en libre service. Les objectifs mis en avant sont de diminuer le temps de travail, d'éviter des investissements et d'atteindre un niveau
de production élevé.
En effet, avec une consommation journalière de concentrés autour de 20kg par vache, on peut estimer que la ration n'est plus limitante pour
permettre l'expression maximale du potentiel de production des vaches. L'augmentation attendue de la production laitière va de 15 à 25% ;
parallèlement, on peut s'attendre à une baisse du taux butyreux de 3 à 5 points et à un maintien du taux protéique.
Que deviennent les surfaces fourragères ?
Dans les systèmes fourragers basés sur l'ensilage de maïs, le passage à la ration sèche se traduit par la conversion des surfaces en maïs en
culture de vente (colza, blé, tournesol ...). Quand la part de prairies est très réduite, l'exploitation peut devenir déficitaire en foin, il faudra alors
en trouver sur le marché ou ressemer de l'herbe.
Par contre, chez les éleveurs herbagers, les longues transitions alimentaires nécessaires en ration " sèche " vont conduire à l'abandon du
pâturage. Il faut alors repenser la gestion des prairies, faire plus de foin, revoir la fertilisation azotée à la baisse, et souvent créer ou développer
un atelier de viande pour occuper ces surfaces.
Une importante baisse prévisible du revenu.
Malgré une augmentation du produit d'exploitation permise par des ventes supplémentaires de lait, de cultures ou de viande, la baisse de
l'Excédent Brut d'Exploitation peut être estimée de 15 à 45% selon les systèmes d'exploitation soit une baisse de 30 à 100 € par 1000 litres de
quota. L'augmentation des charges opérationnelles est particulièrement importante, de 50 à 110% ; elle concerne surtout le poste concentré.
Les élevages les plus herbagers sont pénalisés plus fortement puisqu'ils cumulent deux facteurs que sont la substitution de fourrages peu
coûteux (foin et pâture) par des concentrés et la perte d'autonomie liée à l'utilisation des céréales produites sur la ferme.
L'économie directe en carburants et entretien mécanisation est minime, environ de 3% des charges de structure.
La baisse importante de l'EBE induit inévitablement une diminution forte de revenu qui ne peut être atténuée qu'à deux conditions:
- Une baisse de charges salariales : le travail libéré est essentiellement lié à la distribution journalière des fourrages mais ne permet pas
l'économie d'un salarié.
- Une diminution progressive des annuités si la technique permet d'échapper à de nouveaux d'emprunts. Mais cela suppose de ne plus avoir
besoin de déssileuse et surtout d'éviter de construire des silos ou d'agrandir un bâtiment pour faire plus de lait.
Il faut cependant rester conscient que toute nouvelle technique qui modifie le fonctionnement d'une exploitation crée fréquemment de
nouveaux besoins d'investissement comme par exemple adapter la chaîne de récolte et de distribution du foin, stocker le foin et la paille
supplémentaires ainsi que les concentrés qui arrivent en grande quantité, loger le surplus d'animaux viande….
Des économies de temps à relativiser.
Le travail d'astreinte, en temps et en pénibilité, auprès des animaux se trouve effectivement allégé grâce à l'arrêt de la distribution des
fourrages et de la gestion du front d'attaque du silo. Et c'est d'autant plus vrai que le maïs est distribué toute l'année initialement, par contre
pour les autres systèmes, l'effet est limité a cause de la conduite des vaches toute l'année dans les bâtiments et dans certains cas par un
cheptel viande plus important.
Au niveau du travail de saison, le temps économisé par l'arrêt du chantier d'ensilage de maïs est transféré pour partie sur la période estivale
pour la récolte des foins, regains et chantiers de paille.
Le gain de temps de travail, qui est la motivation première de l'éleveur, est variable; dans les diverses simulations réalisées par les réseaux
d'élevage, il est au maximum de 260 heures sur l'année pour les systèmes en zéro pâturage (400000 L lait sur 30 ha de SFP) et quasiment nul
pour les systèmes herbagers (300 000 L lait sur 126 ha de SFP).
Pour conclure, le développement de cette pratique, prometteuse au niveau technique, est lourde de conséquences pour la santé
économique de l'exploitation. Le gain de temps mis en avant par les promoteurs de cette technique, s'il est important pour les systèmes sans
pâturage, se révèle plutôt modeste dans les systèmes plus herbagers.
Au final, le prix à payer de cette innovation risque souvent d'être élevé au regard de la réduction réelle en temps de travail.
L'équipe des réseaux d'élevage
Pour la chambre d'agriculture de la Haute-Marne : Daniel COUEFFE
avec des bœufs
avec des bœufs
et VA
spécialisés
avec des
cultures
en Champagne
en Alsace
SFP (ha)
126
79
71
61
30
51
%maîs
0%
8%
18%
33%
50%
31%
300 000
160 000
400 000
454 000
462 000
400 000
5 400
6 300
7 200
8 100
7 700
7 700
augmentation productivité
32%
28%
24%
22%
23%
23%
Produit Exploitation / initial
5%
7%
7%
5%
4%
6%
Ch. Opérationnelles / initial
113%
87%
87%
53%
47%
55%
EBE /initial
-43%
-26%
-29%
-16%
-17%
-16%
évolution EBE € / 1 000 l
-104
-67
-47
-34
-40
-32
heures/an
-17
-50
-20
-105
-227
-210
systèmes laitiers :
système initial
référence laitière (L)
L lait/VL/an
hypothèses ration sèche
ces simulations reposent sur des exploitations dont le fonctionnement est optimisé en situation initiale.
calculs réalisés sur la base de 20kg de concentré/VL/jour à 200€/T et d'une augmentation de potentiel de 1750L lait/VL/an
Téléchargement