CRYPTOSPORIDIES CRYPTOSPORIDIES DEFINITION Cryptosporidium est un protozoaire cosmopolite du groupe des Coccidies, dont le cycle parasitaire peut se produire chez un grand nombre d’espèces animales (mammifères, reptiles, oiseaux et poissons). Il est responsable de la cryptosporidiose, protozoose intestinale connue de longue date en médecine vétérinaire, mais qui n’a été identifiée chez l’homme qu’en 1976. La principale espèce pathogène chez l’homme est C. parvum. Initialement décrite comme la cause de brefs épisodes diarrhéiques, principalement chez l’enfant, elle est surtout connue depuis l’émergence du sida provoquant, chez les malades immunodéprimés, de graves syndromes diarrhéiques cholériformes. Synonymes : espèces responsables de la plupart des cas de cryptosporidiose chez l’homme : Cryptosporidium parvum, C. hominis, C. meleagridis, C. felis et C. canis. BIOPATHOLOGIE La contamination de l’homme s’effectue par contact avec des animaux ou individus infectés ou par ingestion des oocystes du protozoaire en consommant de l’eau ou des aliments souillés par les fécès d’un hôte infesté. Une transmission nosocomiale a également été évoquée. Le cycle du parasite se déroule dans les entérocytes de l’hôte et dure en moyenne 3 jours. Les différents stades parasitaires s’y succèdent, la phase sexuée donnant naissance à de nouveaux oocystes sporulés et résistants, éliminés dans les selles. La prévalence de la cryptosporidiose est d’environ 2 % dans les pays industrialisés et 6 % dans les pays en voie de développement. Elle est surtout importante chez les patients immunodéprimés, en particulier les sujets infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) chez qui elle a atteint 14 à 24 %, en l’absence de traitement anti-rétroviral. Chez le sujet immunocompétent, la maladie touche essentiellement les enfants de moins de 4 ans (épidémies de crèche), les éleveurs, vétérinaires ou personnels hospitaliers, ainsi que les voyageurs de retour d’un pays à bas niveau d’hygiène. Elle est asymptomatique ou se manifeste, après une incubation de 5 à 21 jours, par une gastro-entérite avec diarrhée aqueuse (3 à 6 selles, parfois plus/jour ; sang et leucocytes rares) spontanément résolutive en 1 à 2 semaines. Chez l’immunodéprimé, la cryptosporidiose entraîne une diarrhée aqueuse, cholériforme, faite de 10 à 20 selles par jour, mais pouvant alterner avec des périodes de transit normal, voire de constipation. Le volume quotidien des selles est généralement très important, pouvant atteindre 10 litres/jour, voire plus. La diarrhée peut durer quelques semaines, mais persiste généralement plusieurs mois, conduisant au décès du patient dans un tableau de désordre hydroélectrolytique et de cachexie majeurs. Des atteintes biliaires et respiratoires ont aussi été décrites. INDICATIONS DE LA RECHERCHE – Diarrhée aiguë ou chronique * chez les sujets immunodéprimés : les patients infectés par le VIH ayant moins de 200 lymphocytes CD4/mm3, les patients d’oncologie et d’hématologie. * chez les sujets immunocompétents : les enfants en collectivité, les sujets en contact avec des animaux, le personnel hospitalier, les voyageurs, ou en cas d’épidémie de diarrhée, notamment hospitalière (infection nosocomiale). Cette recherche doit toujours être précédée de 3 examens parasitologiques des selles (EPS) à 2-3 jours d’intervalle. Si les 3 EPS sont négatifs et si les symptômes persistent, il convient de rechercher, entre autres, les cryptosporidies. – Atteinte pulmonaire ou hépatobiliaire chez un sujet immunodéprimé (surtout patient VIH + ayant moins de 50 CD4/mm3) ou recherche d’un portage asymptomatique dans l’entourage d’un sujet atteint. RECOMMANDATIONS PREANALYTIQUES PRELEVEMENT - Selles fraîchement émises ; l’élimination des oocystes étant intermittente, il est recommandé d’effectuer la recherche sur au moins 3 échantillons à 2-3 jours d’intervalle. - Biopsies duodénales ou intestinales. - Autres : liquides de lavage broncho-alvéolaires, prélèvements biliaires… QUESTIONS A POSER AU PATIENT Notion d’immunodépression (infection par le VIH, traitement en cours par un immunosuppresseur ou un anticancéreux) ? Antécédents d’EPS standard ? CONSERVATION ET TRANSPORT Conservation et transport des selles à + 4 °C jusqu’à l’analyse. En raison du risque non négligeable de contamination, il convient de prendre certaines précautions : mélanger l’échantillon avec du formol à 10 %, porter des gants, un masque et des lunettes pour la manipulation. © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 1/3 CRYPTOSPORIDIES METHODES DIAGNOSTIQUES - Examen parasitologique direct d’un frottis de selles, permettant la mise en évidence des oocystes du parasite. Une concentration des selles (technique de Ritchie) est recommandée, en particulier lorsqu’il s’agit d’une recherche de portage sain, chez un sujet en contact avec un patient atteint. NB : les cryptosporidies ne sont pas mises en évidence par les techniques classiques de parasitologie des selles : la recherche spécifique doit donc être précisée par le médecin prescripteur afin de mettre en œuvre les techniques appropriées. L’initiative de cette recherche peut également être prise par le biologiste en fonction des informations cliniques ou épidémiologiques recueillies. La méthode de coloration donnant les meilleurs résultats pour la recherche spécifique de cryptosporidies est la méthode de Ziehl-Nielsen modifiée après concentration au formol-éther (coloration à la fuchsine phéniquée ; contre coloration au vert malachite). Elle est facile et assez rapide à réaliser (90 min), peu coûteuse et permet également le diagnostic de Isospora belli et Cyclospora. D’autres colorations peuvent être utilisées, notamment la coloration par l’auramine, facile et rapide, mais elle nécessite un microscope à fluorescence et ne permet pas le diagnostic de Isospora belli et Cyclospora. L’utilisation de réactifs contenant un anticorps monoclonal fluorescent dirigé contre la paroi de l’oocyste, avec lecture au microscope à fluorescence, est également possible et permet aussi le diagnostic de Giardia. Toutefois, elle nécessite un microscope à fluorescence et ne permet pas le diagnostic de Isospora belli et Cyclospora. - Détection d’antigènes de Cryptosporidium : des tests immunochromatographiques sont disponibles et simples d’utilisation ; la recherche est plus coûteuse, mais peut être effectuée par du personnel non entraîné au diagnostic parasitologique microscopique. La spécificité de ces tests est excellente, mais leur sensibilité est comprise entre 70 et 90 % pour les espèces C. parvum et C. hominis (< 30 % pour les autres espèces). Des tests Elisa ont également été développés ; ils ont de bonnes performances (sensibilité : 91-93 % ; spécificité : 96,5 – 100 %), mais sont surtout utilisés pour des enquêtes de masse et très peu en LBM. - Biologie moléculaire : mise en évidence de l’ADN de Cryptosporidium par PCR. Cette technique est très sensible et permet un diagnostic d’espèce et de sousespèce. Elle reste toutefois réservée à des laboratoires spécialisés ou de référence. INTERPRETATION DES RESULTATS Le diagnostic repose principalement sur la mise en évidence du parasite à l’examen direct d’un frottis de selles (après concentration ou non). Compte tenu de l’élimination discontinue des oocystes, un résultat ne pourra être rendu négatif qu’après examen de trois échantillons. NB : C. parvum peut être retrouvé dans des selles diarrhéiques ou des selles moulées. A l’examen direct, les oocystes apparaissent de forme arrondie, réfringents, sans élément caractéristique permettant le diagnostic spécifique de C. parvum. Après coloration par la technique de Ziehl-Nielsen modifiée : les oocystes de cryptosporidies apparaissent colorés en rouge sur fond bleu-vert. Ils sont détectables dès l’objectif x 20 (5-8 μm). Au fort grossissement (à l’immersion), il est possible de distinguer le corps résiduel (noir), les noyaux des sporozoïtes (noirs) et une vacuole au sein d’un cytoplasme granuleux. Le diagnostic précis d’espèce pourra être porté par les techniques d’amplification génique. Diagnostic morphologique différentiel avec d’autres entéropathogènes décrits dans un contexte clinique similaire (coloration de Ziehl-Nielsen modifiée, examen à l’immersion) Oocystes de Cryptosporidium parvum Oocystes de Cyclospora cayetanensis 8 à 10 Oocystes d’Isospora Belli 20 à 33 x 10 à 19 Levures Globules lipidiques Caractéristiques au Ziehl-Nielsen Colorés en rouge ; Corps résiduel et noyaux des sporozoïtes (noirs), vacuole, cytoplasme granuleux Colorés en rouge, mais de manière hétérogène au sein d’un même frottis Colorés en rouge ; forme ovalaire, en obus, grande taille 2 à 10 Colorées en vert Très variable Colorés en rose, dépourvus d’organisation interne Chez les patients ayant une symptomatologie digestive (gastro-entérite, diarrhée), l’isolement de C. parvum permet de conclure à une cryptosporidiose. Chez l’immunodéprimé, l’atteinte digestive est parfois associée à une atteinte pulmonaire ou biliaire (C. parvum peut alors être isolé dans la bile). Après guérison ou en cas d’infections récidivantes, un portage asymptomatique peut perdurer plusieurs semaines. © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES Taille (en microns) 5à7 2/3 CRYPTOSPORIDIES Traitement – Prévention des infections Le traitement est avant tout symptomatique, avec réhydratation dans les cas graves. Chez le patient VIH+, le traitement anti-rétroviral, en restaurant l’immunité, favorise la prévention et le contrôle de la cryptosporidiose. Un traitement par macrolide (azithromycine, clarithromycine, spiramycine) peut être utilisé. La prévention de la cryptosporidiose humaine repose, en milieu hospitalier, sur la mise en œuvre de mesures spécifiques (lavage soigneux des mains, port de gants, traitement des effluents…). Chez les patients immunodéprimés et les voyageurs en zones à bas niveaux d’hygiène, les principales recommandations sont de boire de l’eau minérale en bouteille ou de l’eau bouillie ou filtrée (0,2 microns), de renforcer l’hygiène des mains, d’éviter les bains en eaux non contrôlées (lacs, rivières, bases de loisirs) et les contacts avec des animaux susceptibles d’être contaminés (jeunes veaux). . POUR EN SAVOIR PLUS Bonnin A., Dalle F., Dautin G., Cryptosporidium, agent pathogène des cryptosporidioses, Encycl Med Biol, Elsevier, Paris, 2003. Deluol A.M. Coccidioses intestinales, Feuillets de Biologie 1997; XXXVIII (214): 47-51. Paugam A., Tourte-Schaefer C., Commentaire sur les frottis de selles contenant Cryptosporidium sp. In: Annales du contrôle national de qualité n°1. Agence du médicament, Saint-Denis, 1995: 48-50. Guyot K., Sarfati C., Derouin F., Actualités sur l’épidémiologie et le diagnostic de la cryptosporidiose, Feuillets de Biologie 2012 (janv) ;304 :21-29. © 2012 Biomnis – PRÉCIS DE BIOPATHOLOGIE ANALYSES MÉDICALES SPÉCIALISÉES 3/3