BILLET - JUILLET 2014
QUELLES C ONSÉQUENCES ?
La chute du prix du gaz naturel en Europe reste à analyser
en détail, mais un facteur comme la baisse de la demande
a dû avoir un impact important. Cette chute de prix a fait
suite à la substitution du gaz naturel par du charbon, les
deux combustibles étant interchangeables quasi instanta-
nément dans la production d’électricité en raison des
surcapacités existantes en Europe aussi bien en centrales
à gaz qu’à charbon.
La crise économique et les politiques de maîtrise de la
demande d’énergie destinées à s’amplifier ont dû égale-
ment jouer un rôle déflationniste sur le prix du gaz en
Europe. Une anticipation du redémarrage des tranches
nucléaires au Japon, lequel capte une bonne partie des
cargaisons de GNL (gaz naturel liquéfié) pour compenser
l’arrêt de ses centrales, va dans le même sens, ainsi que la
volonté achée par certains pays (en particulier la Pologne,
le Royaume-Uni mais aussi l’Allemagne) de vouloir tirer
profit de leurs ressources non conventionnelles.
Au passage, on notera les dicultés de Gazprom qui voit
ses recettes diminuer (l’Europe est son principal acheteur
de gaz) et dont la position est bien moins assurée que ne
l’imaginent de nombreux observateurs européens.
Dans un terme proche, la production d’électricité à base de
gaz devrait reprendre (du fait de ces prix plus bas), stop-
pant l’hémorragie de fermetures de centrales à gaz, par-
fois très récentes, devenues non rentables. Parallèlement,
le prix du CO2devrait encore baisser (mais peu, car son prix
est déjà proche de zéro !) comme la demande en charbon.
Toutefois, les marges de compétitivité du charbon restent
élevées car les réserves mondiales sont extrêmement
abondantes. Aux États-Unis, en raison de conditions géo-
logiques favorables (couches très épaisses, mines à ciel
ouvert), son coût marginal de production est assez bas, et
les mines étant proches des ports, son évacuation est
facile. Suite aux dernières décisions du Président Obama
ayant pour but de prohiber son utilisation dans les
centrales électriques – et donc indirectement favoriser
l’utilisation de gaz (de schiste) –, il y a fort à parier que
des quantités importantes de charbon américain se
déverseront dans les années à venir sur notre continent, et
ce, malgré un éventuel prix de CO2plus élevé.
Une telle baisse nous rappelle que le prix des hydrocar-
bures est très volatil et n’est pas toujours prévisible. À
court terme, elle constitue une très bonne nouvelle non
seulement pour notre balance commerciale, mais égale-
ment pour la compétitivité des gazo-intensifs. À moyen
terme, si elle s’avère durable, cette baisse peut géopoli-
tiquement fragiliser la position des grands pays fournis-
seurs, à commencer par la Russie. Il est plus difficile de
prédire ses conséquences sur le système électrique
européen et au final sur les émissions de CO2en raison
des interactions complexes entre les prix du gaz,
du charbon, de l’électricité et des objectifs que l’Union
voudra se fixer en matière d’efficacité énergétique, de
taux de pénétration des EnR, de lutte contre le réchauf-
fement climatique. Il convient de garder cette baisse
à l’esprit pour relativiser l’impact de mesures destinées
à redresser le prix des quotas ETS, comme un resserre-
ment des objectifs par la Commission européenne
(« backloading ») ou l’établissement d’un prix plancher.
PRIX DU GAZ AU ROYAUME-UNI (NBP)
ET AUX ÉTATS-UNIS (HH)
Source : Focus Gaz – IFPEN - Juin 2014